Nicolas Poussin, Les Bergers d’Arcadie « Et in Arcadia ego » (c.1640)

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ru(I)ne –  Runes & Ruines

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La ruine renvoie l’homme contemporain à ses propres failles, condense le souvenir des gloires et des errements passés avec les espoirs nés des décombres »

Laurence Engel, présidente de la BNF
Préface à Ruines, de Joseph Koudelka,

éditions Xavier Barral-Bibliothèque de France, 2020

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De «runes » à « ruines », une seule lettre de différence : le « I » dressé comme un monolithe, un cippe, une stèle1, un stipe – la colonne élancée du tronc de l’arbre des paroles, l’Ygddrasil d’où Odin, dans la légende scandinave, découvrit le mystère du monde – et les runes, qu’il transmit aux hommes2.

Les runes constituent un système initiatique lié à la parole, servant ainsi à la divination. Le nom de cet alphabet de 24 signes proviendrait d’une racine proto-celtique signifiant « secret, mystère, charme, murmure » . Elles sont l’une des plus antiques expressions de la poésie active et lucide des lettres, chargées de symboles et de concepts. On les retrouve inscrites sur des parois rocheuses, des pierres dressées, des objets cultuels …

Les ruines, elles, accompagnent l’humanité et leur existence (leur présence ou absence), fascine depuis l’antiquité : Pausanias au IIème siècle avant notre ère parcourait mélancolique les vestiges de Mégalopolis, détruite par les guerres médiques trois siècles auparavant… Au 18ème siècle, les paysages romains du peintre Hubert Robert, qui peignit la Bastille aux premiers jours de sa démolition et dont Diderot célèbre « la poétique des ruines », ou le graveur Piranesi mettant en scène les restes du Colisée, abattu par le tremblement de terre de 1349, ouvrent la voie à la poésie romantique des ruines3 qui fait écrire à Victor Hugo, en 1825 :

 Je vous aime, ô débris ! et surtout quand l’automne / Prolonge en vos échos sa plainte monotone 

Ces ruines évoquant alors une certaine intemporalité (la présence du passé au coeur du présent) étaient déjà figurées à l’arrière-plan des tableaux de la Renaissance et de l’âge baroque ou classique…. Je pense ainsi au tableau des Bergers d’Arcadie de Nicolas Poussin  (c.1640) mis en tête de l’article : ils déchiffrent, sur une tombe solitaire, abandonnée dans une nature édénique, la nostalgique inscription « in Arcadia ego » – « j’étais en Arcadie » : la ruine, mise en avant, étudiée, scrutée comme les stèles porteuses de runes, y est la trace infime d’un état ancien de bonheur perdu, que déclinera le romantisme, poétique et pictural, sensible au pittoresque élégiaque de ce qui fut.
Mais la ruine est aussi une représentation de l’enfer sur terre, une vision de l’abîme de noirceur et de feux des destructions et de chaos, l’effondrement d’une civilisation4, un avant-goût théâtral de l’Apocalypse, dans les photos des reportages de guerre, où déjà dans l’oeuvre de Monsù Desiderio, pseudonyme de deux peintres lorrains du début du 17ème siècle, redécouverts par André Breton et le surréalisme :

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Pierre Seghers, Monsu Desiderio, ou le théâtre de la fin du monde, éd. Robert Laffont, 1981

De nos jours encore, la ruine nous « parle » : l’urbex  pratique  l’exploration des friches urbaines prônant la contemplation esthétique,  dans leur décadence,  des lieux abandonnés proches et inaccessibles – manoirs, écoles, entrepôts, usines désaffectées tout autant que la réflexion sur l’éphémère de nos constructions et modes de vie … 

Nos sociétés préservent les sites prestigieux, y organisent des fouilles en vue de les sauvegarder avec la mémoire de ceux qui les habitèrent et disparurent. Pourtant, dans le même temps, s’accumulent les meurtres et les dépradations : de Gaza, à l’Ukraine, de la destruction des Bouddhas de Bâmiyan à l’acharnement contre l’antique Palmyre… sans remonter bien loin dans notre passé éradicateur de cultures, l’histoire contemporaine regorge d’exemples de notre insensibilité à la vie de nos frères humains, comme à la survie du patrimoine qu’ils ont construit, et qui nous est commun.

