.
Mon Corps
Ericiel
C’est dans un corps à corps
Que tu as été conçu.
Mon corps.
Il en faut des corps pour faire un corps.
Les corps de mes parents, ceux de leurs parents et de leurs grands-parents
Et encore et encore.
Il a fallu du temps pour que tu te formes
Il a fallu du temps pour que tu viennes au monde,
Mon corps.
Expulsé du corps de ma mère
Comme un boulet de canon, disait-elle.
Mon corps.
Tu as poussé lentement
Et de plus en plus vite
Mon corps.
Tu es devenu grand,
tu es devenu fort,
mon corps.
Puis, tu as mûri,
Peu à peu tu as flétri,
Mon corps
Tu fonctionnes déjà moins bien,
Tu te rouilles,
Mon corps.
Un jour viendra,
Où tu ne bougeras plus
Mon corps.
Entre quatre planches
On te placera
Mon corps.
Et mon âme s’envolera
Ici-bas, tu ne seras plus
Mon corps.
Vivrai-je encore ?
(14 octobre 2021)
.
A l’entrée de la chambre
& Juste le néant
Brigitte Broc
A L’ENTREE DE LA CHAMBRE
A l’entrée de la chambre,
ne pas plier le ciel,
simplement cueillir quelques oiseaux
pour en faire une phrase.
Il y a de la salive
dans cette phrase d’air,
de la salive et des orchidées
rouges
dans le geste d’amour.
La main se souvient
d’avoir été foudre
dans les reins de la femme.
La main marche à reculons
dans le dédale des spasmes
et s’accroupit,
comblée,
au plus chaud du silence.
Passent des voilures,
un peu de rosée,
ta bouche
qui ouvre et ferme
la vague.
Les mots changent de couleur,
les regards changent de douleur.
S’exilent les murs,
et le mufle mouillé
de la terre
gagne lentement nos sexes
et la haute mer.
Laisse la nuit
se cacher dans les
herbes folles,
laisse la nuit
déferler dans la maison,
Et n’oublie pas
de convier à la table de fête
son parfum charnu,
l’arrogance de ses grands gestes clairs
*
JUSTE LE NEANT
Alors elle tasse son dedans,
plus rien ne s’échappe,
plus rien ne peut rentrer non plus.
Puis elle élague son dehors,
ponce l’épaule,
martèle la hanche,
gomme un sein,
efface le ventre.
Barricadée dans ses os,
elle trie ses peurs,
fait l’inventaire des gestes avariés
et des soleils défunts.
Son sang de femme, inutile,
coule sous les portes.
L’absence est séminale.
Ce vide qu’elle gratte,
ce silence qu’elle creuse,
ne les entends-tu pas
battre comme volets sans gonds ?
Oh, c’est pas grand-chose.
C’est presque rien.
Juste le néant au bout des doigts.
.
.
Il y a cette patience
Carole Mesrobian
.
Il y a cette patience
dans le corps
longue traîne de nuits
infatigables
presque rien
où devient la respiration
étroite
comme un refuge sûr
à retenir la peau dedans
c’est long le temps
comme un cocon d’entrailles
où devenir enfin le temps
.
.
.
.
Una mattina di nebbia
Luca Ariano
.
.
Una mattina di nebbie,
di quelle che celano tegole,
luoghi di battaglie,
fughe di briganti tra paludi e colline;
vanto di atavici riti della terra,
norcini e tradizioni tramandate
dai tempi di popoli preromani
– ne scrissero Annali –
Ancora scorsero lacrime
sulla pelle di cicatrici,
in fondo le stesse fughe in treno
prima di un decollo.
Si gonfia il respiro nel tuo petto,
come notti di attesa di un voto,
un viaggio agognato
o un regalo da scartare in fretta.
Tra vicoli medioevali attendi
i suoi passi… sorrisi,
una mano da stringere:
un caffè da consumare
prima che chiudano e gli stessi occhi
avidi di quel padre davanti a tele
da rivendere in fretta,
forse pegni di debiti… «Luca fa presto!»
Une matinée de brumes,
de celles qui occultent les tuiles,
champs de bataille,
fuites de brigands entre marais et collines ;
fierté d’antiques rites de la terre,
charcutiers et traditions transmises
depuis les peuples pré-romains
– Les annales en parlèrent-
Alors coulèrent des larmes
sur la peau des cicatrices,
au fond, les mêmes fuites en train
avant un décollage.
Le souffle se gonfle dans ta poitrine,
comme en des nuits d’attente pour un vote,
un voyage tellement désiré
ou un cadeau à déballer très vite.
Dans les ruelles médiévales, tu guettes
ses pas… ses sourires,
une main à serrer :
un café à consommer
avant la fermeture et les mêmes yeux
avides de ce père devant des télés
qu’il faut revendre tout de suite,
peut-être mises en gage.. « Luca fais vite ! »
.
.
en ricochet à un vers de Son Corps d’Ombre
Marilyse Leroux
« On ne guérit jamais »
de l‘éclair au corps
on court on s’essouffle
pour quelques mots
dans le cou
un reflet de flaque
sous les pieds
le vert continue de chanter
pour le jaune
et le jaune pour le bleu
comme si nous n’étions plus là.
Marilyse Leroux
11/09/2021, en ricochet à un vers de Marilyne Bertoncini,, in Son corps d’ombre, avec les collages de Ghislaine Lejard, page 39, éditions Zinzoline.
.
.
Amica mia / Mon amie
Elizabeth Guyon-Spennato
.
