Une éphéméride – ce calendrier qu’on effeuille au fil des jours – est à l’image de l’arbre en automne : chaque feuille arrachée emporte un souvenir, dépouille le présent, marque la succession du passage des instants que rien ne rattrape, sinon le vent qui les emporte… Sujet mélancolique, et pourtant riche de toutes les couleurs, les ors et rouilles qui parent ces défuntes, dont restent les fragiles squelettes, parfois. Voici ouverte la page des feuilles détachées à laquelle je vous invite à participer, avec textes, photos, oeuvres plastiques ou sonores… Parlez-nous de votre éphéméride personnel, votre façon de vivre ou sauvegarder le fugace et précaire instant.
Propositions à envoyer à jeudidesmots@gmail.com
C’est une photo de Giancarlo Baroni, et un poème d’Attilio Zanichelli (à retrouver en bas de page) qui ouvrent cette anthologie en ligne – merci à Emanuela Rizzo qui a sollicité cette action.
( © photo en une : Marilyne Bertoncini)
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Ephémérides/Lambert Savigneux
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Ephémérides
Se dit des jours séchés
dans les fumées du hêtre qui brûle
raccourcis des braises
fondu de l’obscurité
se dit du temps long et de l’obstination
casserole ébréchée carreaux graisseux
de l’ombre et du froid
quand le soleil faiblit sous les couches
Se dit des nuits et des jours et des ans
et des lumières ambrées
passées comme les cassures des
vieilles photographies
des lignes d’un carnet où l’encre fut vive
aussi jaune que les plumes d’un été
Se dit d’un sépia marronné
du sang giclé de la liberté
les sédiments élancés de l’eau aux nuages
des horizons blancs sur le livre des heures
du bleu si riche enluminé
du crissement lent de l’écriture
comme lune d’une langue au coin du feu
Se dit aussi des chemins perdus
de l’oubli dans l’horizon vide
des traces profondes mille fois creusées
des rajouts bouts à bouts de la jeunesse
de l’os cassé dans l’herbe ratatinée
craquement des pas sur le givre
écarte les rides du visage sur la mémoire.
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Le Jour d’après/Narki Nal
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Le jour d’après toujours arrive
La mort automnale de novembre
Ponctue les paysages de sang et de soleil
Couleurs trompeuses de vie
Quand tout meurt
Mais cette mort est éphémère
Je les ai vues en rêve ces feuilles éparpillées
D’éphéméride
Le vent soufflait sur ma vie
Elles faisaient un tapis
Comme ces feuilles mortes somptueuses
Ainsi s’égrène le temps et les saisons
Le jour d’après toujours arrive
Même si je m’agrippe au jour présent
J’ai voulu les remettre en ordre
Poser ma main pour les soustraire à l’effeuillage
Mais ce fut vain
Tout meurt
Avant de renaître
Être la feuille marcescente
Remplacée au printemps
Mais la mort n’est pas toujours éphémère
Presque rien/Yannick Resch
Presque rien
juste une impression
de grisaille
comme si
derrière la vitre
la clarté
avait
déserté le jour
laissé les nuages
obscurcir
l‘étendue du ciel
sans menace
d’orage
Presque rien
juste une impression
de temps vide
d’attente vaine
de pensées
qui s’embrouillent
de mots
qui s’égarent
blancheur
de la page
Presque rien
juste une impression
de flottement
de couleurs éteintes
qui s’effilochent
sans se confondre
et le regard
fatigué
ne sait plus
accueillir
la flamme
qui danse encore
sous ses paupières
L’Eau tarie/Amédée Pan
.
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L’eau tarie
mes chevaux ont déserté l’abreuvoir
partis au loin
vers les contrées bleutées du souvenir
Souvenir des herbes fraîches et du bruit
des sabots sur les pierres
Souvenir des plaisirs éphémères
comme celui du vent de mai dans les naseaux
ou le frisson des premières neiges
Les souvenirs comme présences invisibles
L’eau ne reviendra pas
Moi non plus
Eléments (extrait de livre d’artiste en duo)/Françoise Bonnel (photo) & Alain Helissen
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Les photos de Françoise Bonnel, prises dans la nature, atteignent l’abstraction. Mon travail a consisté à créer, en vis à vis dans le livre, des textes écrits sur des cartes de différentes couleurs assorties reprenant la dimension des photos, à savoir 15 x 10 cm. J’ai accompagné mes textes de papiers collés, de manière à suggérer un ensemble visuellement proche de la photo en vis à vis.
Floraison d’hiver/Mariapia Quintavalla (Italie)
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Floraison hivernale
Miracle des feuillets verts
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Dans le paysage délimité
Circulaire, ombres d’eau, mauve et bleu
et les verts sont là, alignés
sous les feuilles
des éclaboussures colorées qui
suffoquent le jour, qu’apaise la nuit
.Des kilos de pétales étalés
devant le soleil pâle
digérer toutes mes branches
pour être un arbre nouveau.
.Et le vent caresse
mes jambes blanches.
(traduction : Marilyne Bertoncini)
Empreintes
Bérénice Mollet/Marilyne Bertoncini(texte)
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Vestiges de lumière
Au cœur de la feuille, tapie sous sa mante de chlorophyle : la couleur obscure de son essence – révélée par l’automne en brève enluminure des cimes arborées au cœur de la forêt, apothéose de cuivres et de haut-bois sur bleu imperturbable d’ombre venue du fond de la lumière.
Détachée, la feuille vire au cuir, se crispe, se désagrège – poussière dans l’humus, cendreuse couleur de terre.
Le cycle recommence, impassible et cruel – la couleur monte, explose, et meurt… Intensification, obscurcissement, dans la fusion pourpre ou la matière s’anéantit et se renversent les valeurs.
L’empreinte de la feuille ici lui survit – comme, au suaire de Turin, les traits d’un dieu qu’on entrevoit alors même qu’il s’efface – éternité d’une ombre saisie comme une image par l’instantané des photos argentiques dans le bain qui les révèle.
Le réséda des teinturiers recèle un or teinté de vert, le sang du bois de la campêche déploie des mauves qui voisinent avec un ultra-violet, le jaune d’or du curcuma explose comme un soleil trop mûr, le feu des pelures d’oignon vibre dans l’infra-rouge : tout un ciel se déploie autour des traces ténues laissées par les veines à la sève tarie des feuilles d’arbre, couchées entre deux feuilles de papier.
novembre 2021
Automne encagoulé/Nadine Travacca
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Extension du blanc/Florence
Saint-Roch (texte et photos)
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1. tout se délite dans ta tête tu confonds les jours de la semaine oublies dates et rendez-vous comment faire pour distinguer un dimanche d’un lundi la question est ouverte comme devant toi ton carnet tu le parcours page après page en revisites les rares indications ton regard hésite se perd ne sait à quel saint se vouer tu n’y crois plus beaucoup d’ailleurs tes représentations s’enrayent le ciel aussi s’est effacé
.
2. ton oubli est plus dévorant encore que le temps insatiable il met les bouchées doubles parfois tu vis trois jours en un c’est si amusant d’effeuiller un éphéméride tes doigts amnésiques s’y plaisent y reviennent à plusieurs reprises dès avril ou mai c’est une peau de chagrin trop vite on avance dans l’automne des idées toutes les feuilles bientôt seront tombées viendra le terrible hiver le grand froid les souvenirs gelés
.
3. le calendrier de la poste est sagement à sa place bien punaisé sur le mur tu l’as toujours sous les yeux mais les mois n’ont pas grande importance ce que tu préfères toi ce sont les photos de chevaux le temps se cabre au moindre obstacle ta mémoire fait défaut jument indocile elle se dérobe piétine écarts voltes demi-voltes le cercle inexorablement se rétrécit la fière cavale refuse et toi tu abandonnes lâches la bride
.
4. t’offrir un éphéméride c’est une de mes idées je voulais te rendre palpable le temps qui passe j’espérais que tes doigts au moins se souviendraient et puis aussi que tu lirais patron du jour changement de saison lune rousse pleine ou nouvelle mais que t’importent désormais les fêtes les anniversaires quand tu cherches tes mots voici ta nouvelle litanie saint truc saint machin saint bazar saint bidule orate pro nobis
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Autumn Leaf/Barry Wallenstein (USA)
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Autumn Leaf
From my image on the pond,
I know my blush is deep,
my edges curl,
and my stem, though attached,
is drying. I’ll soon be on your surface.
Tonight’s predicted rainstorm
may sail me to your topmost edge.
Once that happens –
the inescapable small tumble –
we’ll be a spectacle of color.
But I’ll hang here a little longer.
It may not rain after all,
so, there’s extra time
while you wait for me.
Come spring
I could be lingering still,
the last leaf upon the tree.
Feuille d’automne
Mon reflet sur l’étang,
Me dit à quel point je suis rouge,
mes bords ondulés,
et ma tige, bien qu’attachée,
toute racornie. Je rejoindrai bientôt ta surface.
L’orage prévu ce soir
pourrait m’emporter vers ta rive supérieure.
Une fois survenue
l’inévitable culbute,
nous offrirons un spectacle bariolé.
Mais je vais rester encore un peu ici.
Il peut ne pas pleuvoir après tout,
Il y aurait donc un délai supplémentaire
pendant que tu m’attends.
Le printemps venu
Je pourrais encore m’accrocher,
la dernière feuille de l’arbre.
(traduction Marilyne Bertoncini)
Narici (Narines)/Alberto Padovani (Italie)
&maninblu : Samsong
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Ho sentito, il fumo di un camino
In un dolce calpestio di foglie
Nel breve tratto, del primo
Pomeriggio.
Preso dalle narici
Invade la memoria
Ed ora, sono pronto
Ad un lungo viaggio
Nei colori del secondo autunno.
Ho sentito, l’odore della legna
Tenuta all’asciutto, stagionata
Ne ho colto la portata storica
Di quando, tutte le case
Avevano un camino, e le braci
Riscaldavano corpi abituati
All’umidità ed ai sentori
Di stagione. Un istante
Poco fa, mi ha cambiato
Ed ora sono una forza
Una forza, del passato
J’ai senti, la fumée d’une cheminée
Dans un doux piétinement de feuilles
Dans le bref intervalle d’un début
d’après midi.
