.

5 – Jean-Claude Bourdet – Giancarlo Baroni (trad. Marilyne Bertoncini) – Béatrice Pailler – Olivier Bastide (poème et photo) – Marc-Henri Arfeux – Muriel Verstichel – Jean-Michel Bollinger – Murielle Compère-Demarcy (poème et photo) – Michel Lamart – Albertine Benedetto –

6 – Guillaume Dreidemie – Suzy Desrosiers – Christophe Pineau-Thierry – Luca Ariano (trad. Marilyne Bertoncini) – Nicole Barromé – Marilyse Leroux – Nadine Travacca – Adriano Engelbrecht (trad. Marilyne Bertoncini) – Irène Duboeuf – Amédéo Anelli (traduction Irène Duboeuf)

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Jean-Claude Bourdet

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Oh sombre mégalithe, frontière minérale d’une lande déserte, dans le silence du crépuscule tu dessines les contours d’une âme tourmentée qu’un astre lointain ne saurait apaiser. Dressé sur l’horizon, tel un doigt vengeur, vers un ciel vide, abandonné d’anciens dieux, seul désormais, livré aux yeux curieux de randonneurs égarés dans les chemins pierreux, tous venus admirer ta superbe stature et mesurer ta grandeur passée, tu veilles, imperturbable, sur le repos de ton frère allongé sur la même terre, labourée par de puissantes machines. Témoin des terreurs silencieuses d’un peuple disparu que le temps a ruiné à l’aune des vestiges du passé. Adossé à ta rugueuse paroi venue de l’Aber Ildut, je me plais à rêver à d’anciens guerriers fabriqués de la même glaise que celle qui me maintient spectateur de ta gloire.

Tu domines une autre géante, toute proche citée, érigée par des hommes, détruite par des hommes, reconstruite par d’autres. Sa plainte déchire les nuages, elle qui descend vers la Penfeld là où d’autres font l’inverse. Rehaussée de tant de mètres une église de béton peint dresse son clocher vers un dieu du moment ignorant des habitations ensevelies sous ses pieds.

Ancien monde animé d’une seule volonté sans barrière ni honte entre les règnes du vivant, du minéral bouchardé, du végétal cultivé, tous munis d’une âme d’enfant. Du creux de ton ventre suinte le fuþark à vingt-quatre signes d’une lointaine méditerranée, rune divinatoire du nord au sud, attaché au cycle de la lune, comme d’autres à la branche d’une langue secrète.

.

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Giancarlo Baroni

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Mura ciclopiche, si dice

che furono i Ciclopi

a costruirle, giganti

.

con un occhio solo.

Fortezza inespugnabile

ci sentivamo sicuri,

.

cisterne canali

magazzini di cereali.

All’improvviso caldo

.

aria bollente afa

campi bruciati 

piogge inesistenti.

.

Divamparono degli incendi:

tra le fiamme

abbandonammo le nostre case.

*

Dell’anfiteatro è rimasta

la gradinata, dei templi

qualche colonna crollata

solo una sta in piedi.

.

Dei mosaici esposti alle intemperie

ti sorprende un uccello

dalle piume ancora vivacissime.

.

(da Il colore del tempo. Poesie e Fotografie, Quaderni della Fondazione Daniele Ponchiroli, Nota critica di Gabriele Oselini, Prefazione di Fabrizio Azzali, Arti Grafiche Castello di Viadana, 2020)

Des murailles cyclopéennes, dont on dit

que les Cyclopes

les bâtirent, ces géants

.

A l’œil unique.

Forteresse imprenable

On se sentait protégé,

.

des citernes des canaux

des entrepôts de céréales.

Tout d’un coup la chaleur

.

l’air torride, la canicule

les champs brûlés

les pluies inexistantes.

.

Des incendies se sont propagés :

dans les flammes

nous avons abandonné nos maisons.

*

De l’amphithéâtre demeurent

les gradins, des temples

quelque colonne effondrée

une seule encore intacte.

.

Des mosaïques livrées aux intempéries

un oiseau t’y surprend

avec son plumage encore vif.

.

Nice-Nikea – jardin botanique – photo mbp

..

..

..

Béatrice Pailler

.

Vestiges

.
Nudité qui raconte, la pierre est souvenir.
Sur elle la trace d’une magie commune,
D’un je où se devinent d’anciennes formes
Un chemin de vie, pour de nouvelles errances
Pour qu’au-delà du temps perdure le geste qui crée.