Amica mia
Sei venuta da un paese
di danza e di lacrime
Il tuo amore isolano
Ti aveva portata con sé
Nonostante la lingua
Ci siamo capite bene
Quante chiacchierate in cucina
con Donna Giusi
Quante giornate in spiaggia
con gli amici
Meravigliati
Tutti
Dal bikini
Che svelava il tuo bel corpo
Color cioccolato
Dopo anni ci siamo ritrovate
Quel giorno al Porto
Ci siamo abbracciate
E dopo qualche lacrima
Ha ripreso l’amicizia
Come una volta
Mon amie
Tu es venue d’un pays
De danse et de larmes
Ton amour, enfant de l’île
T’avait amenée avec lui
Malgré la langue
Nous nous sommes bien comprises
Combien de discussions dans la cuisine
avec Dame Giusi
Combien de journées à la plage
avec les amis
Tous
Emerveillés
Par le bikini
Qui révélait ton joli corps
Couleur chocolat
Des années plus tard nous nous sommes retrouvées
Ce jour-là au Port
Nous nous sommes serrées fort
Et après quelques larmes
A repris l’amitié
Comme avant
.
.
.
Je fus une autre
Claire Krähenbühl
.
Je fus une autre
fragile étoffe tissée de nos désirs
oripeaux et haillons défroque
délavée par les larme
Pourtant lamée d’or si rare
corps précieux veiné de vrai
Passé simple qui fut
Dès lors
On ne me donne à filer que l’ivraie
à tisser que l’ortie du silence
Où sont la chair le sang la peau ?
le corps vivant ?
.
.
Elle avale les levers du soleil
Christine Durif-Bruckert
.
.
.
Extraits d’un monologue, Elle avale les levers du soleil, en cours d’édition (PhB Editions)
.
.
Lithopédion (extraits)
Paul Saada
.
illustrations de Jacques Cauda
.
.
.
.
.
Aqua profonda
Dominique Hecq
.
.
.
Son Corps
Erika Byrne
.
Son corps est une dentelle, un rêve, un pétale – un fragment pastel, léger, délicat. Les doigts qui passent frôlent ce corps flottant, veulent le lisser, le serrer, respirer son parfum, s’y perdre… Mais elle ne s’arrête pas ; elle craint les doigts qui déchirent les dentelles. Et vite elle s’envole, comme un rêve, comme un message, comme une mésange.
.
.
.
SIN COMPARACION
Miguel Ángel Real
.
No hay mano que trace el mapa de mi espalda a ciegas como la tuya.
No hay boca como la tuya para saber encontrar el quicio de mi boca.
No hay en todo el despertar de los campos
un verde tan lleno de alarmas como el de tus ojos.
No hay partes de tu cuerpo que no quiera nombrar
sino ganas de alfilerearme el paladar cuando no las alcanzo.
No puedo compararte con nadie porque no hay medida
acorde a tus ganas de pasar por el mundo
sin dejar de medir tu acero con desdenes ajenos:
los demás ven en tus gestos sólo un gesto
pero tus poros forman una firma indeleble
que le exige al mundo vasallaje
.
SANS COMPARAISON
Il n’y a pas de main qui trace à l’aveugle la carte de mon dos comme la tienne.
Il n’y a pas de bouche comme la tienne pour savoir retrouver le coin de ma bouche.
Il n’y a pas dans tout l’éveil des champs
un vert aussi rempli d’alarmes que celui de tes yeux.
Il n’y a aucune partie de ton corps que je ne veuille pas nommer
mais le désir d’épingler mon palais quand je ne peux pas les atteindre.
Je ne peux te comparer à personne car il n’y a pas de mesure
à la hauteur de ton envie de parcourir le monde
en croisant sans cesse ton fer avec le dédain d’autrui :
les autres ne voient qu’un geste dans tes gestes
mais tes pores forment une signature indélébile
qui exige la soumission du monde.
.
.
Anatomie du mouvement (extraits)
Huguette Bertrand
*
Sculptures/dessin : Jean-Yves Gosti
.
ESQUISSE
Les muscles se profilent au tangage des mots
que la main refuse
Ces moments de flottement entre les paumes
soulèvent des enjeux
que les lèvres ne savent pas dissimuler
.
la journée en toute maladresse brûle
d’une stimulation affectueuse de l’oeil
dessine des zones de haute précision
.
à l’heure dite
on éteignit les lumières de la rue
jonchée de foules
sous le manteau d’un ange gris
radoteux
.
et vous êtes parti
sans un mot dans les poches
un vieux bout de papier
dans vos souliers
en cas d’urgence
.
après avoir grugé les villes
à petits pas fauves
vous êtes rentré
par la porte arrière
l’âme chiffonnée
.
.
CYCLES AMOUREUX
Sous les crocs du soir
les ventres amoureux
profanent
le corps dépecé du silence
ils palpent l’attente
jusqu’aux heures affolantes
du respir
.
assises sur le monde
les amours lentes
greffées à nos tempes
s’éloignent comme des vierges ensemencées
entre l’extase
et son reflet
.
condamnées
elles s’offrent jusqu’aux larmes
des cinémas
mais au pied du lit
il y a des novembres
abandonnés à la pluie
l’alchimie d’une chanson bleu-or
et la porte de la mémoire
toujours fermée
quand c’est nécessaire
.
il ne reste plus qu’à disparaître
dans les noirceurs
et les idées
puis à éteindre ce poème
dans le cendrier
.
.