Saisi par les narines
Elle envahit la mémoire
Et je suis désormais prêt,
Pour un long voyage
Dans les couleurs du second automne.
J’ai senti, l’odeur des fagots
Conservés à l’abri, séchés
J’en ai saisi la portée historique
De l’époque où toutes les maisons
Avaient une cheminée, et les braises
Réchauffaient des corps habitués
à l’humidité et aux parfums
Des saisons. Cet instant
Tout récent, m’a changé
Et je suis désormais une force
Une force, du passé
Oriflammes/Mokhtar El Amraoui
Oriflammes
Comme des feuillets d’almanach,
Tes sourires vacillent dans le vent d’automne.
Glorieux, le train meuglant
Décapite la marguerite.
Je ne peux, de mes plaintes,
Déposer sur ton autel
Les ouragans des grands naufrages.
Cette olive diamant
Ton essence, ta flamme, ton âme,
Bruit en adieux pressés
Sous le soleil mégot de crépuscule.
Les mouchoirs des mères,
Au verdict des sirènes,
Deviennent oriflammes
Et les guêtres dures rapetissent, se ramollissant
Pour s’en aller crever en moues gamines,
Dans les boues chaudes des derniers cris,
Dans le duvet rapace de l’oubli.
.
Christine Durif-Bruckert
.
Feuilles de lune
lambeaux scintillants
paysage plissé des lignes du temps
comme un arrêt brutal de l’infini .
La nuit, creusée de ses ombres, descendra sur le chemin
sous le poids d’un désert de silence.
Quelques trouées
à peine
vers d’immobiles clartés.
Le vent se grise des pulsations voraces de la nuit.
Ne plus rien sentir
de la nuit à venir
lorsque les arbres fuient
dans le murmure fragile de leur dernière teinte.
Passage furtif qui assèche le regard.
Marcher encore contre les vents
dans le désir et l’immensité
marcher plus loin vers l’aube qui s’allonge
devant le présent
l’arbre me répond au loin
ses fruits encore chauds respirent à la surface du silence.
S’envolent quelques feuilles d’air et de feu
et la terre humide du matin sur ma peur.
novembre 2021
Inédits/Anne-Lise Blanchard
.
Une odeur de putréfaction
se superpose à la flamboyance
de l’automne tu te demandes
d’où viendra le phénix l’oiseau
totem martèle ses avertissements
incendies mises à mort d’enfants
de peuples entiers commerce
de femmes d’organes du vivant
continuum de renversements
le pays est fatigué
les poètes se réfugient ailleurs
où se trouve ailleurs
« Espérer c’est aussi se souvenir »[1]
[1] Philippe Mathy
.
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Obscurité des jours jachères et
feuilles chues
notre ombre écorchée
par fiel et bâillon de fer
on aimerait un ciel qui s’élance
un ciel de baptême
à dessiller les visages
La Naturale bellezza/Emanuela Rizzo
.
Nelle ferite della corteccia
dell’albero,
nella dipendenza
del fungo,
che attinge impavido
a ciò che non è suo,
per sopravvivere.
Nelle foglie secche,
che si contorcono
lacerandosi, sgretolandosi,
sul terreno umido.
Nell’ erba spontanea,
audace e indomita,
che cresce senza che
nessuno si ricordi
di irrigarla.
In tutto ciò che,
spontaneamente,
naturalmente,
nasce e diviene,
non rispondendo
ad alcuna regola,
artificiosa e artefatta
dell’uomo,
ho colto l’autentica bellezza!
Eppure tutto si integra,
eppure tutto diviene,
da sempre,
naturalmente,
bellezza!
Dans les plaies de l’écorce
de l’arbre,
dans la dépendance
du champignon,
qui tranquille tire parti
de ce qui n’est pas à lui,
pour survivre.
Dans les feuilles sèches,
qui se tortillent
se déchirent, s’émiettent,
sur la terre humide.
Dans l’herbe spontanée,
audacieuse et sauvage,
qui grandit sans que
personne ne se souvienne
de l’arroser.
Dans tout ce qui,
spontanément,
naturellement,
naît et devient,
sans répondre
à une règle,
artificielle et falsifiée
de l’homme,
J’ai cueilli l’authentique beauté
En effet, tout s’intègre,
tout devient,
depuis toujours,
naturellement,
la beauté!
Lo Moulis
.
tu peux jeter des cailloux
l’eau se ride
une fois encore
et disparait
tu t’absentes
dans ta tête
dans le vide de l’attente
on a peur de se perdre
la patience de l’automne
se défait pas à pas
il ne reste que la nuit
Komorebi/Antje Stehn (Allemagne/Italie)
.
Komorebi1
Fierement se dressent
les pissenlits
sur les ronds-points
dans le vacarme des zones
de circulation frénétique
je les rencontre tapis
au niveau du regard des chiens
Des grappes de rayons filtrent à travers
les douces tiges de papier vélin
tout flotte comme le feuillage
dans le jeu clair-obscur
d’une forêt magique
subtile et si légère
presque transparente
de sphères de graines rayonnantes
riches d’infinis possibles
il suffit dun souffle de vent
pour une vie nouvelle
dans les fissures du quotidien
C’est mon Komorebi
Drogue du bonheur made in Japan
On la trouve à n’importe quel coin de rue
n’importe quand.
(traduction Marilyne Bertoncini)
1 – ce mot japonais désigne la lumière du soleil qui filtre à travers les feuilles des arbres.
Mots écrits sur la tapisserie du temps/ Fahredin Shehu (Kosovo)
.
Quand ton esprit n’est plus qu’un ballon
flottant dans le vent et
que les mots du Présent
sont dispersés sur la Tapisserie du Temps
cherche la Gitta sans âge et
déploie le secret de la force
apprends à analyser tes doutes et
apprends à te lire
dans la poitrine du temps
qu’ainsi soit-il…!
Et quand entre les feuillets, la poussière invisible et têtue
Alourdit ta plume et
Que ta langue se noue et
Que simplement dite la vibration
alourdit ton coeur
trouve l’Amour éternel dont les paroles sans voix essaiment à travers le Temps et
déploie le secret de la vision
pour voir autour de toi les plus infimes part de toi-même et
les plus infimes parts du tout
en toi et
commence à comprendre
aussi bien les différences externes
que les ressemblances internes
ainsi est-il…!
Irrevocable (bilingue)/Dominique Hecq (Belgique/Australie)
.
Bruissement de feuilles
Odeur de safran
Un oiseau aile ton regard
Se cogne à la fenêtre
Tu arraches le feuillet
Les ondes se déchirent
Le temps te saute
En plein visage
Destin en suspens
Dans ce geste irrévocable
Enfance jonchée
A fleur de papier
Rustle of foliage
Odour of saffron
A bird wings your gaze
Crashes into the window
You tear off the leaf
The airwaves rip
Time explodes
In your face
Destiny on hold
In this irrevocable gesture
Childhood in tatters
With a flourish of paper
Marc-Henri Arfeux
.
Ce monde, à nouveau étonné,
Glissant sur un chemin de rêve
Et de fumée lunaire.
Visage demeurant seul
Entier silence épanoui
Contre la terre de l’abandon.
Aura dernière
Marquant le seuil de ton adieu
Tandis que tu t’effaces.
Ton ombre s’accomplit
Sur la feuille d’or de cet instant.
Patricia Ryckewaert
Tendresses d’automne
à parfumer le jour dans les plis
la mémoire, les doigts
langue des sous-bois, des pommes
amours pourrissantes et sucrées
le poème et la terre flamboient
l’autre adoré est humus
excès de tanin, grains de folie
le vin sera meilleur demain
on se rappelle
l’ardente mélancolie à vouloir la douceur
Le chagrin peut bien planer au-dessus de nous
comme un oiseau de proie
« On est heureux »
Ansouis le 16 novembre 2021
Irrévocable (bilingue) Dominique Hecq (Belgique/Australie)
.
Bruissement de feuilles
Odeur de safran
Un oiseau aile ton regard
Se cogne à la fenêtre
Tu arraches le feuillet
Les ondes se déchirent
Le temps te saute
En plein visage
Destin en suspens
Dans ce geste irrévocable
Enfance jonchée
A fleur de papier
Rustle of foliage
Odour of saffron
A bird wings your gaze
Crashes into the window
You tear off the leaf
The airwaves rip
Time explodes
In your face
Destiny on hold
In this irrevocable gesture
Childhood in tatters
With a flourish of paper
Efimero/Alma Saporito (Italie)
.
Dalla finestra
guardi i passanti
un tempo
gli uomini più sfrontati
ti mandavano baci
i più introversi
ti spiavano di sottecchi
a volte arrossendo
se capivano di essere visti
le donne ammiravano
la tua chioma fulva
elargendo complimenti
ma la bellezza
dona una fugace felicità
ora
i capelli sono bianchi
solo qualcuno del quartiere
accenna ad un saluto
ma non rallenta il passo.
De la fenêtre
tu regardes les passants
autrefois
les plus effrontés des hommes
t’envoyaient des baisers
les plus timides
te jetaient un coup d’oeil en coin
et rougissaient parfois
en comprenant qu’ils étaient vus
les femmes admiraient
ta chevelure rousse
et te couvraient de compliments
mais la beauté
procure un bonheur éphémère
maintenant
tes cheveux sont blancs
seul un habitant du quartier
te salue d’un gestesans ralentir le pas
Enza Palamara
.
Adolescente, j’avais été saisie par la poésie de Serguei Essenine, littéralement emportée dans ces espaces sans limites où la présence des bouleaux sembait apporter une note de douceur. Je ne connaissais pas cet arbre, mais je pouvais l’imaginer grâce à l’évocation du poète qui parlait du « lait « des bouleaux, de leur « chevelure ».Un vers reste gravé dans ma mémoire :
Le vent adolescent a soulevé jusqu’à l’épaule la robe du bouleau.
Ces connotations féminines me touchaient au point que je m’identifiais à cet arbre.