.
De nuit en nuit jusqu’au seul jour,
S’érige et s’effondre le temps sans âge
Celui trop court de toutes existences, de notre histoire.
De vestige en vestige nous allons vers un futur.
Futur de sable, à socle de ruines, aux arbres cendre ?
À l’espérance tenace comme le geste qui rassemble.

.
Geste premier qui d’un débris
De bois, de pierre fait un calame, un stylet
L’outil d’un je qu’enfance et liberté
Saisissent aux gravats de l’instant.
Ainsi se crée le signe qui fait sens
Le signe qui affirme qu’ici sont les vivants,
Qu’ici humanité et rêves jamais ne capitulent.

.
Corps mouvant, danse l’enfance.
Sous ses pas pierres et poussière :
Sillage où s’éveille la magie
Où se renouvelle l’espoir d’une présence.

.

.

Olivier Bastide

.

Heureux celui qui ne saurait

.

Quand bien même nous n’aurions l’idée

de la naissance et de l’extinction

Quand bien même le soleil levant

midi et la nuit venue

Quand bien même l’absence l’inexistence

de tout sentiment de début et de fin

enivrerait notre lucidité

.

La surprise d’un mur d’un pan de mur

surgi de nulle part

.

Il y eut

une ferme un hameau un donjon une cabane encore

Il y eut

un amour une colère un chagrin une souffrance vive

une ruine en atteste

et sa contemplation m’est augure de vie

tout autant que de mort

m’est l’impossible

oubli du terme

.

ancienne prison de l’île de Capraia – photo : Olivier Bastide : « Comment savoir ce qui est dehors, quand bien même ce dehors serait libération – s’enfuir ou rester entre quatre murs connus? »

.

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Marc-Henri Arfeux

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Gravats pour la lumière

.

L’arbre du monde est écriture

D’un grand secret dissimulé

Dans les feuillets de son écorce.

.

Et tout poème humain le balbutie

Comme un archéologue

Épelant les lambeaux

D’un langage oublié.

.

Mais les oiseaux, les herbes

Et les galets modelés par l’infini de l’aube

En savent l’entière clarté

Finement gravés à l’intérieur des heures,

.

Comme ces cheveux fantômes

Qui continuent d’entretisser l’enfance,

Longtemps après

.

Sa dispersion dans le silence.

.

.

.

.

Muriel Verstichel

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L’écrasante chaleur dévoilait

les pierres plates jetées çà et là

Leur argile séchait

par la puissance d’un souffle

qui les faisait parler

ou plutôt réveillait chacune

en son signe gravé

 sur l’une « Orage »

 sur une autre « Cadeau »

 sur une autre encore « Va »

La plus terrible d’entre ces runes

accusait l’inconscience des hommes

la plus effrayante la présence de la bête

Entre les deux tout s’écroulait

sans que l’homme ni la bête

ne croient à l’arbre à la chute

à l’éclatement du corps

incapables d’entendre le chant

des oiseaux au milieu des ruines

Deux silhouettes peut-être

fuyant les rumeurs marchaient

le cœur saillant vers la mer

tel un feu nourrit de l’aube

Leurs empreintes millénaires

mélangeaient le sable et la brume

la poussière bleue

du nouvel ordre des choses

.

.

Jean-Michel Bollinger

.

Une lettre fracassée, étai famélique, carreau longiligne, renonce à unir ruines et runes. Pourtant l’hésitation suinte à offrir, le long de cet « i » cacochyme, une alliance quasi invisible entre langages anciens et défuntes demeures. Leurs heures de gloire sont sanglées dans un passé aux archives rares, aux chants lointains, aux chemins effacés qui conduisaient au seuil des unes, qui reliaient par les autres tous les songes des peuples.

Parfois un Ancien reconnaît dans les décombres la silhouette affalée de ces corbeaux qui soutenaient le linteau d’un foyer assembleur de familles. Après quelques pas, il soupire doucement face à des larmiers gisants, avec pour seul sépulcre des fougères qui s’inclinent.

Des ouvrages reliés de cuir, rangés dans une bibliothèque médiévale, sous la poussière du rayon finis Africae, proposent des traductions de symboles encore compréhensibles.

Un jour viendra où l’Ancien disparaîtra, où les livres brûleront.