INCIDENCES
Couchée dans le duvet de l’automne
je crie en silence
sous la pluie verte et sourde
mon corps détrempé ramollit
et que viennent les mouches
braconner sur les restes
de ma folie
.
entourez-moi de vos bruits d’ailes
enterrez-moi comme un hasard
jusqu’à la prochaine repousse
.
dans ce « nowhere » solitaire
des séances imaginaires
sous les caresses géniales
déclenchent
l’ondulation sauvage électrique
.
pour l’amour de l’amour
cette vague s’abandonne
aux gémissements des sources
mystère de la pluie
et des vents millénaires
.
saisir l’idole au bout de l’onde
en faire jaillir l’écume
de mes promenades solitaires
suppliant la rigidité des rocs
jusqu’au calme définitiF
8 septembre 2021, pour Jeudi des Mots
.
.
.
Corps dans la ville
(carnet de Bucarest)
.
.
.
SDF
Yannick Resch
.
SDF
Il est là
accroupi
à l’angle de la rue
imperméable
à l’espace
qui l’entoure
le corps tassé
recroquevillé
dans sa maigreur
extrême
comme une
défroque
de chair
et d’os
échoué là
pour rien
pour personne
il ne tend pas
la main
il ne quémande
rien
il n’a pas
de sébile
il a pour
rester visible
et paraître
vivant
un regard
fiévreux
de révolte
retenue
un regard
de braise bleue
qui n’en finit pas
de se consumer.
.
.
Mains détachées
Marilyne Bertoncini
.
4
Nue sur le drap d’hôpital
parcheminée comme
la fleur fanée du magnolia
elle renferme repliée
quel souvenir emporté
dans l’au-delà de la pensée ?
(extrait de « Mains détachées », in Mains, éd. du Petit Véhicule)
.
.
La Main
Alma Saporito
.
la mano
che porge un umano
da terra
la afferra
chi ancora
è cullato
dal mare solcato
sete
lacrime
sale
fame
corpi violati
corpi venduti
hanno pagato
non saranno pagati
corpi picchiati
corpi dimenticati
corpi sfruttati
e il vecchio continente
resta silente
la main
que tend un humain
à terre
la saisit
celui qui encore
est bercé
par la mer labourée
de soif
de larmes
de sel
de faim
corps violés
corps vendus
ils ont payé
ne seront pas payés
corps battus
corps oubliés
corps exploités
et le vieux continent
se taît
(traduction Marilyne Bertoncini)
.
.
Hiromi & Via Poematis
Florence Dreux
.
.
.
.
.
.
sans titre
Lambert Savigneux
.
S’informent doucement les eaux du corps
le mouvement d’un seul retrait
les milliers de ponts les particules et le pouls
L’éclat limpide de l’œil l’élancement du bras
dans les angles des chairs à l’ombre des synapses
là où les chemins se perdent
une peau recouvre l’os d’une épaisseur
d’eau gonflée de muscles de tendons et cartilages
procure le poids la marche et l’abandon
Au seuil des nerfs se hérisse des lueurs
de poils de cratères d’élancées vives
au rythme dans le ventre une trainée
imprime pour avancer
infuse
incarne
conduit
comprime
libère
il n’y a pas de couleur
de teneur des comètes
de nuée de virgule
l’attraction est électrique
Septembre 2021
.
.
.
Extraits de Carcasse
(travail en cours)
Perle Vallens
.
Le corps s’impose
Il pèse, il précise ses contours
Le corps déjoue les illusions
Il se désigne, il se dessine de mémoire
Le corps devise souvent avec lui-même
Il cause coeur et âme, veines et os, pieds et poings
lié de l’intérieur, acteur de son propre jeu, ouvrier de sa propre chute
Il s’efforce de retrouver la léthargie de l’ombre
Il se frôle dans le noir
Il devient frileux, furtif, fastidieux
Le corps devient un endroit qu’on habite par défaut
Il devient usuel
***
Le corps se digère mal, il ne passe pas
Il persiste dans son inconduite, il persiste dans ses erreurs
Au jugé, le corps est coupable
Il a tous les signes du coupable
Il garde ses distances
Il est bien trop immobile pour être vrai
Le corps se trahit tout seul
Il parle pour ne rien dire
Il parle dans le vide
L’audience a quitté la salle
Il faut suivre les signes
A l’évidence, le corps semble insensible
Il semble passif sous les apparences trompeuses d’une fébrilité mal jaugée
Il fausse compagnie
Il fait semblant
Il truque les cartes
Il terrasse le souffle suspendu à la peau
D’un geste il se condamne
.
.
.
Une Vieille femme au dos nu
.
Hoda Hili
.
ut pictura poesis
un matin d’été, très tôt, un dos hâlé se détachait
.
du fond bleu de la mer
celui d’une vieille femme, âge inconnu
fouta mauve, maillot de bain jaune échancré au dos
les vertèbres saillantes, spectaculaires
.
son exubérance sélacienne rompait
les courbes des regards apprivoisés
j’imaginais qu’elle avait été
un fauve dans une autre vie, un lynx peut-être
.
là, sur les galets, je la peignais intérieurement
Aicha Chibane1 en aurait fait une baigneuse splendide
je scrutais les moindres détails de sa pose, ses mains
sur ses genoux pliés, son profil incliné, félin
;
cela me procurait l’effet d’une grâce
brutale, brute, brumeuse
en éclosion sous le soleil levant
.
je me demandais comment
plus jeune, elle avait été belle
et à quelle beauté maintenant elle participait
.
la beauté que le temps malmène
opacifie, de l’à part être, ou bien celle singulière
de l’être à part, aube accomplie
.