Ludmila, une jeune enseignante de russe, touchée par l’admiration que je manifestais pour ce poète, me lisait des passages en langue originale. Chaque fois c’était un enchantement.
Quelle ne fut pas ma douleur, alors que je venais de quitter Nice pour la Bourgogne ,d’apprendre qu’elle avait été foudroyée par un cancer ! Mon amour pour le bouleau-« Biroza » en russe, « betulla » en italien-s’est transformé en immense tendresse pour un arbre qui incarnait pour moi la féminité, mais aussi la fragilité .
Une fragilité bien présente dans les poèmes de Serguei qui dénonça les horreurs de la révolution soviétique :
Vous avancez vers l’avenir avec des rames de bras brisés….
Et pourtant il ne cessait de crier son amour :
Je chanterai, je chanterai, je chanterai
……
S’il y a de quoi s’attrister, n’y a-tl pas aussi de quoi sourire ?
Les poèmes d’Essénine ont beaucoup marqué ma jeunesse. Exilée en Bourgogne, j’avais écrit ce petit texte :
Les bouleaux qui défilent, blancs, sveltes, encore tout dévêtus,
l’épaule nue.
Je pense à toi Ludmila, à toi et à Essenine … Dans mon esprit, votre destin
est étrangement uni, votre destin malheureux.
Ludmila, je pense à toi, à ton visage échevelé, ton sourire triste, ton regard fuyant,
lointain, s’étendant à perte de vue.
Ton regard où se succédaient des forêts entières de bouleaux-
Ton regard fragile, fragile comme ta vie
(In Enza Palamara En quête du Lieu, Ed. L’Andriague 2020)
.
Hanna Fridriksdottir (Islande/Italie)
Béatrice Machet
Calendrier/Gabriel Y Fabre
.
Janveux
Fait-vrier
Marche
Havre-ile
Mais-dites-donc
Gein
Jus-y-est
Aouille
Cep-tendre
Octo-rhyno
Nono
Des-cendres
Le Plaqueminier/Marilyne Bertoncini
.
..
L’automne est un brasier
tourmenté
il enflamme les feuilles de l’arbre qui se tord
sous le poids de ses fruits
braises promises à tes lèvres
.
La laque rouge du feuillage ensanglante le ru
et le fruit dans ta main a le poids un peu mou
d’un sein vermeil et doux
sous la soie de sa peau
qui se fendille un peu comme pour un baiser
.
C’est un soleil couchant que tu portes à ta bouche
en dégustant l’instant
maintenant
à jamais.
Il fait coton/Jean-Marc Barrier
.
II fait coton
corps décolle yeux fermés
se vit comme plaine
ou pente consent
fontaines exténuées
lit de mes forces
cette présence pâle
l’emprunt des jours
ses bornes
ses brumes et ses patiences
il fait refus
le bel abandon
sursauts aveux
je sais les revenances
quand le souffle s’essore.
Novembre/Irina Moga (Ontario, Canada)
.
Je me rappelle
ton nom au mois de novembre
– glissando
des voyelles sans ancrage,
des feuilles rousses qui abritent tes passions
nos chuchotements dans la pluie
comme des messages courts
à l’intérieur des biscuits chinois
lus en cachette
sous la table
et qui n’ont pas de sens,
mais qui font,
comme l’automne,
peur et plaisir
à la fois.
.
Souvenirs au repos/Huguette Bertrand (Québec)
.
.
Tout passe
tout revient
mais vite oublié
par le soir qui penche
sans que le jour
n’aie pu garder
tous les mots
toujours les mêmes
sans laisser de traces
dans la dictée
que la vie a semée
dans chaque instant
du mouvement
sans mal ni peur
et sans reproche
pour ensuite laisser
errer le destin sur la page
des souvenirs au repos
29 octobre 2021
Ce sera comme un sommeil/Robert Notenboom
.
.
Ce sera comme un sommeil
Dont peu à peu les rêves
Se seront retirés
Ce sera comme une mer étale
Par très beau temps
« LE TEMPS D’UN SEIN NU » aux éditions du Puits de Roulle
Charles Akopian
.
.
.
Hé là ! bel automne aux joues roses
Te souviens-tu de cet été,
Quand mon bleu priait le ciel
De t’offrir un dernier sourire ?
Carole Mesrobian
.
.
la substance du ciel s’étiole
dans une travée flamboyante
où s’estompe l’absinthe des veilles
un silence minuscule
accompagne l’inertie des années
tombées comme un tapis d’hiver
sur le feu des étés
Le Grand acacia/Florence Dreux
.
Hier encore
La vie
Dans le grand acacia
Aux mille voix
Aux mille plumes
Vertes
Offertes
Hier encore
Tu étais là
D’un battement de cils
Tu faisais tomber la nuit
Sur tant de beauté
Ce matin
Dans la lumière diffuse
Je t’ai trouvé nue
L’acacia s’était tu
Demain
Jadis
Aujourd’hui
Que savons-nous du temps profond ?
Dans un bouquet de feuilles
Des cheveux blancs
Et toi
Aussi libre
Éphémère
Qu’un coup de vent
.
Sous l’écorce
Déjà
Le bourgeon
Réni Koleva
.
AUTOMNE
Le vitrail des ailes de la libellule
Reflète la douce lumière diffuse
De languissants rayons du soleil.
La vibration du vol de la demoiselle
Décroche la dernière feuille du saule.
Sa barque jaune flotte dans la rivière
Et emporte l’automne.
AUTOMNALE
Ayant caché dans ses entrailles
L’écu d’or du soleil,
Le nuage chevauche la colline
Et se glisse lentement vers le bas,
Diffusant la brume de la tristesse.
Elle pénètre
Nos vêtements,
Nos pores,
Nos pensées,
Et se fraye le chemin vers le cœur,
Où roulée en boule, doucement ronronne.
Aura d’automne/Minko Tanev (Bulgarie)
.
Aура на есента
Aura d’automne
Червените листа на клена
и жълтите върху платаните –
в зеления ти поглед грейнали
с най-лъчезарните сияния.
Великолепна златна есен –
вихрушката ни завъртя
и стъпките отронват кестени
след двадесет и пет лета.
През паралелните вселени
и с порива към светла аура –
със стиховете си нетленни
Петрарка възкресил бе Лаура.
С венци от дъб и от маслина
посланията на доброто
прославят мъдростта, преминала
по пътищата на живота.
Les feuilles de l’érable rouges
et jaunes celles des platanes –
ibrillaient dans ton regard vert
de l’éclat le plus radieux.
Magnifique automne doré –
le vent nous faisait tourbillonner
nous écrasions des châtaignes en marchant
après vingt-cinq étés.
À travers des univers parallèles
et avec le désir d’une aura lumineuse –
de ses vers impérissables
Pétrarque avait ressuscité Laura.
Avec des couronnes de chêne et d’olivier
hauts messages du bien
ils glorifient la sagesse passée
sur les chemins de la vie
(traduction de l’anglais : Marilyne Bertoncini)
.
Coloriage d’automne/Stoianka Boianova (Bulgarie)
.
Есенни багри
coloriage d’automne
Листата огнени на клена
се носят плавно над земята,
понесени от палав вятър
със залеза да отпътуват.
Не иска да си тръгне слънцето,
небето грее в старо злато.
Над кехлибарен куп от царевица
мечтае рижото ми коте.
Лози възлизат върху хълма
с уханно медоносно грозде.
Загледала съм се след птиците
и с тях политам над планетата
към алено небе и слънце,
сред плодове, цветя и облаци –
да се прелея в есенната аура
с искряща хризантема над ухото.
Les feuilles ardentes de l’érable
flottent doucement sur le sol,
emportées par le vent mauvais
pressé de partir avec le couchant.
Le soleil ne veut pas partir,
le ciel brille d’un or ancien.
Au-dessus du tas de maïs ambré
rêve mon chaton roux
Les vignes grimpent sur la colline
avec leurs grappes au parfum de miel.
J’ai regardé les nuées d’oiseaux
et je vole avec eux au-dessus de la planète.
Vers le ciel écarlate, le soleil vivifiant,
parmi les fruits, les fleurs et les nuages -
Je coule dans l’aura d’automne
un chrysanthème étincelant à l’oreille.
(traduit de l’anglais, par Marilyne Bertoncini)
Feuilles d’automne/Eva Petropoulou Lianou (Grèce)
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Feuilles d’automne
Πως αλλάζει το χρώμα, στα δέντρα λόγω των φύλλων, όταν το φθινόπωρο ακολουθεί την άνοιξη
Οπως ένα χαμόγελο , που εμφανίζεται δειλά δειλά σε ένα πρόσωπο..
Ενα φως ξεπροβάλλει
Το πράσινο χρώμα γίνεται καφέ,
Μετα κιτρινίζει..
Τα φύλλα του φθινόπωρου, μου θυμίζουν μια εφηβική καρδιά, που ερωτεύτηκε για πρώτη φορά…
Πεταλούδες να ανεβοκατεβαινουν στο στομάχι
Τα πουλιά κουρνιαζουν στα δέντρα.
Φύλλα φθινόπωρινα,
Αναμνήσεις που θα χαθούν κάποτε για πάντα…
Φύλλα φθινόπωρινα,
Λόγια που δεν ειπώθηκαν ποτέ, ανάμεσα σε ένα ντροπαλό ζευγάρι.
Φύλλα φθινόπωρινα,
να πέφτουν στη γη,
Οπως τα αστέρια,
Κάθε φορά που μια ευχή
Γίνεται αληθινή.
Φύλλα φθινόπωρινα
As-tu remarqué
Combien change la couleur
Des arbres, de l’été à l’automne
Comme un visage qui essaie de sourire..
Une lumière apparaît
Le vert brunit un peu
puis jaunit
Les feuilles d’automne m’évoquent la mélancolie adolescente
Du premier amour
Papillons dans le ventre
Oiseaux dans les arbres
Feuilles d’automne, chargées de souvenirs qui s’effaceront,
Feuilles d’automne, les mots inexprimés par un couple gêné…
Les feuilles d’automne tombent comme les étoiles lorsqu’un souhait se réalise.
