« Pariggi, luglio 2006 », photo Paolo Zanardi

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Le tragique de la situation, croqué par Fabien Drouet, dont la plume agile décrit tout le grotesque : notre monde, tel qu’on le vit, tel qu’on ne le voit parfois plus, les yeux rivés sur les écrans…

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Journal de brouillon

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Hier, j’ai assisté à un spectacle extraordinaire.

On pouvait y trouver de l’humour mais c’était plutôt une tragédie.

Le dispositif comme disent les pros étaient simple.

Une rame de métro.

Des gens assis.

Personne ne parle.

Chacun ou presque avec un smartphone.

Gros budget cette compagnie.

Pour deux un livre.

Pour une femme un pain au chocolat.

Moi la main dans ma bouche à me ronger les ongles en tentant d’éviter d’aller jusqu’au sang.

La main d’une femme sur l’épaule d’un enfant et la main du garçon posée sur celle de la femme, qu’on peut penser être sa mère.

Pour trois personnes sur la cinquantaine présente, rien du tout dans, ni sous la main.

Les deux mains libres.

Trois fois deux = six.

Un homme entre dans le métro.

C’est un sosie de Dostoïevski.

Les yeux en colère et mal réveillés.

C’est pas un sosie. c’est Dostoïevski.

Dostoïevski est en jogging Kappa et a un sac au dos.

Ai jamais vu de photos de Dosto en jogging et un sac au dos.

La pièce a déjà commencé mais personne ne s’en est aperçu puisque tout le monde joue dans la pièce.

Il est debout et dit bonjour messieurs dames, j’ai un message à vous transmettre.

Dostoïevski n’a même pas l’accent russe.

C’est assez étonnant.

Il dit la pluie veut nous dire quelque chose et on ne l’écoute pas.

J’ai bu de l’eau de pluie et je suis plein de messages.

Le ciel a été généreux ce matin.

Mon chien est invisible mais il en a bu lui aussi.

La pièce est remarquable.

Personne ne regarde Dostoïevski sauf l’enfant, sa mère et une femme qui vient de ranger son smartphone dans son sac.

Il continue son monologue.

Dostoïevski en jogging monologue et tout le monde s’en branle.

Les gens regardent ce qu’ils ont dans la main.

Il est là, le spectacle.

Quelqu’un parle, quelqu’un joue, quelqu’un dit qu’il a un message et la plupart des gens ne lèvent même pas trois secondes les yeux.

Cette pièce de théâtre est parfaite.

C’est une tragédie.

Le chien invisible aboie.

Les gens jouent super bien.

Et c’est gratuit.

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« Bangkok, aprile 2015 », photo Paolo Zanardi