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4 – Jean-Marc Barrier – René Chabrière – Claudine Bohi – Perle Vallens – Muriel Verstischel – Yannick Resch – Dominique Bergougnoux – Jacqueline Fischer – Gérard Le Goff – Lydia Padellec – Elizabeth Guyon-Spennato – CHEN Hsiu-chen 陳秀珍(Taiwan – trad. E. Guyon-Spennato) – Joël Dely
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Jean-Marc Barrier

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René Chabrière
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Le ciel est empêtré dans la couleur.
Tu t’éveilles un matin incertain.
L’arbre ne porte plus de fleurs,
comme l’amandier peint par Van Gogh
sur un fond azur.
Les feuilles couleur rouille
ne tiennent qu’à un fil
des plus fragile.
On ne voit pas ce qui les retiennent,
si ce n’est le regret de la belle saison.
Un bleu plus cru s’aventure
dans la géométrie incertaine
de la peinture.
A défaut de ligne d’horizon
le regard a cette échappée
entre deux témoins d’automne,
mais c’est assez
pour que les feuilles s’envolent
même un jour de petit vent
qui suffit à glacer le sang.
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Claudine Bohi
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Hissé des profondeurs
un rouge fait soleil
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un reste de nuage effiloche la voix
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Ce qui glisse doucement dans les mots
a toujours une couleur
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et je crois parfois la toucher
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car c’est la couleur de l’enfance
inséparable de nos voix
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Si tous les mots l’égrainent
chacun d’eux la protège
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L’oubli est son royaume
nous en sommes la trace
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Nous, tombés dans le temps
depuis l’immensité
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Perle Vallens
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Depuis le vert
Je parle depuis la cime changeante du vert
d’un son entonné emprunté aux oiseaux
d’un chant de rivière qui reflète son foisonnement
d’émeraude et d’onyx
un génie loin de l’idée de mélanger
de jaune et de bleu la surface des feuilles
mais d’un jeu chlorophyllien
dont le soleil est le peintre
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La couleur se nourrit de l’eau et du vent
se gorge de pluie et de terre
elle digère rayons inverses
des rouges absorbée la colère
d’un spectre scintillant son camaïeu
rejailli sur toutes les faces du globe
comme d’un dé relancer la fougue
et le verdoiement
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Je parle d’une disparition progressive
l’obsolescence programmée d’une couleur
noyée dans le gris bitumeux
qu’on tire chaque jour vers le haut
pour empêcher que la planète bleue
perde tout à fait ses plumes
et son vert
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Muriel Verstischel
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Irisée turquoise majorelle outre-mer
Un bleu venu d’on ne sait où
enfoncé dans ton côté
une autre couleur pour tes yeux que je dessine
à intervalles réguliers
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Et je replie ta lettre
soupir dans une poche du repos de mon âme
Un bleu -oui – sans limite
ourlée de déchirures vermeilles
bordée d’une frange rouille et ocre
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Vers le soir c’est le vert sombre qui domine
rapiécé par la force des choses
et qui flotte au-dessus de moi
un « je t’aime » éclairé
Pendant ce temps la mer à grands plis mauves
cueille des archipels
une aurore en bouquet tinctorial
qui n’en finit pas de creuser la nuit
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Le cœur des couleurs est ainsi fait
il bat entre le noir et le blanc
sans choix qu’un profond désir
d’atteindre dans sa course
une couleur inconnue dont on sait simplement
qu’elle embrasse toutes les autres
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Yannick Resch
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Couleurs de la vie
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grisaille des jours
qui assombrit la pensée
les gestes s’étiolent
en manque de projets
les mots ourlés de lumière
sur tes lèvres
perdent leur éclat
silence noir sur
les heures emmaillotées
de mélancolie
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mais à l’aube
un obscur désir te pousse
à ouvrir grand la fenêtre
à rester là immobile
le visage offert
à la transparence
bleue de l’air
à l’appel invisible
du jardin qui verse
sur la terrasse sa cascade
mauve de volubilis
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et tu souris légère d’être
un instant consentante
aux couleurs de la vie
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Domi Bergougnoux
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Sur la toile à danser
elle étire la matière
elle allonge ses bras gourds
jusqu’à toucher la peau du ciel
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Elle rassemble les points épars
dans l’espace des douleurs cardinales
Elle coule son âme mauve
dans le godet des soupirs
Elle étire au couteau
la pâte comme un cri
La lumière ronge formes et ombres
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De l’absinthe au lilas
La couleur est un spectre où tremblent les reflets
Un pinceau qui tourne dans l’eau claire
Tout vibre dans le blanc
On touche alors aux pigments du poème
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Jacqueline Fischer
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Couleurs
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La chatte noire a vu
La jeune fille en rose
Et la rose rouge a souri
De toutes ses perles de rosée
De voir dans l’herbe verte
La jeune fille en rose
Jouer avec la chatte noire
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La chatte noire a griffé
La jeune fille en rose
Et la rose rouge a pleuré
De tous ses pétales embaumés
De voir dans la nuit bleue
La jeune fille en rose crier
La cruauté de la chatte noire
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Mais quand le soleil s’est levé
La main de la jeune fille blessée
A caressé le cœur fané
De la rose morte.