(traduction de l’anglais : Marilyne Bertoncini)
Octobre en Amérique/Pankhuri Sinha (Inde)
.
October in America
Octobre en Amérique
Leaves shed
Food made and stored
For the approaching winter
The dear old , apple tree
Is done with photosynthesis!
.
Brown branches saying
Good bye to the dry leaves
Flying away in the wind
Gathering pace and chill!
.
Sweetness lingered in the air
Soon, the ground will be white
Icicles dancing from the trees
Temperatures could tear your skin
Like polar bear and the puma!
.
Behold , the fall is still here!
The old man oak is golden
Like nothing else can ever be!
Shining in the sunset
Where the red of maple
And birch, and poplar
And so many more
Stand basking
In a glory eternal!
.
Paperwork!
Why did you banish me
Like a stepchild unwanted ?
.
I remember and celebrate
The beauty of your fall colours!
No where has autumn
Such splendour !
Les feuilles sont tombées
Les aliments tout prêts et rangés
Pour l’hiver qui approche
Le cher vieux pommier
en a fini avec la photosynthèse !
.
Les branches brunes disent
Adieu aux feuilles sèches
S’envolant dans le vent
Prenant de la vitesse, et du froid !
.
Les pêches étaient cueillies
La douceur flottait encore dans l’air
Bientôt, le sol serait blanc
Des glaçons se balançant aux branches
Le froid pourrait t’arracher la peau
Comme l’ours polaire et le puma !
.
Mais attends, pas tout de suite !
Regarde, l’automne est toujours là !
Le chêne centenaire est d’or
Comme rien d’autre au monde !
Il luit dans le couchant
Où le rouge de l’érable
Et le bouleau et le peuplier
Et tant d’autres
Baignent
Dans une gloire d’éternité !
.
Chère patrie des adoptions
bureaucratiques !
Pourquoi m’as-tu banni
Comme un bâtard non désiré ?.
Je me souviens et je chante
La beauté de tes couleurs d’automne !
Nulle part ailleurs il n’a
Une telle splendeur !
(traduction Marilyne Bertoncini)
Plus longtemps que prévu/Marc Ross
.
L’oiseau se pointe encore en ombre travestie
L’érable dénudé fournit la partition
semble échapper au désespoir enraciné
Le vent d’automne dirige une œuvre magistrale
les feuilles agonisantes retrouvent le goût de vivre
s’attardent sur ma tête plus longtemps que prévu.
Passagère de l’instant/Brigitte Broc
.
.
Passagère de l’instant,
je vais, le front ceint d’hirondelles,
les mains pleines d’été,
au-devant du poème.
Me frayant un chemin
dans le jour alenti,
je frôle tous les sangs,
les extirpe de l’oubli.
Ruissellement d’odeurs familières,
clapotis de courbes en ombelles,
l’immensité voyage dans le corps de la femme,
les mots sont ses lèvres
qui veulent tout goûter.
Capiteuse, la langue s’insinue,
effleure ventre et voyelles,
remonte le courant,
abolit le temps,
invente un vieux soleil.
Passagère du poème,
je vais,
jusqu’au bout de la page,
jusqu’au bout de la nuit.
J’ai rendez-vous,
sur des cimes sans âge,
avec l’oiseau de feu.
Je le connais,
j’ai habité son chant.
Je ne peux plus mourir.
.
Bonheurs d’une feuille d’automne/Elizabeth Guyon-Spennato
.
幸福的秋葉
秋日來了 好時光
老天幫我化妝
又綠又紅又黃
未來會光芒萬丈
可愛的小樹葉
妳特別美
秋日來了 有希望
不會留在樹上
今日的風很狂
好神奇 我在飛翔!
勇敢的小落葉
不想告別
Bonheurs d’une feuille d’automne
Voilà l’automne Moment heureux
Le Ciel m’a maquillée
De vert de rouge de jaune
L’avenir s’annonce radieux
Gentille petite feuille d’arbre
Tu es si belle
Voilà l’automne Et j’ai l’espoir
De ne pas rester sur cet arbre
Aujourd’hui le vent souffle fort
C’est un miracle Je vole !
La brave petite feuille morte
Ne veut pas dire adieu
Albertine Benedetto
.
Il ne voit pas
tout le chemin depuis la forêt
la promenade lente à regarder
les couleurs de l’automne
le geste de se pencher vers
cette feuille-là
la prise délicate des doigts
pour ne pas briser les nervures
toute l’architecture qui fait tenir
la feuille dans la main
puis le livre qu’on ouvre
la feuille déposée
pour que le temps passe
il ne voit pas
tout ce que la feuille abandonne là
entre les mots
les frôlements du vent
la causerie des oiseaux
les petits marteaux de la pluie
staccato jusqu’à se fondre
dans la chanson de l’eau
retrouver le vert originel d’avant
la déchirure des eaux
puis l’élan
vers la lumière
une histoire invisible
retenue dans les pages de l’air
un temps
qui s’oublie parmi les lignes du livre
palimpseste
ni le geste qui relie
le livre à la forêt
le pinceau qui enlumine la feuille d’or
ce que je vois dit-il
c’est une feuille morte
il ne voit pas encore
les métamorphoses de la mort
.
.
Le Jour fatigué/Susy Desrosiers (Québec)
.
fatigué
le jour capitule
la brunante étreint
le paysage sauvage
derniers effluves
de nos rendez-vous diurnes
le temps pleurniche son serein
des arbres rachitiques
montent la garde
de cette nature
bouffie d’orgueil de son reflet sur le lac
les flots grelottent
dernier frisson
avant que le vent rageur
ne s’étouffe
le moulin à images ralentit
le labeur s’avoue vaincu
demeurent quelques soupirs
débute le concert primal
badaude de la vie nocturne
infidèle
je courtise
dare-dare
l’aube prometteuse
.
Fleuves et feuilles/Marie Faivre
.
Lorsque son corps de feuille
sous les chaussures des passants,
devient meurtri dans ses nervures
elle commence à douter
Sur la berge du fleuve
sa soif de voyage, où est-elle passée ?
Une rafale de vent la soulève de terre,
Feuille squelettique, elle flotte sur l’air
Quand elle retombe sur l’eau,
ses craquelures ne font plus de bruit.
Elle voit des fleurs
au fond du fleuve,
des arbres, des prairies, des oiseaux
Il fait froid
dans Ies couleurs chaudes
de sa robe d’automne
Elle sent sa charpente se disloquer
Parfois, elle ressent la lumière
Il fait soleil dans l’eau
Souvent, d’autres feuilles
voyagent avec elle
Si un obstacle les arrête
elles s’alignent en formation
sur le ciel liquide
En flottaison, elle respire
de toutes ses cellules
Corps froissé, douloureux,
Douleur de feuille devenue femme
Elle avance en somnambule
vers le gouffre qu’elle ne voit pas.
La chanson de l’eau
fait naître autour d’elle
le pépiement des nids au printemps
Les bruits de son enfance la traverse
les odeurs de la maison de son arbre
Odeurs de la forêt qui l’a bercée
Il y a ce flottement étrange
Il y a la joie d’être là
Il y a ce bercement qu’elle reconnaît
Une libellule se pose sur son dos,
s’envole aussitôt
Il y a la force du courant
la joie d’être là.
Il y a les oiseaux,
Autour d’elle,
les petits bruits du printemps.
les gargouillis de l’eau
Lentement,
les petits bruits s’éloignent
Sur l’eau glacée d’octobre,
elle s’est endormie.
.
L’Instinct de l’instant/Patrick Joquel
.
l’instinct de l’instant
le lac à tâtons miroir
l’instant de l’instinct
.
Marilyse Leroux/Isabelle Baudelet
.Éphéméride ou cette disposition à capter l’instant aussi fugace que la lumière, cette attention portée, jour après jour, à ce qui survient.
Pour Isabelle
Nous n’avons pas fini
d’égrener les arbres
Ce matin l’œil les saisit
dans un tout qui avance
ici dit la route.
(Marilyse Leroux, Instantané, 29/10/21,sur la photo d’Isabelle Baudelet)
.
.
Voglio una notte/Filippo Papa (Italie)
Voglio una notte…
una città eterna
luci accecanti
balli e sogni
emozioni forti
sguardi indelebili
attimi forti
gesti sfuggenti.
Voglio una notte
per assaporare l’infinito
e perdere il senso del tempo.
Voglio una notte
dove non aspetti il giorno.
Je veux une nuit…
une ville éternelle
lumières aveuglantes
danses et rêves
émotions fortes
regards indélébiles
moments forts
gestes insaisissables.
Je veux une nuit
pour goûter l’infini
et perdre la notion du temps.
Je veux une nuit
où je n’attende pas le jour.
(traduction de Joan Josep Barcelo)
Joël Dely
.
Tout l’espace scintillait alentour.
Les doigts engourdis de l’automne
Semaient sur les feuillages endoloris
Le crépitement de l’or pur du soleil.
Dans l’air encore humide
Des rosées transpirées de la nuit
Je glissais mes pas dans la lumière secrète
Des vallons et des monts venus à ma rencontre.
Ma peau enlacée à ces mondes silencieux,
Recevait le chant des arbres , encore
Debout en équilibre entre l’été et l’hiver.
Troncs fiers et magnanimes,
Prêts à mourir une nouvelle fois aux regards,
Lançant en offrande suppliantes
Leurs dernières flammes vers le ciel,
Avant d’aller blottir leurs racines
Sous l’écharpe silencieuse de l’hiver.
Ci sono giorni…/Giovanna Iorio (Italie,GB)
.