1 Poétesse et peintre niçoise (1962-2019).
.
.
L’Exemplaire de têtes (extrait)
Alain Hélissen
.
« L’exemplaire de têtes ». Ce carnet traite exclusivement
de « têtes ».Il est encore disponible.
.
.
A Bras le corps
Dominique Ottavi
.
.
À bras le corps
La main à plume
À tout corps
Appel au corps
À corps perdu
Bouche que veux-tu
Corps corseté
Tel le corps
D’un uhlan
Corps retrouvé
À rêve que veux-tu
Considérable corps
Du véritable amour
Fait pleurer les vieilles
A la veillée
Véritable amour
Qui veut aimer
Avant de l’être
Korrigans
À Corti dans l’aube
Corridors sans issue
Comme ces corps
Floués
Magnifiés
Semblables
Au tien
Égaré dans un autre
Corps
De l’espace-temps
Corps qui cesse
De pleurer
De gémir
De geindre
Corps bafoués
Abandonnés
Dans la sombre lumière
D’une aube flétrie
À coups de renoncements
De correspondances
Douteuses
Corps en lambeaux
Corps plumeaux
Massacrés
Sacrifiés
A toutes ces imbéciles
Causes
Qui n’en sont pas
N’en seront jamais
Corps de la Loi
Du rêve charnel
Convoqué
Après vêpres
Jamais arrivé
À bon port
À bon corps
Corps perdu
Dans l’île
Corfou
Kerkyra
Dans l’aube
Frissonnante
Entre les flaques
De gas-oil
Les épluchures
Les sachets plastique
Où l’on transporte
Le nécessaire
Pour nourrir
Les corps
Toujours plus
Flasques
Défigurés
Certainement.
Ton corps
Grand oiseau blanc
Englouti
Par la vague d’écume
D’un équinoxe illusoire
Corpuscules corporatifs
Dans le crépuscule
Seulement lestés
De vos justaucorps
Réglementaires
Corps-morts
A la dérive
(ce qui ne saurait se produire)
Dérive
Corrigée par la houle
Corrosive
Corentin fut ce héros malin
Corrigeant un à un
Les faiseurs
De correspondances
Établies injustement
Entre le rien
Et le tout
Correspondances bonnes
Tout au plus
Aux corrigés
Trimestriels.
Le corps d’élite
N’est pas toujours
Celui qu’on courtise
Le corps à corps
Non plus
Le corps éthéré
On le connaît
De tout éternité
Raboter donc
Les corps intérimaires
Intermédiaires
Coryphée
Corpuscules
Corps contraint
Contrainte par corps
Seul le corps sait
La beauté du corset
Anticorps
Corpus Christi
Que de crime hideux commis
Au nom d’un Corps
Que de corps déchiquetés
Démembrés
Désossés !
Corps chétifs
Corps adorés
Corps gonflés
Enflés
Dégonflés
Mangés de fièvre
Corps qu’on sculpte
Qu’on désavoue
Corps cairn
Corps frontière
Qu’on astique
Jusqu’à le perdre
Corps gamelle
Corps ficelle
Corps plaisir
Corps désir
Corps souffrir
Cors au pied
Gauche
Corps qui saigne
Corps qui pleure
Qui jouit de tout son corps
Corps crampe
Corps détendu
Corps détente
Corps si… Corsica !
Corps fiévreux
Corps en armes
Corps qui roule s’enroule
N’amasse pas mousse
Amour-mousse
Talisman
Corsica
Corps calembredaine
Bréhaigne
Corps calmé
Rapatrié
Corsica
Corps QRcodé
Contagieux
Congédié
Corps cicatrice
Corps en sang
Corps bavard
Qui en dit long
Sur toi-même
Corps silence
Corps mutique
Corps tel qu’en lui-même
La douleur
Le plaisir
Le changent
Corps fourchu
Corps bien pendu
Telle la langue perdue
Corps brûlé
Décharné
Gazé
Exécuté
Aimé
Désiré
Corps tel qu’en lui-même,
À corps perdu
L’éternité de mon désir
Le change
Corps Ce Corps
Qui se retrouve
Corsica
Corps rentré
Corps revenu
Retrouvant son cœur
Cœur de corps
Systole
Cœur qui lui confère
Son sang
Son sens
À ce corps
Corsica
Cœur à corps
Corps à cœur
Corps pourrissant
Que le feu purifie
Paraît-il
En le faisant disparaître
Cor le Ce, le Si, le Ça, le Ga
.
Ça ne marche pas
Qui te fait toi
Corsu
Catapulte ton âme
Ton rêve
Vers la pure
Réalité
De ton corps
Corps sattvique
Cor ce corps là, ce Ça
Pas un autre
Corsicatalepsié
Le Ça qu’il faut
Qu’on prononce Ka
Ou Ga
In Corsica
Ma joie
Mon humour
Mon amour
Ce corps qu’on brûle donc
Ce corps qu’on pend
Qu’on noie
Éventuellement.
À corps perdu
Je me choisis un corps :
Corps 12 Garamond
T’en suggère un autre :
Que dis-tu du corps 14 Baskerville ?
À corps perdu donc
Je m’effiloche
Te détricotant calmement
La nuit n’est pas encore tombée
Sur nos corps anémiés
Pas encore perdus
C’est la loi du grand nombre
Les plénipotentiaires
Sont regroupés
En un corps d’élite
Avec quoi il faudra
Désormais
Compter.