Ainsi seront perdus des pans entiers d’existences pour jamais inatteignables, enfouies dans des catacombes naturelles, surmontées d’artefacts sculptés en forme d’ifs. Leurs constellations seront scellées dans des puits aux poulies voilées par la rouille et qui les veilleront, immobiles gardiennes.

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photo mbp

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Murielle Compère-Demarcy

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Un poète

Une stèle de papier

.

Puisqu’il n’est pas de tombeau pour l’éternité

.

Ruines écrites

dressées sur la terre

du temps circulaire

Mantras des mains orantes de chair

où l’ombre de l’encensoir du passé

jusqu’à toi flamboie palpite

Titanide actuelle

exorcisant la sape

de l’Histoire de la grande Hache

.

Ruines demeurez ici

runes en performance de ténèbres

.

Un poète

Une stèle de papier

.

photo : Murielle Compère-Demarcy

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Michel Lamart

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Paronomase

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Runes

S’éveillant

Ruines

Quel sens

Donner

À tout cela ?

.

Qui lire pierres

Ne peut

N’est que ruine

De soi

.

Intelligence

Artificielle (sic)

Où le vrai ?

Hou ! Le faux !

L’oxymore

Agonise

Et nous

Avec !

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Aujourd’hui

Se déconstruire

Pour se réinventer

Runes ou ruines ?

.

Aujourd’hui

Le développement perso fait

La nique au vivre-ensemble

Ruines ou runes ?

.

Aujourd’hui (en quelle ère j’erre?)

Qui peut dire s’il fera

(Encore) jour demain

Runes ou ruines ?

.

Ruines ou runes

Runes ou ruines

Décidément rien ne tourne

Rond en ce monde ennuyé !

.

Vite un peu d’R !

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Albertine Benedetto

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Si bout à bout les nano particules
en piles empilements
formant strates plaques
continent particules
infinitésimales en chute
exponentielle dans le gouffre des océans
le ventre des baleines les branchies les poumons
dans toutes cavités tapissées de phtalates
d’une humanité à bout de souffle
comme une architecture débridée
par fragments éclats déchirures
un relief ruiniforme de
– quoi ?
temples bazars cathédrales
caravansérails au carrefour de routes
englouties sous des marées toxiques
remontées acides rongeant les structures de nos villes
imagine
une intelligence à venir
fouiller ces excroissances
ces agglomérats hybrides
dans quelle méditation plongée ?

.

.

Guillaume Dreidemie

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Ovide ! Puisqu’à tes lèvres le marbre agité d’un soupir,

Puisqu’à ma lèvre où tremble la raison, j’ai retenu un cri, déchaîné !

Ô vie chère à ces siècles d’anges et de furies,

Ton cœur bat à ma tempe,

Battement léger de l’aile qu’on croyait perdue,

Nous n’oublierons plus de chercher le sens des pierres,

Ruines, échardes vives au cœur de la blessure,

Icare laisse un sillage où je m’engouffre, on me croit perdu !

Ruines, avides du ciel, luttent entre elles pour prendre la lumière,

Aux ruines du Forum j’ai encore pleuré,

Je me suis battu pour des luttes d’Enfers,

Maquillages ruinés des Belles de nos jours,

Je garde le portrait d’une Dame en majesté,

Bas-relief d’un tombeau de velours !

Ovide, ô vie ! Tes vers ont fait couler des larmes du premier siècle dont je goûte le sel…

Argos garde ses cent yeux ouverts, et je dénoue ma chevelure !

Ovide, les Moires tissent plus lentement en écoutant tes vers…

Toi qui pressentis que tu pouvais douter des dieux !

Ovide, dans l’ombre de Rome, je t’ai retrouvé !

.

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Suzy Desrosiers

.

Sale histoire

.
Nichée sur une corniche, une cabane,
le spectre d’un temps révolu.

.
La nature reprend ses droits sauvages.
Les ronces ont envahi les pierres et
dissimulent les traces du mal.
Le limon, rongé par la pourriture, fait valser les escaliers.
Carreau brisé : témoin d’un geste obscur.
Effluves de détresse, d’amertume et de drame…

.
Sous chacun de mes pas, le parquet crie son agonie.
La vermine prend son trou, c’est le tumulte.

.
Chuchotements, gémissements et rires sadiques.
Les murs avaient des oreilles, maintenant ils jasent.
Chaque recoin raconte l’horreur en dialectes étranges.
Une cacophonie à me rendre folle.