Ci sono giorni in cui non riesco a scegliere. Non riesco a scegliere quale maglia indossare. Apro l’armadio e tutto mi sembra indistinto, una matassa di colori e tessuti. E ci sono giorni in cui non riesco a fare la spesa. Cammino smarrita tra le corsie del supermercato e mi sembra tutto un enorme prodotto che tenta di afferrarmi le mani. E ci sono giorni in cui non riesco a leggere. Ci sono troppi libri che non ho letto, riviste che urlano « aprimi », file da scaricare, email da leggere. E allora esco, vado fuori di casa a vedere le cose, una alla volta. Una foglia. Una foglia alla volta. Non l’albero, non la chioma che parla e mi confonde con il suono di mille voci. Una foglia sola. Che cade. O è già caduta. E il sole. Un raggio di sole alla volta. Uno su ogni cosa. E così anche le parole tornano. Una ad una. Una alla volta. Una parola su cui sdraiarsi a contemplare il nulla il cielo una foglia.,
Il y a des jours où je suis incapable de choisir. Incapable de choisir le T-shirt à porter. J’ouvre l’armoire et tout me semble indistinct, un écheveau de couleurs et de tissus. Et il y a des jours où je suis incapable de faire les courses. J’erre dans les allées du supermarché et tout me semble un immense produit qui tente de me saisir les mains. Et il y a des jours où je suis incapable de lire. Il y a trop de livres que je n’ai pas lus, de magazines qui hurlent « ouvre-moi », de fichiers à télécharger, de courriels à lire. Alors, je sors, je sors de la maison pour voir les choses, une par une. Une feuille. Une feuille à la fois. Non pas l’arbre, pas la couronne qui parle et m’embrouille avec le son de mille voix. Une seule feuille. Qui tombe. Ou est déjà tombée. Et le soleil. Un rayon de soleil à la fois. Un, pour chaque chose. Et c’est ainsi que les mots reviennent à leur tour. Un par un. Un à la fois. Un mot sur lequel on s’étend pour contempler le rien le ciel une feuille.
Sainte/Tatiana Gerkens
.
Immobile
Saignée de silence
Son visage est une prière
dans l’écume
du jour qui se lève
Chaque caresse
de bourgeon
éveille sa poitrine de feu
Les feuilles de l’automne
sont des oiseaux
de joie
où l’enfance se blesse en riant
Le marbre de ses lèvres
flamboie d’une folie
qui se veut promesse
Une couleuvre
chute
du ciel
à ses pieds frappés
de lumière
Et lui dessine un sourire
d’éternité
Anima italiana/Joan Josep Barcelo (Espagne)
.
anima italiana
il sangue rosso che scorre nelle mie vene
ha ancora il profumo di terra umida di quelle innevate montagne
ho ancora gli occhi del colore della nebbia e del mare
e nella mia pelle rimane inchiodata una lontana memoria
che mi dice che forse sono diventato un altro
anche io sono nato e cresciuto in una terra strana
sono figlio di una calma nascosta senza parole
e ritorno sempre alle mie origini come un uccello
che canta nel cielo allo splendore della vita
sono un bambino che non ha dimenticato che il suo cuore
batte con quella forza che viene dal sole e dalla luna
io ho l’anima italiana perché appartengo al tempo
di quelle anime che non muoiono mai
âme italienne
le sang rouge qui coule dans mes veines
a gardé le parfum de terre humide de celles montagnes enneigées
j’ai encore les yeux de la couleur du brouillard et de la mer
et dans ma peau reste cloué un souvenir lointain
qui me dit que peut-être je suis devenu un autre
même si je suis né et j’ai grandi dans un pays étrange
je suis fils d’un calme caché sans mots
et je retourne toujours à mes origines comme un oiseau
qui chante dans le ciel à la splendeur de la vie
je suis un enfant qui n’a pas oublié que son cœur
bat avec cette force venue du soleil et de la lune
j’ai l’âme italienne parce que j’appartiens au temps
de ces âmes qui ne meurent jamais
(traduction de l’auteur)
.
Chantal Godé-Victor
.
J’étais un enfant portant
sur le front les inflorescences tentantes
d’une fleur inconnue encore
élancée sur sa tige lente
à pousser
.
Mes racines étaient trop jeunes –
Qui songeait à faire bouger les montagnes ?
Un apôtre nouveau peut-être
une tête remplie d’une quête, une rumeur
venue d’Ephèse qui aurait battu la campagne.
J’étais jeune et pourtant déjà
je sentais qu’un jour certain
le monde se prosternerait à mes pieds.
Des jeunes filles au cœur en or poseraient sur ma tête en feu
une couronne de lauriers et allumeraient
devant moi des feux comme à la Saint-Jean.
Je ne connaissais en ce temps
que les blancheurs de l’hiver…
.
L’Enigme des ruines (extrait)/Wilfrid Mounguengui
.
Je partirai en portant sous le bras mon ciel mes oiseaux et les fleurs du printemps
La route sera un long sillon qui fissure la nuit
Je partirai pour la ville comme le fleuve à la mer
Jeté dans l’immensité
Avant cela je voudrais encore regarder par la fenêtre l’ombre des arbres dans la nuit diaphane
Cueillir les étoiles posées sur les branches des hêtres
Rêver devant la lune
Et le feu qui me murmure que la vie tient dans l’instant
Ni demain ni ailleurs debout sur la brèche
J’ai immolé le futur pour boire dans la source qui coule de tes mains de ton nuage
.
Je ferme les portes de la nuit
Les étoiles étaient douces hier
Douceur de tes mains sur ma peau nue
Croire seulement aux ponts entre nos regards
Après l’effondrement du monde
Je n’ai gardé que la route
Ficelle entre les lieux et les amours
Elle seule sait le battement de ton cœur et l’éclat miraculeux de chaque instant que nous vivons
Accepterons-nous jamais
Seul l’éphémère nous appartient
Toute attente nous vide de la lumière
Nous brûlons
Vanités au bûcher des promesses
Au bout de cette route tes baisers
(extrait du Recueil L’Énigme des ruines de Stève Wilifrid Mounguengui, paru aux Éditions La Kainfristanaise en mars 2021)
Muriel Verstichel
.
.
Rideaux tirés sur l’été
Octobre adresse le dernier mot
Au feuillage des vignes
Dernier sang avant la nudité
Il pleut du rouge écarlate
Près des labours à deux pas
De l’ancienne maison
Où plus jamais nous n’entrerons
L’albero/Emanuela Rizzo (Italie)
.
L’albero
Sai,
ho visto cadere
le mie più belle foglie÷
rosse, di un rosso scarlatto,
ancora verdi,
di un verde smeraldo,
gialle, che sembravano
pepite d’oro.
Io non potevo
raccoglierle,
avevo un rigido tronco
e radici da far sopravvivere.
L’arbre
Vois-tu,
j’a vu tomber
les plus belles de mes feuilles
rouges, d’un rouge écarlate,
encore vertes,
d’un vert émeraude,
jaunes semblables à
des pépites d’or.
Moi, je ne pouvais pas
les ramasser,
j’avais un tronc trop raide
et mes racines à protéger.
(trad. Marilyne Bertoncini)
.
Feuilles d’automne & Desseins d’automne/ Kitty Su (Luo Fu – Taiwan)
《秋葉》
文/洛 芙(台灣)
譯/黃敏裕(台灣)
哭似的秋葉
搖墜紛凜
似你的心
我的眼
我的淚淋
他的心埋
望天一盞的月牙遙寄我心
聽秋夜的蟬鳴
又一盞風高氣爽
(2021年11月2日 第一修正版)
Elles pleurent, en automne, les feuilles
chancelantes, indécises dans leur chute désordonnée
Et de même, dans ta tête
mes yeux,
ma fontaine de larmes
dans la tombe de ton coeur
Regarde haut dans le ciel, le croissant de la lune a délivré mon coeur
J’écoute les cigales dans la nuit automnale
et contemple la lune,
toujours plus claire et lumineuse.
(adapté d’après la version anglaise de Morris Huang, par Marilyne Bertoncini)
*
文/洛 芙(台灣)
譯/黃敏裕(台灣)
《秋意》
有些印象,
感覺它好像就要回來了,
有些光景,
卻也仍然感覺像在失落。
失意、愛意,
像是搖曳在風中的風鈴,
停留和擺盪在風間中的飄逸。
秋意它雖然無聲無息,
卻可留住地球的轉動。
飄浮湖畔盪漾的淚水,
依稀亦能讓地球感動。
certaines sensations,
Quelques scènes,
Et il semble pourtant que le temps passe encore.
Dépouillement et joie,
Comme une carillon agité par le vent,
suspendu là qui avec grâce se balance.
Malgré son silence, l’automne,
peut sans cesse faire tourner la terre.
Les larmes comme les ondes en surface du lac,
peuvent elles aussi aussi mouvoir la terre.
(adapté d’après la version anglaise de Morris Huang, par Marilyne Bertoncini)
Intacto/Mariela Cordero (Venezuela)
.
Intacto.
Años como hojas que caen en una sucesión incontable de ocasos
el olor de los primeros florecimientos amenaza con evaporarse,
pero tu faz no fue presa de la devastación
tu cara no fue liquidada por la mano absoluta del tiempo
como la ola aniquila signos escritos en la arena.
Tu semblante no se eclipsó para revelar alguna monstruosidad oculta,
respirando detrás de la apariencia esplendente.
La hilera interminable de desencantos no conquistó tu rostro
ni lo habitó en un conjunto inconexo de muecas ácidas.
Tu piel helada de tanto amanecer y anochecer
no mitigó el incendio de tu divinidad.
Te has alzado como una bandera incólume
sobre los escombros del gozo
No eres una ruina que camina, has resistido
como embriaguez indestructible
rasgos macerados convertidos en pócima milagrosa,
eres la belleza
que sabe transfigurar.
Intact.
Des années comme des feuilles qui tombent dans une succession innombrable de déclins.
le parfum des premières floraisons menace de s’évaporer,
mais ton visage ne fut pas la proie de la dévastation
ton visage ne fut pas liquidé par la main absolue du temps.
comme la vague anéantit les signes écrits sur le sable.
Ta figure ne fut pas éclipsée pour révéler une monstruosité cachée,
respirant derrière son apparence splendide.
L’interminable rangée de désillusions ne conquit pas ton visage.
ni ne l’habita dans un ensemble incohérent de grimaces acides.
Ta peau gelée par tant d’aubes et de crépuscules
n’atténua pas le feu de ta divinité.