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Gérard Le Goff
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La nuit annule les couleurs du monde
Pleine lune aux cintres des cieux
Lanterne sourde aux adieux
Feu follet boiteuse ouvreuse
À mon cinoche de minuit
Sur l’écran de mes paupières closes
Le bleu anime l’évidence
Été de naguère et d’antan
Où le temps n’a guère été
Tes jours heureux
Tes soirs de danse
Croqueuse à belles dents de neige
Ourlées de velours
Que n’ai-je pu te retenir
Pulpe à ton fruit défendu
Tes baisers grisent
Bien plus que le vin versé
Que n’ai-je su t’envoûter
Baigneuse nue
Que l’écume dentelle vêt de transparence
Que n’ai-je pu t’enlacer
À mon cœur de sable qu’érode la vague
Que n’ai-je osé piller
L’or de ton corps immémorial
Dune dans la dune qui aiguise mon regard
Égaré à ta guise jusqu’à la fin du jour
Quand l’ombre mêle les couleurs du monde
Pour inventer le noir
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Lydia Padellec
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Elizabeth Guyon-Spennato
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聽大海的聲音
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鋪上太平洋小島
的海岸
有好多銅綠的鐘螺
看起來像貝殼
的墓地
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離開帛琉之前
你把一個鐘螺
從水裡弄出來
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在陽台上
你很有毅力
用砂布把牠的殼
擦乾淨
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彩色斑點慢慢
從幾層灰膜
露面
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一些粉紅黃色圖案出現
那是老天給過牠的原色
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可能不是太平洋
最美麗的鐘螺
牠卻含復活
的秘密
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ÉCOUTE LE SON DE LA MER
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D’innombrables escargots marins
couleur vert-de-gris
jonchent le rivage de cette petite île du Pacifique
On dirait une nécropole
de coquillages
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Avant de quitter les Palaos
Tu en sors un
de l’eau
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Sur ton balcon
Avec patience
tu frottes sa coquille
au papier de verre
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Des taches colorées émergent lentement
d’épaisses couches
grisâtres
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Quelques motifs roses ou jaunes apparaissent
Voici les couleurs originelles que le Ciel lui avait données
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Ce n’est peut-être pas
le plus beau coquillage du Pacifique
Mais il détient le secret du renouveau
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CHEN Hsiu-chen 陳秀珍(Taiwan)
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〈紫〉
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我深愛的
紫
竟含藏
生之喜死之懼
聽母親訴說我出生時
經歷長時陣痛
終於扳倒死神
我以腳先頭後的叛逆之姿
全身泛紫出場人世
宣告纏鬥結束
母親拍我屁股
逼出生之哭聲
且親自剪斷臍帶
從此我一生敬畏母親
浪漫紫原來滲入
熱熱的血紅
冷冷的鬱藍
La couleur violette
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Violet
Je t’aime tant
En toi se trouve vraiment
le bonheur de naître et la peur de mourir
J’ai écouté ma mère conter l’histoire de ma naissance
Les tourments du travail longuement endurés
Et enfin la victoire sur la mort
Frondeuse je m’étais présentée par les pieds
C’est toute violette que j’ai fait mon entrée dans ce monde
Proclamant la fin du combat
Ma mère m’a tapé sur les fesses
faisant sortir mon premier vagissement
Puis elle a elle-même coupé mon cordon ombilical
Depuis lors et pour la vie je vénère ma mère
Au fond la romantique couleur violette est imprégnée
d’un rouge sang bien chaud
et d’un bleu profond bien froid
trad. Elizabeth Guyon-Spennato
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Joël Dely
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J’ai noué un fil de l’aube aux portes de mon cœur
Pour faire un vêtement léger
Dans la tribulation du jour.
Comme au premier jour,
J’ai bercé mon souffle au chatoiement de l’aurore
En souvenir du jour où j’ai posé pied à terre.
Je me souviens, encore tiède du ventre maternel,
Avoir sangloté mon premier cri,
Appelé l’écume des vagues,
Pour colorer d’espérance
La barque qui devait me porter au long cours.
Et le ciel m’a répondu, s’est fardé de bleu léger
Les paupières du monde.
Et malgré la noirceur des néants qui voulaient m’engloutir,
J’ai cru, encore un matin,
Que l’univers entier voulait encore me sourire.
Joël L’Astropoète
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