Je t’aime
À bouche que veux-tu
À corps que veux-tu
C’est la loi du corps
Les anticorps
Dans mon plumier
Dansent la sarabande
Te signifiant
Que ton corps
On ne le laissera pas passer
Le Corps du Salut
N’est qu’un corps
Parmi d’autres
Faisant corps avec la terre
Qui l’a produit
Sans pour autant négliger
La Mer
Qu’il a décidé d’amener
A Bon Port
À Bon Corps
De toutes ses forces
Nous avons de longtemps
Fait le tour
De nos sinécures
Nos ciné-corps
Plaire à mon corps
Plaire à ton corps
M’y complaire
À la surface du lac gelé
Corps y dort
Accords perdus
Corde cassée
Et encore !
Avec ce corps
Qui est le mien
Depuis l’enfance
Je n’ai cessé de jouer
Au gendarme
Et au voleur
La Corse corps
Et moi
N’avons cessé
De jouer
L’« écriture du corps »
Bernard Noël
Suggérant qu’à force
De contraintes
Physiques
La parole libre
Se libérait
Aujourd’hui
Je parle
D’écriture « contre »
Le corps
Qui n’en peut mais
Et du coup me fiche la paix
La paix au langage
Mon seul ange
Gardien
Mon écriture mère
Le corps écrit
Par cette mère
Qui n’en veut pas.
« Petit Précis d’Écriture du Corps »
Contraindre le corps
Pour laisser passer
Le message
Que t’offre le langage
Pour laisser passer le corps
Les muscles
L’urgence
La rage
Je n’y serai pas
A ton dernier enterrement
De pied ferme
À piétiner les plates-bandes
Contrant la pensée
Pour le corps laisser passer
Contrer le corps
Pour laisser penser
Ce qui ne saurait être
Tenu de penser
Juste ce que le corps
Laisse passer
Dès qu’on le contraint
Toutes choses égales d’ailleurs
Il faut avoir bien détesté
Pour se retrouver aimer
Assistance au langage
En danger
D’un coup la norme
Mise au panier
Conséquence
Pauvreté organisée
Puisqu’il faut être
Bien lettré
Pour pouvoir regarder
De haut
Les lettres
Je n’ai rien à énoncer
Rien à défendre
Ma vie parle pour moi
Où êtes-vous donc passée
Vous ma prof adorée
A qui j’avais fait lire
Snyder ?
Le corps sur la route
Contraint
La tête dans les étoiles
Grand ouvertes les vannes
Du langage
Grâce à la contrainte
Exercée par la route voulue
Que cherche-t-il donc
Sur son engin
A bout de peine
A bout de chaîne
Hystérique sans voyage
Sans objet
Ni paysage ?
Le début de l’âge bête ?
Corpus Christi
Couvert de pisse
Et de cadavres
En nombre
Le corps
Le trésor qu’il constitue
Est plus précieux
Que celui du grenier
Mais moins que celui
Du cœur
Le plus précieux de tous
L’écriture
La débandade
Du corps à corps
Corps contraint
Contrainte par corps
Liberté
Cours après ton corps
Qui ne sera pas long
À te lâcher
Cours après ta course
Ta Corse
T’a-t-elle déjà lâché ?
Toutes mes gammes faites
Mes contritions
Mes Tarasques
Sans foi
Ni loi
Mes renoncules
Mes feux de la Saint-Jean…
Il me reste les mots
Rien que les mots
Tous les mots
De mon désir d’être
Au plus juste
Plus précis de moi-même
Au creux de mon corps
Là où je vous retrouve
Mes commensaux
À table !
Vite !
.
.
Foresta Impugnabile
Italo Lanfredini
.
La main et la matière sont unies par l’amour
et la terre en garde l’empreinte
.
photos Marilyne Bertoncini
.
.
.
Deux poèmes
Jean-Marc Barrier
.
I
Suis le dogme de la nuit
: la main qui se dresse
est la main qui soigne
sur fond d’or dans les tesselles
quelque chose du vent
descend au pli
: icône coupée en deux
une garance perce l’or de tes silences
ton calme est une image
à la place exacte de ton corps
il est plus beau de sa blessure
des signes apparaissent
lambeaux loquaces et tendres
: des bras se tendent
entre les lignes
(10-09-2021)
II
Ostinato
eau veloutée des bois
le désir dans sa ruine
grogne hume l’absence
flèche de soi dans les paumes
une ouïe mobile
pleure sa joie sombre
elle trouvera sa fauve élégie
cadence douce qui sonde
parmi les débris de frairies nocturnes
errance coriace devant
et les scories du mort-bois
le coursent
entre tête et sexe
(février 2021)
.
.
Totem et tabou
Marilyne Bertoncini
.
.
.
D’eau et de sang
Jacques Merceron
.
1.
Ça pourrait commencer
N’importe où
N’importe quand
Ici ça commence
Dans la fraîcheur
Du bain rituel
Depuis des siècles
L’eau bercée par les salutations du vent
Baignée par le murmure des herbes
S’infiltre dans un rêve de coquillages figés
Perle dans une nuit d’encre
Où le ciel a posé sa bouche
Pour purifier corps et âmes
Mis à nu
Au septième degré
Toute nage interdite
Le corps saisi trois fois dans le courant
S’abouche alors à l’ombilic
Du très grand flux
Dans une forme de prise
Et de lâcher-prise
2.