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Ruines, le refuge d’un secret bien gardé pour sauver
l’honneur.

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photo mbp

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Christophe Pineau-Thierry

.

derrière les béantes fosses noires

de ces fenêtres tôt abandonnées

.

se calfeutrent les rêves de l’enfant

aux secrètes et vivantes blessures

.

les pierres nous content l’histoire

de la mort ainsi que de nos vies

.

qui nous sert tel un cordon de soie

à pouvoir sortir de la ville ruinée

.

en transformant nos corps écartelés

les unifiant du silence de nos mots

.

et traversant d’un rayon notre cœur

nous présente l’espérance du souffle

.

.

Luca Ariano

.

Anche a Giugno la nebbia

accanto a boschi e colline:

lì c’erano paludi e rifugi

di briganti e le truppe borboniche

non resistettero a lungo:

alcuni dissero per armi obsolete

e cavalli troppo stanchi.

Senti ancora l’eco della festa

– forse un modo per allontanare

la morte – ma ricordi bene

gli occhi di tuo padre allo Scudetto;

in fondo il tuo stesso sguardo

tramandato dai geni.

Quando scendi strade di tufo

ti porti dentro vite di avi,

di chi avrebbe pagato per fuggire

e forse uccise per del pane.

Ascolti le loro anime?

Anche tu discendi da cafoni

e vivesti con il tuo spettro, un sogno

accolto in una poesia da scrivere,

come Alessandro davanti alle rovine

di Troia pensando di essere Achille.

Même en juin le brouillard

autour des bois et des collines :

Là, c’étaient des marécages et des caches

de brigands et les troupes des Bourbons

ne tinrent pas longtemps :

on parla d’armes obsolètes

et de chevaux trop fatigués.

Tu entends encore l’écho de la fête

– peut-être un moyen d’éloigner

la mort – mais tu te rappelles bien

les yeux de ton père sur le Scudetto ;

au fond, comme ton propre regard

que t’ont transmis les gènes.

Quand tu descends des routes de tuffeau

tu portes en toi des vies d’ancêtres,

de qui aurait payé pour fuir

et peut-être tué pour du pain.

Tu écoutes leurs âmes ?

Toi aussi, tu descends de croquants

et tu vécus avec ton fantôme, un rêve

qu’accueillit un poème à écrire,

comme Alexandre devant les ruines

de Troie se prenant pour Achille.

.

.

Serres de la Madone, Menton, photo mbp

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Nicole Barromé

.

Ostraca XVI

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Remuer des vieilleries
comme on lève la stèle d’un tombeau
la mousse résiste
un chat lâche quelques appels
lamentations à une absence
Et des lambeaux fautifs
à l’idée du premier pas
celui que l’on craint
challenge de nouveau vécu
qu’on renie

.
Tenir debout
jouir de la surprenante beauté d’une branche d’if
rebelle au vent
ou d’une guitare peinte sur une poubelle

.

(extrait de L’Expérience de l’encre – inédit)

.

.

Marilyse Leroux

.

On pose ses mains

sur la table

quelque chose existe encore

.

La lumière est restée dehors

dans le vert qui ne craint rien

.

On entend que ça pleut

que ça glisse

entre soi et la table

la table et les murs

.

L’eau coule

sous les arbres

fidèle à son avenir

.

On sait

qu’on a peu de prise

sur ce qui va

tant de choses

peuvent tomber.

.

.

Nadine Travacca

.

Sentinelles de pierre

amputées

d’un seul bras

retenues à la terre

.

Splendeur du vide

morsure du jour

le temps à rebours

est cousu de silences

.

Alors sur ces colonnes

vestiges d’un monde éteint

on se dépêche de poser la main

pour mieux se sentir vivant

.

.

Adriano Engelbrecht

.

trad. Marilyne Bertoncini

.

… predette –

1.

abbandonandomi i giorni

e le fioriture mi tacqui

– impigliato in calendari

e altri inciampi –

poi voce fu d’alberi –

becchi – fontane – chi?

parla l’intorno?

.

2.

come stanchi sono questi occhi

– sanno d’essere scordati –

e questi rami

ch’ancora soccorrono ali e zampe

al remigare spiovendo

.

3.

giuro non toccarti

il distante tuo tacere

serbando formule

e bisbigli d’un viatico

se non d’in’canti

l’incantamento

.