Les ruines témoignent de notre passage, de notre inconscience, de notre barbarie aussi : mais elles portent en elles, le mot « runes » –   et avec elles la possibilité de les sauvegarder, par la poésie –  à travers la force des mots, l’espoir de les mettre en lumière, de les redresser comme le « I » qui en constitue le cœur et le pilier, colonne dressée – redressée, comme un cierge porteur d’une flamme d’espérance, à travers les mots.

La ruine ne touche pas que le paysage – elle symbolise à travers les écroulements qu’elle donne à voir la chute des civilisation, la ruine morale, la destruction des liens qui nous font humains, la décrépitude et la déchéance des corps… Chacun y lit en miroir un message personnel…

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Embarquement poétique vous invite à nous proposer votre vision des ru(I)nes, en participant à sa prochaine anthologie, publiée par Les Cahiers de poètes & Co, avec une photo, une œuvre plastique ou musicale (mise en ligne sur notre page soundcloud ), ou un texte d’une page (une trentaine de lignes environ)  en respectant scrupuleusement les consignes suivantes (les envois non conformes ne seront pas retenus) :

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Contribution , texte, photo, musique inédits, à proposer jusqu’au 3 décembre 2024 minuit, en l’adressant à embarquement.poetique@gmail.com

L’envoi vaut engagement à accepter l’éventuelle publication de votre texte/oeuvre.

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POUR LES TEXTES :

Envoi en format .DOC, .DOCX et PDF

une page (30 lignes environ, y compris les espaces) et interligne simple

Police : Times New Roman, corps 12,  sans effet de mise en page.

Format A5 lors de l’enregistrement (pour tenir compte du fait que la publication papier aura ces dimensions – voici les recommandations de l’éditeur :

Présentation à la convenance de l’auteur mais dans le cadre imposé pour la cohérence du livre. (Il n’est pas possible de transférer un A4 ou A3 sur un livre au format A5 sans dommage pour la présentation. Donc être original, oui, mais en ayant  toujours conscience du rendu au format A5 demandé)

Marges de :  2.5 sur les côtés, en haut et en bas.

Que chacun adapte sa versification  à ce format.

Le texte devra être accompagné de sa copie en PDF, car les espaces entre les lignes ont des variables qui diffèrent d’un logiciel et d’un texte à l’autre.  Notamment lors des mises à la ligne de vers trop longs. Ce qui fausse les mises en page lors des transferts.  Le PDF permettra de se rendre compte de l’intention initiale de l’auteur et de s’en rapprocher. 

Il appartient à chaque auteur de vérifier les renvois à la ligne, aucune contestation ne sera retenue en cas de « coupure » nécessaire qui serait déterminée par l’éditeur. 

Les textes envoyés sont définitifs, seules les coquilles seront corrigées pour le B.A.T

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POUR LES PHOTOS : format jpeg

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POUR LES ENREGISTREMENTS : format WAV ou mp3

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POUR TOUS:

Envoi des propositions en fichier doc et pdf, clairement identifiés avec nom et prénom et aucune autre mention


Tout envoi non conforme ne sera pas retenu.

Vous admettez que nous puissions refuser de publier le poème sans avoir à en expliciter la raison. Embarquement Poétique et l’éditeur restent totalement libres de publier ou de ne pas publier un poème.

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notes


1 – stèle : (1) Monument monolithe ayant la forme d’un obélisque, d’un cippe ou d’une dalle placée en position verticale, parfois orné de sculptures ou de peintures, sur lequel sont gravées des inscriptions commémoratives ou des textes législatifs.
(2) Partie centrale des tiges et des racines des plantes vasculaires entourée de l’endoderme et comprenant la moelle, le bois et le liber ainsi que les formations secondaires libéro-ligneuses (TLF)

2 – Dans le Rúnatal (Edda poétique), une section du poème Hávamál, la découverte des runes est attribuée à Odin. Ce dernier a été suspendu à l’Arbre du Monde, l’Yggdrasil, après avoir été transpercé par sa propre lance, Gungnir, durant neuf jours et neuf nuits, afin d’acquérir la sagesse nécessaire à l’exercice du pouvoir dans les neuf mondes, ainsi que la connaissance des choses cachées – dont les runes (wikipedia).

3 – https://www.bnf.fr/fr/lart-des-ruines-les-ruines-en-art, en écho à l’exposition Josef KoudelkaRuines.

4 – Michel Onfray, Métaphysique des ruines, livre de poche biblio-essais, 2010.