Semences et surtout menstrues
Des femmes voulaient de l’eau
Chauffée en hiver
De très sages hommes débattaient
Renâclaient
L’accepter ou l’interdire
Et risquer
Le gel du sexe et de la ribambelle……………………………….
Pensées figées calcifiées
Discussions glaçantes
4-8 septembre 2021
(Autour du mikvé de Montpellier)
.
.
.
A corps perdus
Joël Dely.
.
Stupeur.
Le néant, le vide
Ont enfanté un jour
Le désir d’une danse.
Brisée, en un instant,
La cathédrale de paix, de silence
De vacuité, qui emplissait le ciel.
D’ailleurs, le ciel existait t’-il?
Seul un rêve, demeuré sans doute
Trop longtemps en suspens,
En souffrance de l’envie de la chair,
Cherchait un berceau pour y prendre forme.
Quel Dieu, quelle déesse orpheline
A voulu transgresser la virginité primordiale
Pour enfanter la première cellule ?
Par cette chute, cette faille, cette déchirure
Nous sommes venus au monde.
Nous, ces amibes vouées à l’impermanence,
Impertinences d’éternités lasses de leur propre perfection.
Pourquoi la lumière initiale
Ne s’est pas contentée
De remplir son ventre affamé
De la chaleur du feu primordial ?
Pourquoi l’eau, fleuve nourricier de nos fibres
A-t-elle enfantée la terre, décor de notre inéluctable chute vers l’oubli?
Je regarde ce corps, qui ne veut pas mourir,
Bien qu’il soit assis sur sa montagne d’ossements.
Ce corps, champ de bataille
Entre création et putréfaction.
Chaque cellule, note jouée
Sur la partition de ce chant de combat
Tente de faire la nique à l’inéluctable.
Alors
Buvant avant l’heure le calice du Léthé
Je rêve d’arracher mon existence
Aux griffes du pourrissement de toute chose.
Si nos vies sont des larmes du ciel,
Comment l’émouvoir, ce ciel,
Ne serait-ce qu’une fois,
Pour qu’il nous rende notre songe d’éternité ?
Rêver est -il la seule échappatoire
Aux fermentations de l’oubli?
Les mots forment les volutes
D’un souffle qui aspire à ne pas mourir.
Mots de couleurs, de sons, de paroles.
Et si la beauté, celle d’un tableau,
D’une musique, d’un poème,
Etait la seule alternative
Aux sépulcres de la chair ?
.
.
.
(En finir avec ce corps)
Anne SOY
.
J’entends mourir
comme une bulle de silence
au bord de l’océan
m’évaporer à marée basse
en plein midi
loin des clochers de l’enfance
dispersée à jamais
dans les embruns sauvages
.
J’entends mourir
comme une bulle de silence
au bord de l’océan
m’évaporer à marée basse
en plein midi
loin des clochers de l’enfance
dispersée à jamais
dans les embruns sauvages
13/09/2021
Et cette douleur
à ne plus savoir où
appuyer son corps mou
les mots brûlent les yeux
le brouillard se répand à l’intérieur
les os deviennent fluides
le muscle flaque
le cœur en bouillie
s’éparpille
dans un espace étranger
plus rien n’existe
Que la douleur
à ne plus savoir où
appuyer son corps mou
18/09/2021
.
.
.
Corps condamné
Marilyse Leroux
.
« Regarde, regarde, toute ton attention peut se concentrer
sur cet impensable qu’est la mort d’un homme. » Joan Miró
.
Faire face
poinçonner la douleur
dans son dernier trou
Ne plus bouger
la peur enserre
ce qu’elle peut.
*
De l’eau
sur les tempes
le corps se sent corps
à nouveau
S’il se met à rire
il entendra l’écho
de ce qui reste.
*
Résister
jusqu’à tenir
être tenu
− sans bruit
sans effort −
graine à souffler l’air
soleil feu tout autour.
( inédit, sur l’ )œuvre de Joan Miró)
.
.
.
Nel Cerchio di luna
Lucilla Trapazzo
.
.
.
Interrogations
Patrick Joquel
.
Tu te tiens
là tout en creux
un vide
entouré par ta structure d’atomes
tes bras enserrent tes jambes
tes yeux sont fermés
sur ton silence
tu tiens
ton centre de gravité
bien au chaud
ton corps
te sauve
du vide
*
Tu te tiens
là
autour d’un arbre
l’arbre
jaillit de toi
protège
qui se nourrit de l’autre
?
des mots
marquent
ta peau
ton silence fonde
la parole
le vide vibre
et vit
*
Tu entres en toi
retour matriciel
de quoi te souviens-tu
?
et dans quelle mémoire
?
qui
en toi
se souvient
?
et de quoi
?
quel est ce désir
?
et quelle parcelle de toi
se souvient
?
de quoi
?
de qui
?
à quelle langue
reviens-tu puiser
?
pour dire
quoi
?
*
Tu écoutes
ce qui vibre alentour
ce qui se balance
ce qui tient
ce monde suspendu
au vide
quel est ce vent
qui te murmure
à l’oreille
?
quel est ce son
extérieur à ton corps
qui pulse
et vivre
et t’éclaire
en dedans
?
quelle est cette parole
dont les lettres
marquent ta peau
?
te nomment
?