Tu t’es élevé comme un drapeau indemne.
sur les décombres de la jouissance
Tu n’es pas une ruine qui marche, tu as résisté…
comme une ivresse indestructible,
des traits macérés transformés en une potion miraculeuse,
tu es la beauté
qui sait transfigurer.
(traduction Miguel-Angel Real)
Trésor caché/Rezzaudin Staline (Bangladesh)
.
ঝরাপাতাদের স্মৃতি
পথে পথে দীর্ঘশ্বাস ছড়িয়ে রেখেছে
কবেকার হারানো হৃদয়
খুঁজে পেতে চায় কবির আবেগ
আকাশে আকাশে যদি পাওয়া যেতো
অনেক স্বপ্ন আর আগুনের তারা
শরতের হাতে হাতে ফুটে উঠতো সবুজ পাতারা
যদি চাঁদ ফুটপাথে পেয়ে যেতো এক মগ কফির আশ্রয়
তার চেয়ে সুখি কেউ হতো না জগতে
হলুদ পাতার মুখে নীল ট্যাটু একেঁছে
হতাশা
মেঘের চুড়ায় বিষাদের বাড়ি থেকে
খালি পায়ে ঝরা পাতা আসে
পিঁপড়ের মিছিলে হাঁটে শোক আর স্মৃতি
বদলে যায় শিশিরের গতি
ট্রেনের কানের কাছে শরতের
নাতি -নাতনিরা পিতা সূর্যের খোঁজ নিতে চায় -তারা ভাবে
কোথাও রয়েছে জমা উত্তরাধিকার
গুপ্তধন পুতে রেখে গিয়েছে দাদিমা
সে গল্পে শরতের চোখ জ্বলে ওঠে
কোথাও বিনম্র দিন উত্তপ্ত পানীয়ের
বোতলে বন্দী
কোনো কবি বিহ্বলতা বিক্রি করে
কিনে আনে নিষিদ্ধ বসন্তের বই
.
Souvenirs de feuilles qui tombent
Soupirs abandonnés le long du chemin
Le cœur perdu de Kabekar
Le poète veut le connaître
Si seulement il était dans le ciel
Avec l’infinité des rêvesd’étoiles de feu
Les feuilles vertes jadis fleurissaient en automne
O Si la lune avait trouvé un bol sur le trottoir
Nul au monde n’aurait été plus heureux que lui
.
.
.
Tatouages bleus sur des feuilles jaunes
Détachement
Depuis la maison triste jusqu’au sommet des nuages
Les feuilles tombent sur les pieds nus
Du deuil et du souvenir qui accompagnent le cortège des fourmis
La rosée vient plus vite
On entend le train d’automne
Les enfants veulent trouver le père du soleil – ils pensent
qu’ un héritage les attend quelque part
L’aïeule a laissé à Pute le trésor caché
Les yeux de l’automne s’illuminent à ce conte
du prisonnier
Captive dans une bouteille
Un poète dispense des merveilles
Ayant acheté des livres au printemps.
(traduit de l’anglais : Marilyne Bertoncini)
Bedraggled-Débraillés/Patrick Williamson
.
Bedraggled
.
Débraillés
A home once for roaming beggars
cracking twig, scuffling through,
the snuffles of creatures who take
no notice of you and scurry on.
Here, nobody to the busy busy men
bent & intent on their way back,
not stopping to admire velvet cloaks,
trampled they are, when down
Jadis un foyer pour des vagabonds
brisant des branches, se querellant,
les frissons de créatures qui vous
ignorent et déguerpissent.
Ici, rien pour ceux qui travaillent vraiment
et rentrent courbés & concentrés,
sans s’arrêter pour admirer les manteaux de velours,
piétinés, abandonnés.
Vie et mort des magnolias/Marilyne Bertoncini
Di_versi assenti. Un requiem/ Adriano Engelbrecht (Italie)
.
« di che tempo è fatto questo tempo fermo? »
Il giardino è morto.
Assiderato il silenzio.
Non poté che essere inverno.
Timide gemme bocciano incolte
schiudono al pianto
lacrima un canto
di un lento gocciare
e cadono l’ore – giù- giù
El jardín està muerto.
Helado el silencio.
Solo podría ser invierno.
Tímidas yemas rechazan incultas
eclosionan al llanto
lágrima un canto
de un lento gotear
y caen las horas – abajo – abajo
(trad. en catalan, Joan Josep Barcelo)
le jardin est mort.
Silence sidérant.
Quoi d’autre que l’hiver.
De timides bourgeons s’ouvrent incultes
éclosent en larmes
pleurent une chanson
d’un égouttement lent
et tombent les heures – toujours plus bas.
(trad. en français, Marilyne Bertoncini)
Composition n. 46/ Lucius Bloemen (Pays-Bas)
.
Ton doigt impatient/Cécile Bajard
.
ton doigt impatient
effeuille l’automne
passant sans les voir
la Saint Martin, Alcyone
fille d’Eole
et son frère l’autan noir,
les pléiades du soir
vents solaires et tempêtes
bréviaire de poète
.
c’était l’été hier
tes soupirs au carreau de pluie
égrènent tous les saints
jusqu’ à l’avent
avide de demain
la main cajole
la nervure glissée si fine
sèche et frivole
entre les lignes d’encre
précieuse poussière,
cendre d’escampette
2 poèmes bilingues/Max Mazzoli
.
.traduction française : Marilyne Bertoncini
traduction française : Marilyne Bertoncini
Sandrine Davin /Adelin Donnay
.
Encre et lumière : trois tanka/Sandrine Davin
.
quelques clous rouillés
sur un coin de l’établi
fleurissent à mes yeux –
pendus aux silences
les souvenirs grognent
.
morsure d’hiver –
dans le silence des pierres
les ombres rongent
la rouille d’un ailleurs
transpercé de feu et de glace
.
au creux des pierres
les silences bâillonnent
le bruit de l’aube
où les étoiles d’hier
déchirent la toile obscure
.
Grégory Rateau
.
.
Vivre dans l’attente
En « homme qui penche »
Refaire sans cesse le même chemin
Jusqu’à inverser l’ordre des jours
Et dans un éternel retour
Remiser toute espérance
Puiser dans l’absence
Les élégies des temps futurs
Fugacité/Miguel Ángel Real
.
Marlene Pasini (Mexique)
El viento
Crece poco a poco,
abre y cierra
la telaraña estelar del tiempo.
Circunda todo,
lo ahonda con su oleaje
profundo y fragante,
con la sinuosidad de su espesura cristalina.
Es un huir ambiguo y misterioso
un despliegue de ocultos ritos
hacia el umbral entrañable.
En su canto transparente
ondulan hojas y pájaros ámbar,
desde su senda
el tiempo pasa y desafía,
se extiende incisivo
sobre la calma…
Evoca voces de lejanas tierras
todo se inunda de sus secretos,
todo queda cubierto de una suave
ensoñación etérea.
Un sumergirse por enjambres de luz.
Es la danza profusa de los ramajes
sobre la tarde,
la vida viaja por sus puentes imprecisos sin fin.
Le vent
Grandit peu à peu,
il ouvre et il ferme
la toile d’araignée stellaire du temps.
Il entoure tout,
il creuse tout avec ses vagues
profondes et fragrantes,
avec la sinuosité de son épaisseur cristalline.
C’est une fuite ambiguë et
mystérieuse
un déploiement de rites occultes
vers le tendre seuil.
Dans son chant transparent
des feuilles et des oiseaux d’ambre ondoient,
depuis son sentier
le temps passe et nous défie,
il s’étend, incisif,
sur le calme…
Il évoque des voix de terres lointaines
tout est imprégné par ses secrets,
tout reste recouvert d’une douce
rêverie éthérée.
Une plongée dans des nuées de lumière.
C’est la danse profuse des branchages
sur le soir,
la vie voyage sur ses ponts
imprécis et sans fin.
traduction Miguel Ángel Real
Villa n.24/Mathura (Estonie)
Now summer is gone
And might never have been.
In the sunshine it’s warm.
But there has to be more.
– Arseny Tarkovsky
These days I keep on pacing
the empty corridors and empty rooms of an empty house
that once teemed with life. But if you asked me
how long I have been here or with whom, I wouldn’t know;
I wouldn’t even know if I’m still in this world or some other.
Memories peel off from the walls like paint
no longer able to resist time’s incessant damp. Sometimes in desperation,
I thumb through diaries and look for names.
Joseph, Sigmund, Nicolae…? I can’t remember.
But surely there must have been someone here
who tried to cure his malady of barren dispositions,
someone who strolled ever so importantly
up and down the hill on Main Street.
No longer. Ceilings fall in, rain conquers all
and the subconscious trickles in through
the roof of the mind, leaking into the reality
around us where a fin de siecle is also
a fin d’un idée, d’un rêve.
It is no wonder then that where
there once was Speranza, there is now
only a “do not enter” sign,
and a bar around the corner where no visitors
will dare to stick around.
Sometimes even hopes come true
as decay brings blissful calm –
it grows and grows until it covers the Earth
like an all-exalting undergrowth
or melancholy.
Maintenant l’été est fini
Et pourrait n’avoir jamais été.
Au soleil, il fait chaud.
Mais il faut davantage.
– Arsène Tarkovski
Ces jours-ci, je fais les cent pas
dans les couloirs vides et les pièces vides d’une maison vide
autrefois grouillante de vie. Mais si tu me demandais
depuis combien de temps j’y suis resté ou avec qui, je ne saurais pas ;
Je ne saurais même pas si je suis toujours dans ce monde ou dans un autre.
Les souvenirs se détachent des murs comme de la peinture
incapable de résister à l’humidité incessante du temps. Parfois, de désespoir,
Je feuillette mes carnets et je cherche des noms.
Joseph, Sigmund, Nicolae…? Je ne me souviens pas.
Mais il devait sûrement y avoir quelqu’un ici
qui essayait de guérir sa maladie d’humeur stérile,
quelqu’un qui allait et venait d’un air fort important
sur la colline de Main Street.
