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Sans doute existe-t-il dans la critique littéraire plusieurs approches inhérentes au langage qu’elles emploient en plus de la vision qu’elles dégagent ; inhérentes aux courants qu’elles suivent à l’instar des mouvements artistiques et littéraires.
Ainsi lorsque j’entends après la lecture bouleversante d’un livre : « Je ne trouve pas les mots pour exprimer ce que j’ai ressenti à la lecture de ce livre« , ou « Il n’y a pas de mots pour exprimer (…)« , nous sommes renvoyés à l’idée d’une critique littéraire qui serait fidèle à la ligne descriptive et au flux narratif du récit linéaire, aux sauts et reflux du texte poétique, alors que, face au bouleversement provoqué par l’expérience immersive d’un livre, sans doute d’autres paramètres, d’autres outils peuvent être déployés afin de rendre au plus près la traversée existentielle expérimentée lors de telle ou telle lecture, souvent rare, par conséquent précieuse. Par exemple l’image poétique, la métaphore plus ou moins filée d’une critique littéraire poétique au sens fort du terme.
Dans le domaine de la création picturale, le mouvement expressionniste relevait d’une production artistique qui, au début du 20ème siècle, se démarqua d’entrée par rapport au naturalisme et à l’impressionnisme. La représentation expressionniste se donnait pour tâche de s’éloigner d’une imitation ( » mimesis « ) fidèle à la réalité observable, choisissant la couleur pour sa valeur émotionnelle et libérant la ligne de sa fonction descriptive.
Une approche analogue dans le domaine de la création littéraire aboutirait à tenter de rendre la force expressive d’un livre par une transfiguration du sujet et de son rendu par le processus et l’expérimentation d’une relecture créative elle-même créatrice d’une nouvelle sémantique visuelle : « redonner à voir » tout en donnant à revivre le livre. Ceci au près serré de sa résistance : dire du livre ce qu’il dit entre les lignes, au coeur et par-delà son intrigue ou thème.
C’est à cette critique littéraire poétique que je m’attèle d’arrache-pied, que je cherche à dompter ce qu’elle a de viscéralement indomptable -comme l’Inachevé du Chef d’œuvre inconnu -, dans la tenue même par mes mots d’une ferveur incontenable atteinte par la rencontre d’un livre lorsqu’il révèle l’univers, le fait politique et le Vivre.
Tenue lyrique et lyrisme contenu s’accordent alors pour affûter le regard du lecteur ( « Je suis avant tout un lecteur » dit Pascal Quignard) au cœur d’une traversée de la densité du Texte taillé dans le tissu du monde, de la société, de nos émotions.
Une critique poétique débarrassée de toute fioriture, de tout complément circonstanciel dans sa volonté de toucher l’essentialité absolue des circonstances au cœur (du livre) du monde entier ( Blaise Cendrars), humblement mais opiniâtrement.
Débarrassée de toute fioriture comme l’on pèle ou l’on mord un fruit afin d’en goûter la chair, afin d’en savourer la pulpe.
Une critique poétique comme une sorte de » performance des ténèbres » ( Pascal Quignard).
Murielle Compère-Demarcy ( MCDem.)
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