*
Tu te tiens
là
dans un clos silence
tout
tourne
en toi
les mots
te ferment les lèvres
tu n’as plus rien à dire
la lumière
joue avec ton corps
te pulse
et t’irradie
ton souffle est lancé
ta vie aussi
tu te tiens là
replié
sur le bord extrême
du mystère
juste là
entre le clair
et
l’obscur
*
La vibration
t’enveloppe
te protège
quel souvenir
de caresse au ventre
et quelle douceur
de peau
?
(Jaume Plensa , Mamac de nice, hiver 007/008)
.
.
.
On m’a coupée
Adeline Miermont-Giustiniani
.
Sète, 31 juillet 2021
on m’a coupé les yeux
les ronds vert tendre
où je sautais
comme dans des flaques
on m’a coupé la bouche
qui fleurissait les mots
qui croquait mes oreilles
on m’a coupé les cheveux
leur arôme de blé
qui caressait ma nuque
on m’a coupé les mains
terreau grouillant
d’où partent mes racines
on m’a coupé la voix
fleuve assaisonné
parfois de brèves tempêtes
on m’a coupé la peau
cocon opaque
j’étais chenille
on m’a coupé le rire
crachats d’étoiles
sur ciel à peindre
on m’a coupé le souffle
les rubans d’oxygène
qui soulevaient mes matins
j’ai perdu mon manteau
j’ai perdu mes affaires
quelques restes brûlés
se cachent dans les recoins
je les ai ramassés
posés délicatement
le long de l’horizon
pour toujours toujours les voir
.
.
.
Alléger (extrait de MUER)
Béatrice Machet
.
II
alléger
Avec ou sans peau
le chant de la lumière
se tient parfois cambré :
un œil en arrière d’où vient le monde ?
un œil au devant où vais-je ?
L’équivalent : la danse.
Son énoncé articule ce que la bouche tait
et la matière peut-être prononce ce que ne savons pas répéter.
quand le corps se fait idéogramme
chorégraphie et calligraphie
procèdent du même souffle
génèrentle même écrit
Virer : même parfois
pour oublier
qu’on ne peut aller plus loin …
tourne et vrille en toi profond
ce mouvement de vie
qui interdit aux vases de se déposer
drague de vagabondages en dérives
emmêle les surfaces
éclaircis les eaux
jusqu’à la transparence
danse et mue
jusque sur les grèves
jusqu’aux creux des anses
danse
jusqu’à la flottaison
glisse toi dans l’envol
traverse la rumeur
ourle avec la vague le tissu de la liberté
drape ta fougue
et revêts un instant les parures invisibles du vent
et là
permise
la convoitise ou l’illusion
d’être l’horizon tout entier
c’est-à-dire tout
c’est-à-dire rien
Danse et mue
la chair
sourit s’offre
coalise ses poussières
et court tout son flot de tendresse
pour polir les galets
dans le lit du vocabulaire
pour lustrer les rigueurs
les raisons
les envies
Mue
et caresse les détresses en lents
tourbillons apaisants
puis
danse l’éveil
substantiel ou immatériel
du fin fond du regard jusqu’aux confins de l’univers
sans filets
telle la danse du veilleur.
Sa mue frise le désert
de présences éternelles
Extrait du recueil publié aux éditions l’Amourier en 1999, intitulé MUER (Partie deux consacrée à mon expérience de la danse)
.
.
.
Il mio corpo ha radici d’ulivo / Mon corps a des racines d’olivier
Emanuela Rizzo
traduction : Marilyne Bertoncini
.
Nelle mie cicatrici
Non ho paura delle cicatrici.
Da lì è passato il mio dolore,
c’è tutto in quelle cicatrici:
le speranze deluse,
la sofferenza del corpo,
gli ostacoli della vita,
le lacrime e le rinunce.
Soprattutto, però, nelle mie cicatrici,
c’è la forza che ci ho messo nell’accettarle e ripartire,
ci sono i miei occhi di bambina che volevano un mondo migliore
e che da sempre hanno saputo quanto sarebbe stato difficile realizzare i miei grandi,
giusti, autentici sogni
e ne varrà sempre la pena per me percorrere ogni tortuosa strada.
Ognuno sceglie la vita che vuole vivere,
io non ho mai scelto le strade più semplici
e ne vado fiera,
guardo le mie cicatrici con orgoglio!
Sono come il mare,
che dopo ogni tempesta,
mostra le sue acque limpide e calme
e le dona a chi ne sa cogliere l’autentica bellezza!
Dans mes cicatrices
Je n’ai pas peur des cicatrices.
C’est par là qu’est passée ma douleur,
il y a tout dans ces cicatrices :
les espoirs déçus,
la souffrance du corps,
les obstacles de la vie,
les larmes et renoncements.
Mais surtout, dans mes cicatrices,
il y a la force que j’ai mise pour les accepter et recommencer,
il y a mes yeux d’enfant qui voulaient un monde meilleur
et qui depuis toujours ont su combien il serait difficile de réaliser
mes rêves grands, justes, authentiques
et qu’il vaudra toujours la peine que je parcoure chaque route sinueuse .
Chacun de nous choisit la vie qu’il veut vivre,
Je n’ai jamais choisi les chemins les plus simples
et j’en suis fière,
Je regarde mes cicatrices avec orgueil!
je suis comme la mer,
qui après chaque tempête,
montre ses eaux limpides et calmes
et les offre à qui sait en cueillir les beautés authentiques.
.
.
.
Défigure (corps en mouvement)
Jacques Cauda
.
Creuser le temps à même l’os
Se voir tassé au milieu du corps dans le
Beau fracas du crâne avec des phrases qui
Sortent du monde
Les mots sont-ils parvenus
À leur crépuscule ?