Plus maintenant. Les plafonds s’écroulent, la pluie gagne tout
et le subconscient s’infiltre peu à peu
sous le toit de l’esprit, s’épanche dans la réalité
qui nous entoure, où une fin de siècle est aussi
une fin d’une idée, d’un rêve.
Il n’est donc pas étonnant que là où
jadis était Speranza, il y ait maintenant
juste un panneau « ne pas entrer »,
et un bar au coin de la rue où aucun visiteur
n’oserait s’attarder.
Parfois même les espoirs se réalisent
quand le déclin apporte un calme bienheureux –
il grandit et grandit jusqu’à couvrir la Terre
comme un sous-bois sublimant tout,
ou la mélancolie.
trad. Marilyne Bertoncini
Leaves/Gili Haimovich (Israel)
You are going to leave me, naturally, just like
Leaves leaving the tree,
Lightly, mutely, notedly
Just because our hours of light have gotten too short.
In order to mourn you,
I will take a leave of absence during one full season.
Then the spring will force me
To show my buds again.
Tu t’en iras, naturellement, tout comme
Les feuilles se congédient de l’arbre,
Légères, silencieuses, perceptibles seulement
Parce que nos heures de lumière sont devenues trop courtes
Pour porter ton deuil,
Je prendrai un congé d’une saison complète.
Puis le printemps me forcera
A faire éclore de nouveaux bourgeons.
traduction Marilyne Bertoncini
Jacques Guigou
.
Comme luit la châtaigne
au sortir de sa bogue
flamme et fauve fondus
pour un amour d’automne
et négation de l’art
surgie d’on ne sait où
la fuite d’un renard
pour célébrer le roux
Cadono in fretta le foglie/Luca Ariano (Italie)
.
.
Cadono in fretta le foglie
della magnolia, venti repentini
a portare un’altra stagione.
In fondo un anno dopo
vicende vissute ma senti
il suo profumo sul cuscino
e capelli biondi tra lenzuola
ritrovati a ricordare il vostro tempo.
Si allungano ore di lancette
ma la primavera per voi iniziò
in quell’inverno di un bacio atteso,
lungo quaresime di guerra.
Forse con tua nonna l’ultima volta
una messa di Palme… preghiere
nel vuoto, nell’umido di una risaia.
I riti pasquali un altro decennio:
sapevi sarebbe finita
– eppure speravi – come terminarono
regni di barbari predatori.
Di quei Vandali l’onta di saccheggi
e dopo Genserico capitolarono all’arrivo di truppe bizantine
.
Elles tombent vite les feuilles
du magnolia, des rafales de vent
portent une autre saison.
Au fond, un an après
les événements vécus mais tu sens
encore son parfum sur l’oreiller
et des cheveux blonds entre les draps
te rappellent ce temps-là.
Les heures passent lentement
mais le printemps pour vous avait commencé
dans cet hiver d’un baiser désiré,
long carême de guerre.
Peut-être avec ta grand-mère la dernière fois
une messe de Pâques … les prières
dans le vide, dans l’humide d’une rizière.
Les rites de Pâques une autre décennie :
tu savais que cela finirait
– tu espérais pourtant – comme finirent
les royaumes des barbares prédateurs.
De ces Vandales, pillards sans vergogne
qui après Genseric capitulèrent
à l’arrivée des armées byzantines.x
trad. Marilyne Bertoncini
.
Poémier/Colette Daviles-Estinès
.
Je pense
un instant vécu
Je l’écris
Je pense l’instant écrit
c’est un autre vécu
Je l’écris aussi
Une histoire enchâssée dans l’histoire
un arbre ramifié
Poèmier
.
Eva-Maria Berg (France-Allemagne)
.
dans un monde moribond
avant la dernière saison
s’enflamment les feuilles
dans les yeux
aux couleurs criardes
qui rappellent la vie
bientôt pâle et déserte
pour en garder
le souffle invisible
A quelques seconde d’intervalles/ Lydia Belostyk
Printemps, été, automne
.
L’obsession du temps traverse la photographie de Lydia Belostyk.
Une voiture, un appareil photo… La Bourgogne au fil des saisons…
Les clichés sont pris en voiture à quelques secondes d’intervalle. Et c’est une rencontre inattendue de la modernité et de la peinture de paysage qui interroge notre lecture de l’image.
« 12h15 » 59 secondes avant 12h16
Chaque jour, l’artiste s’arrête à Midi et Quart et compose avec ce qui l’entoure. Cette heure située hors des contingences sociales du matin et de l’après-midi permet une halte dans la course du temps, avec une lumière au rendez-vous…
Autant de captations de la temporalité, entre éphémère et éternité.
.
.
Nasses d’automne/Hoda Hili
tes caresses ignées
sur mon corps
sumac d’automne
.
quand m’aimeras- tu
à la douce flamme
d’une chandelle ?
.
la flamme promet
si fort
de renaître
.
quand la neige vient comme
effacer les tapis de feuilles
en camaïeux de plaies
.
qu’elle étreint
de nos silences
tes incendies
.
Couleurs d’automne/Ghislaine Lejard
.
.
Calames dans le jardin
sur la page du ciel
une calligraphie de silence.
Ghislaine Lejard
.
Dans la fracture du temps
renaître sous un autre ciel
pourtant toujours
le bleu et le gris
au-dessus de nos têtes
Après le soleil la pluie
quelques gouttes
un souffle de vent
et les fleurs du cerisier
en neige de pétales sur le sol
beauté fragile éphémères
bouleversante.
( Dans la lumière de la fragilité inédits)
Dominique Ottavi
.
.
Le dernier brin
de bruyère
a joué
la fille de l’air
tout le monde est content:
pas de ménage à faire !
.
Genévrier au feu vert/ Tatiana Terebinova (Russie)
.
Житие небес. (« Можжевельник зелёным огнём »)
Можжевельник зелёным огнём
обжигает – неба
житие.
Золотой
краб луны
пробегает по дну
твоего сердца.
Полночи прозрачная
листва
проживает
прожилками осени –
под сенью ликов
исхода.
В забытых садах –
чёрным яблоком
созревает
белое время:
новый звон и озон
Византии;
имена знамён
крылатых гор –
в затмениях – новых
ветвей морей.
Дней чашу – выпивают
искры мгновений,
проникая в
храмы
твоей будущей
души.
Меч огня обоюдоострый –
рассекает алтарь
печали.
Очами озёр – смотрит в тебя
комета,
оживая в прошедшем
будущем.
Земля, в тебя упираются
прозрачные
кроны духа, где
звёзды – твои певчие
птицы,
а корни твои – взращивают
Млечный Путь.
Земля, ты – житие
небес!
.
La vie des cieux. Genévrier au feu vert
Le genévrier brûle d’un feu vert –vie du ciel.
L’or
du crabe lunaire
court au fond
de ton coeur.
Minuit transparent
Le feuillage
vit dans les veines de l’automne –
à l’ombre des visages
de l’exode.
Dans les jardins oubliés
le temps mûrit blancheur
d’une pomme noire :
un nouvel anneau et l’ozone
de Byzance ;
les noms des drapeaux
des montagnes ailées —
dans les éclipses — des nouvelles
branches de mers.
Les étincelles des instants boivent
la coupe du jour,
pénétrant dans
les temples
de ton âme
future.
L’épée de feu à double tranchant
scinde l’autel
de tristesse.
Une comète te regarde
avec les yeux des lacs,
prenant vie dans le passé
futur.
La Terre,
la transparente
couronnes de l’esprit
repose sur toi,
où les étoiles
sont tes oiseaux chanteurs
et tes racines nourrissent
la voie Lactée.
Terre, tu es vivant
Eden!
(traduit de l’anglais – Marilyne Bertoncini)
Jaume Saïs
Dimanche 31/Xavier Bordes
.
Dimanche 31
Il pleut Il pleut encore Il pleut toujours
Seuls les feuillages frissonnent d’aise
et les dalles luisent d’un peu de ciel blanc
qui s’attarde en flaques sur la terrasse
Un plaqueminier est de l’écarlate des vignes
corinthiennes autour de Némée en automne
Le jardin sous la pluie complice du trèfle
désert prend des allures de veuve esseulée
Sitôt le nez dehors mille étincelles froides
comme taches de rousseur éparses au visage
L’impression d’avoir en aveugle donné
dans une toile d’araignée emperlée de rosée
relique du temps des amis et des sentiers boueux
du sous-bois après l’averse où nous courions
heureux tenant par la main une fille rieuse
sans le soupçon que l’on puisse en être amoureux
Or depuis nous avons vécu et le passé ma foi
c’est le passé ! – dont on caresse comme un chat
sur nos genoux par un dimanche de grisaille
le doux pelage d’heures denses sans regrets
Il pleut Il pleut encore Il pleut toujours
Davide Ridenti (Italie)
Martine Gabrielle Konorski
.
Corps périssable
Au large
Les paroles s’affaissent
Sous les branches
Du feuillage
Éphémère
Les heures se disloquent
Au clignement des yeux
Sous la pliure
Des membres
Un souffle
de poussière.
Et puis plus rien.
.
Une porte battante
Des promesses
envolées
plume à plume
La tragédie
des jours là
Premier ou dernier
chaos
quand l’endurance
devient célébration
dans l’entrelacs
de l’Histoire et de l’existence.
Tracer le contour
d’une vie
L’éphémère
Avec le poids de la grâce.
Eveil créateur/ Sofia Skleida (Grèce)
.
« Δημιουργική αφύπνιση »
Ξύπνησε η νύχτα από το λήθαργό της,
φόρεσε ανθούς γεμάτους χυμούς
και έκλεισε την πόρτα στη λύπη.
Αγκάλιασε τη μέρα σφικτά,
έπαιξε κρυφτό μαζί της,
κυλίστηκε νωχελικά στα καθαρά χώματά της
και πλαισίωσε το μέλλον της
.
« Eveil créateur »
.
La nuit s’éveilla de sa léthargie
portant des fleurs pleines de sucs
elle mit le regret à la porte,
Embrassa étroitement le jour,
joua à cache-cache
roula paresseusement vers la terre toute claire
et encadra son avenir…
.