4.

una stridula grazia

.

colleziona denti mancanti

varchi celati di stanche ortofonìe e spifferi

sbilenche l’altre corone non allineate

per un corteo di vocaliche e guerriglie

.

5.

da canti renani

.

era già un congedo

il cantigliare contrito d’onde –

ricordi? sciabordìo che il bruire

accompagnando

scivolava

… prédites –

1.

m’abandonnant les jours

et les fleurs je me tus

– empêtré dans les calendriers

et diverses contraintes –

puis vint une voix d’arbres –

becs – fontaines – qui ?

l’alentour parlerait?

.

2.

combien las sont ces yeux

– ils se savent oubliés –

et ces branches

qu’encore soutiennent ailes et pattes

dans l’ondée d’un vol ramé

.

3.

Je jure de ne pas toucher

Ce tien lointain silence

préservant les formules

et murmures d’un viatique

sinon d’en-chantement

le charme

.

4.

une grâce stridente

.

collectionner les dents qui manquent

brèches cachées d’orthophonies lasses et vents coulis

Déséquilibre des autres couronnes non alignées

pour un défilé de voyelles en guérilla

.

5.

De chansons rhénanes

.

c’était déjà un adieu

la cantilène contrite de l’onde –

te souviens-tu ? ce murmure

accompagnant  le bruire

en glissant

.

.

.

Irène Duboeuf

.

Château de Crussol, photo Irène Duboeuf

.

Les mots qui rêvent

.

Âme des morts et des mots emmêlées !

.

Sur les vestiges des temps enfuis 

poussent des arbres sans feuillage

où l’encre de chaque branche

allume des flambeaux.

.

Pâle clarté, bonheur fragile

d’une fête éphémère

sous une frondaison de mots.

.

Car il est bon de croire que ce qui fut

est à portée de main

que les mots suffisent à étreindre les ombres

malgré l’oubli rongeant la pierre

malgré le froid qui mord les lèvres des maisons vides

où dansent des papillons vêtus de noir.

.

Les ruines n’ont de lumière

que dans la pupille des mots qui rêvent.

.

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Amedeo Anelli

.

trad. Irène Duboeuf

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Ricordando Tjutčev VII Spettralismi

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«Attraverso la tenebra azzurra della notte/ le Alpi innevate guardano; / i loro occhi pallidi come la morte, / mandano un orrore glaciale / per incantesimo, /fino al sorgere dell’alba / dormono, minacciose e avvolte nella nebbia/ come czar decaduti».

                                          F.I Tjutčev

.

Il leopolder attanaglia la mente, un ticchettio metallico insiste

si espande nell’aria come un monito ed un avvertimento

un messaggio di rovine nel non tempo di treni silenziosi

il parossismo e la patologia

la superfetazione

di musichette commerciali,

la distruzione di sensi occupati dall’anestesia sonora

il non pensiero e l’annientamento della sensibilità

rovine nell’ottundimento dell’ascolto.

.

è un avvertimento la risurrezione della luce

attonito come un vecchio treno

il cielo manda oscuri presagi di tenebra

testimone un abete centenario accolto nella luce

assorto nel silenzio dalle radici profonde.

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Codogno 6 ottobre 2024

En souvenir de Tjutčev VII Spectralismes

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« À travers les ténèbres bleues de la nuit/ les Alpes enneigées regardent ; /de leurs yeux pâles comme la mort, / émane une horreur glaciale / qui ensorcelle, / jusqu’à ce que l’aube se lève / elles dorment, menaçantes et enrobées de brume / comme des tsars déchus. »

F.I Tjutčev

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L’esprit est assailli par la cloche électrique, un cliquetis métallique insistant,

qui se répand dans l’air comme une mise en garde, un avertissement,

message d’un vestige dans le non-temps des trains silencieux,

le paroxysme et la pathologie,

la superfétation

de banales musiques commerciales,

la destruction des sens assujettis à une anesthésie sonore,

la non-pensée et l’anéantissement de la sensibilité,

ce qui reste dans l’affaiblissement de l’écoute.

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La réapparition de la lumière est un avertissement

effaré comme un vieux train

le ciel envoie d’obscurs présages de ténèbres

un sapin témoin centenaire baigné de lumière

plongé dans le silence par ses profondes racines.

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Codogno 6 octobre 2024