Orages noirs arrachés aux ciels
Causes de la liquéfaction
Qui échappe à tout examen
Les couteaux tirés après quoi ce sont
Des couteaux comme des mouches
Mais pour l’heure le mouvement règne
Ne laissant de visible qu’un museau
Dévoré sans colère
Rien ne protège plus des crocs tendus
Par ces inspirations soudaines poussées
Par les êtres qui laissent la présence
Sans prise
Magnifique paysage
Où éclore comme la mouche sort du crâne
Ces pupes qui montent aux ciels
Sans retour sinon ce bonheur de la viande
Qui sonne à l’horloge de la vie
Âpre la viande sans hachures lisse comme
Le blanc des os
Lisse comme
Le gras de dessus
En travers du corps qui se fait
Au plus près
Des trous dont la peau est percée
Morsure dans un ballon de sang
D’où le temps coule jusqu’à dire
Voici
Voici le souvenir réduit en corps
Ô ces fortes vapeurs ô ventre & mare
Croupissante humus & combinaison terreuse
Suif de lard foie poumons rate cœur encore
Fumants & sèves d’ornements
Voici encore le souvenir
Ici double feu
D’enfer et de vie
Qui feint le fou & le jeu
De l’amour défunt
L’enfer est à nous
Bolge après bolge
Il suffit d’ouvrir le bouche l’air est y
Irrespirable
D’autres amas apparaissent
Des œufs déjà grandelets
Qui n’attendent que l’essor d’un mot
D’une phrase comme une bête élevée dans les brumes
Et c’est bientôt les vers qui courent sur le corps
Petites larves encaquées dans la graisse
Jamais émondée
L’ardente ponte empire la curée
Des centaines d’œufs liquident bientôt
La cabine animale envahie
Fouillent coins et recoins
Par le chemin de la chair fluide
Jusqu’au mouvement final
Maledicere diabolo recte putat
Maintenant que la place est donnée
Au blanc voile des ruines en partie
Blanchies
Aussi blanches que les
Muqueuses gonflées de germes bouillants
Il ne reste que les mots (l’âme)
Qui prennent défigure
.
.
.
Toi dont la tête est un royaume
Claire Boitel
.
Notamment les yeux. Cette façon de les ouvrir. Cette façon de regarder.
Il m’a séduite, par paillettes.
Quand ses os brûleront dans la tombe, je me refuse à croire que.
La cristallisation brusquement s’est accélérée, le gel brutal et magnifique sur les branches.
Les morts, les dieux.
La mer était parsemée de neige. Des flocons immenses dans le ciel : les nuages.
Légèreté d’oiseau, de fleur, d’ombre.
Il échappe à toute pesanteur.
Il y a chez moi cette plainte qui ne cesse jamais.
Il est la perle fine, le miracle.
C’est une musique, c’est un requiem.
Quand il s’évanouit, quand il devient fantôme noir.
Un plaisir de revenant, de reine morte, de mémoire, de veuve.
Sa fenêtre était toujours ouverte sur l’air et le vent.
Vint le moment vampire, celui où l’on se vide de soi jusqu’au néant.
Pour faire circuler en lui les brises et les esprits, il fumait.
Avec cette aura qu’ils ont, seuls.
Car il ne mangeait pas.
La beauté, avec ses arabesques, ses volutes et ses enluminures.
Il était frêle.
Il a, comme les acteurs, un jeu de visage.
Il est parti dans les étoiles.
Un parfum de cire monte de son escalier.
Ses yeux étaient des pierres précieuses.
On a inventé la beauté pour remplacer la vie.
Se déploie et s’enroule.
Jusqu’à la fin des temps.
Il haïssait son corps de n’être pas assez flamboyant.
Il était devenu trop beau.
C’est une constellation.
Accueillir les gemmes qui constituent l’être sacré.
Et tandis qu’il refermait toutes les portes, tandis qu’il rayonnait.
Mes joues recevaient les marques noires, j’étais un diable hideux.
Un amour particulier l’unissait à son nom.
Mais en tant que brindille, herbe folle : face à lui – image sainte, opale gravée – qu’étais-je ?
Je l’écoutais ; il était plein de lui-même.
Le cerveau jouit, le cœur ne bat plus.
Éternel jeune homme. J’ignore si l’arbre quand ses feuilles sont trop vertes.
Velours létal.
La croyance insane d’être aimé par, ou du moins celle.
L’esprit bâtit ses cathédrales.
Il y eut aussi sa voix. Pas une inflexion dans sa voix n’est vulgaire.
J’ai trouvé en moi les failles, les manquements, les précipices.
L’amour et son ombre.
Sa propre substance, on la perd.
Le monde est plein de coïncidences.
Fête ou douleur
.
3 Comments
Retour d’Italie – L’anthologie « Parma Omaggio in versi », autres rencontres… et projets » MINOTAUR/A
[…] pu admirer, la « foresta impugnabile » dont je publie des photos surhttp://embarquementpoetique.com/autour-du-corps/, et les vases contenant des poèmes transcrits par l’artiste sur tablettes d’argile, […]
poids d’une pierre / autour du corps par le Jeudi des mots – Attrape-rêves
[…] photographies et deux poèmes de Carcasse ont été sélectionnés à l’occasion du Jeudi des mots, dont le thème actuel est « autour du […]
La Silenziosa - une villa qui parle -
[…] – évoqué ici dans l’anthologie consacrée au corps, et sur mon blog minotaura, à propos de […]