(traduction de Marilyne Bertoncini)
Credo & Coulée d’ambre/
Dana Shishmanian
.
Credo
Goutte à goutte se retire dans les racines d’en haut
la sève de vie à travers les branches tombantes –
balayées par l’orage – des arbres renversés que nous sommes
nos feuilles sont perdues – des nids d’oiseaux morts
gisent écrasés sur la terre déserte – dans nos oreilles
résonne encore la musique –
un pianiste joue quelque part hors du monde
et les réverbérations de ses touches irréelles
touchent nos canaux subtils – oui cela doit être la clé
de l’après-vie – on nous transforme
en vibrations sonores
une conscience sans sujet sans objet
à durée volatile
non mesurable dans le temps
non localisable dans l’espace
non rattachable à quelque chose
elle ne s’accroche qu’à la négation
Coulée d’ambre
.
Toute la résine que j’ai pleurée
à l’intérieur de mon écorce d’arbre
perdu de sa forêt lunaire
en larmes ambrées la cueillent mes doigts de vent
ils t’offrent ces gouttes
qui roulent telles des perles sous nos regards
et tu les cueilles à ton tour sur tes lèvres
embrassons-nous par le dedans faisons un seul arbre
jusqu’au-delà du ciel
aux racines plongeant avant le monde
aux branches éclatées en mille dimensions inconnues
aux feuilles déchirées et perdues
écrites avec nos poèmes qui hantent encore
les ruines des mondes
lus non lus
de personne
(Octobre 2021)
.
Wansoo Kim (Corée)
.
달의 눈물
노란 치마저고리
하얀 버선발로
살포시 어둠 딛고
찾아온 여인
그 누구
그리운 님을 찾기에
커다란 눈망울로
두리번거리나
가로등과 네온의 거리
칼날처럼 날카로운
번쩍이는 소용돌이에
눈멀고 가슴 찢겨
움츠리고 서성대며
눈물만 흘리네
Larmes de lune
Une femme est venue
à pas légers sur l’obscurité
En jupe et manteau jaunes,
Et des chaussettes blanches.
Pourquoi scrute-t-elle alentour
Avec de si grands yeux ?
Peut-être cherche-t-elle à voir son amant ?
Dans le tourbillon d’éclairs
Aigus comme tranchant de lame
Dans les rues où flamboient lampes et néons,
Elle verse des larmes
Avec ses yeux aveugles et son cœur déchiré
racorni, et qui s’attarde.
(traduction française de Marilyne Bertoncini
Tears of the Moon
A woman who has come
Stepping lightly on the darkness
In yellow skirt and coat,
And white socks.
Why does she look around
With her big eyeballs?
Is it because she wants to see her lover?
In the whirl of flashes
Sharp like the edge of a knife
On the streets of blazing lamps and neons,
She’s shedding only tears
With eyes blind and heart torn
Shrinking and lingering.
traduction anglaise de l’auteur
Lacrime di luna
Una donna è arrivata
camminando adagio nel buio
vestita con gonna
cappotto gialli,
e calzini bianchi.
Perché si guarda intorno?
Con i suoi grandi occhi?
È perché vuole vedere il suo amante?
Nel vortice dei lampi affilati come lame di un coltello
per le strade di lampade accese e neon,
sta versando solo lacrime.
Ha gli occhi ormai ciechi
e il cuore lacerato
provato ma resistente.
Traduzione italiana di Emanuela Rizzo
Deux Haïkus/Jacques Merceron
.
Deux soleils jonglés
Flot des autos médusé —
Un cracheur de feu
.
Brouillard matinal
Le héron la goutte au nez —
Feu dans la rosée
Nous sommes cette hirondelle/Anne Soy
.
Nous sommes cette hirondelle.
Ravie du bleu des cieux, elle dessine
Sans lien apparent aux saisons immédiates
Notre silhouette perdue
Nous étions cette hirondelle, déchirant pour nous seuls un lambeau d’éternité.
Ce serait beau de croire
nous sommes cette hirondelle
elle me parle de toi.
Les mots s’échappent, ils ne ressuscitent pas. Mes mots s’échouent par vagues sans user
les cailloux. Ton souvenir est coupant comme un bris de rêve.
Notre histoire est en flaques. Il y eût des bonheurs, des plaisirs, du plaisir et tant de
bonheur.
Tu es cette ombre qui brouille les cieux, tu tournes sans chasser les hirondelles, tu
demeures merveilleux.
Nous sommes cette hirondelle
Puisque nous l’avons été
Dominique Bergougnoux
.
A la saison des ors et des pourpres
Elle trace un sillon d’encre étroit
L’espace de la page
est un pont suspendu
où le bois n’est plus qu’un souvenir
un chemin fragile au dessus du vide
Elle progresse lentement
entre les cordes
les mots tanguent au vent
Elle s’accroche aux derniers rayons
d’un soleil
déjà mangé par la froidure
De l’autre côté
c’est l’hiver qui l’attend
Bordeaux
30 oct 2021
poème en forme de chute de feuilles/Claire Boitel
Les
feuilles
de
l’arbre
du
souvenir
tombent
dans
un
perpétuel
automne
Jacques Cauda
Ephéméride / Irène Duboeuf
J’ai effeuillé le temps
des soleils flamboyants et des nuits d’obsidienne
dans un compte à rebours
désenchaîné les jours
froissé des bouts de vie
émancipé l’instant dans le craquement sourd
des feuillets blancs fardés
de chiffres couleur d’ancolie.
Comme une enluminure surgie de l’âtre grise
le passé feu de paille ensemence le jour.
Nous sommes enfants de salamandres.
nourris de flammes,
nous mêlons notre souffle au fin crépitement
des braises embrassées
par le vent.
Sois la feuille qui danse / Emanuela Rizzo (Italie)
Sii foglia che danza
Certe anime sono alberi
piegati dal vento,
foglie cadute
in un autunno folle.
Altre anime sono ruote arrugginite,
solcate dal tempo,
erose dalla vita
spesso ingrata.
E ce ne sono altre
di anime, che,
leggere,
in autunno danzano,
volteggiano,
come foglie,
e sembra quasi
primavera,
è forte anche
il loro profumo!
Ogni foglia che cade
diviene concime
per una nuova vita.
Quindi sii foglia che danza,
a ogni stagione.
Sois la feuille qui danse
Certaines âmes sont arbres
ployés par le vent,
feuilles mortes
dans la folie d’automne.
Les autres sont des roues corrodées,
marquées par le temps,
usées par la vie
souvent ingrate.
Et il y a d’autres
âmes, qui,
légères,
dansent en automne,
voltigent,
comme les feuilles,
et on dirait presque
le printemps,
tant est puissant aussi
leur parfum !
Chaque feuille qui tombe
devient engrais
d’une nouvelle vie.
Alors sois la feuille qui danse,
en toute saison.
traduction Marilyne Bertoncini
Feuilles/ Cécile A.Holdban
.
À l’ombre du pommier
une nuit étoilée
avant l’heure
(Encre sur deux feuilles de ginkgo, composition sur un papier teint au café)
.
Tendre la verte batiste,
entendre la rumeur des bois
Encre sur liane de haricot grimpant
Les Feuilles, Attilio Zanichelli /
Foglie senza rami, Giancarlo Baroni (Italie)
.
LE FOGLIE
Chissà perché le foglie si sono agitate, le madri
celesti della terra. Io che non acciglio loro
ancora e non ricordo cosa siano né perché si lasciano
recidere.
Il vento ha brevi attacchi come un malato,
elimina la forma fragile della bocca devastata.
Bisogna che io parli loro come a immutabili santità
misere sorelle fiatevoli del perdòno.
Si sono racchiuse nelle mani in un pugno morente.
Tutta l’eternità è vuota davanti a loro.
Hanno gremito le strade quando è triste
il soggiorno e imputridiscono deferite alla marcezza.
Le calpestiamo ai bordi delle pietre, sfinite
e inutili come nella visione che travolge ogni senso
e attaccate alle suole vibrano di tremiti.
Io sono come una di queste, mi frastorna
la pungente ira della ghiaia sotto cui sono quando
scicchiola il passo malinconico che rincasa stordito
e scorge la luce della scala monotona e sorda,
e io sono con l’anima di ciascuno devastante tristezza.
.
Attilio Zanichelli
(da “Una cosa sublime” – Einaudi)
lES FEUILLES
Qui sait pourquoi les feuilles se sont agitées, mères
célestes de la terre. moi qui ne m’en inquiète pas
encore et ne me souviens de ce qu’elles sont ni pourquoi elle se laissent
détacher.
Le vent a de brèves toux comme un malade,
il élimine la forme fragile de la bouche dévastée.
Il faut que je leur parle comme à des saintes immuables
misérables sœurs souffleuses du pardon.
Elles se sont repliées dans mes mains en un poing mourant.
Toute l’éternité est vide face à elles.
Elles s’amassent dans les rues quand est triste
le séjour et elles pourrissent vouées à la putréfaction.
Nous les piétinons aux bordures des pierres, épuisées
et inutiles comme dans la vision qui bouleverse les sens
et collées aux semelles, elles vibrent en tremblant.
Je suis comme l’une d’elles étourdi
par la cinglante colère du gravier sous lequel je suis quand
grince le pas mélancolique qui rentre à la maison hébété
et voit la lumière de l’escalier monotone et sourde,
et je suis avec l’âme de chaque tristesse dévastatrice.
.
traduction Marilyne Bertoncini
2 Comments
#Lettoriinfluencer: un omaggio poetico alle foglie autunnali - Diamo voce alla cultura
[…] Si ringrazia la poetessa francese Marilyne Bertoncini per la splendida iniziativa che ha promosso di inviarle poesie, foto e altre realizzazioni artistiche dedicate alle foglie e vi invitiamo a partecipare inoltrando il materiale a questo indirizzo. […]
“ANTOLOGJIA ÉPHÉMÉRIDE”/ Botohet në Francë antologjia e poetit Fahredin Shehu – Schoolture TV
[…] është linku ku edhe në mënyrë elektronike u publikua poezia e […]