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Lancelot Roumier – Sandrine Davin – Christophe Pineau-Thierry – Patrick Joquel – Louba Astoria – Benjamin Milazzo – Cécile Bellamy-Bajard – Perle Vallens (mots et photos) – Danielle Helme – Philippe Mathy

photos mbp et Cédric Merland.

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Lancelot Roumier

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Ça plonge. Ça plonge et ça creuse. Une langue utérine qui lèche le jour. Une langue qui s’enroule autour du jour et l’asphyxie, le broie, le réduit en mots, en lettres. Un nœud de mots dans la gorge, une boule épaisse et glacée qui coince, perfore les cloisons qui la retiennent, ne laisse entendre que le souffle de sa disparition quand la bouche s’ouvre, quand les lèvres articulent.

Pourquoi les mots disparaissent ? Comment font-ils pour ne pas être au moment précis où ils sont ? Ils sortent et ne sont plus. Ils ne sont pas. Sont autre chose. Sont ce flou, cette masse insondable, inatteignable de la langue, du corps et du jour. Ils disent autre. Ils disent ne pas dire. Ils crient. Ils hurlent dans le silence bourdonnant de ce qui se tait, se tapit, dans la nuit, dans le noir de ce que l’on ne peut appeler noir. Et tout échappe ainsi. Dans cette lumière inconnue et familière. Ce qui est, ce qui n’est pas. Reste à succomber. Dans ce bruit qui vibre, ce tremblement permanent, l’exploration à venir. Tomber là, sur le chemin, s’écrouler dans cette voix. Se faire de nouvelles dents de cette route à bâtir. Refaire, être bête à nouveau, sentir l’humidité des herbes sur sa fourrure en courant à quatre pattes, sentir ses crocs, refaire les bruits avant le dire, renifler le vivant dans les premières eaux, avoir les roches qui poussent, sentir la terre sous la plante du pied, enfouir sa truffe dans ce qu’il peut y avoir de chaud et d’humide. Que ça grouille, que ce soit gluant, que ça batte. Être la première bête de soi, courir après ses ombres, aller jusqu’à se mordre la queue. À faire le chemin qui recouvre d’herbe chaque partie du corps et que les yeux ne peuvent percer, qui recouvre les mots qui taisent, le chemin d’être. Nager et ramper là, dans le sans nom. Plus tard, essayer de dire le là. Mais plus tard. Être avant. Être d’avant. De l’avant. En amont de soi. Tout lâcher de l’humanité pour s’en saisir.

Ce n’est qu’après cette plongée, qu’après que les mots soient atteints dans leur vide et leur plein que la langue intérieure pourra formuler, pourra aller vers écrire. Que ça fasse aller vers. Là où s’avance la langue. Les mots écrits pour parvenir à cracher, reprendre la route. Écrire, toujours un retour.

Que les bruits redeviennent inquiétants car ils sont ce que je pourrais vouloir dire. Passer par se taire pour se dire. Pour s’écrire ce qui se grave à l’intérieur. Ce qui marque là, dans l’eau, la roche et l’herbe, ce qui se trame, la violente narration des jours.

Lancelot Roumier : Entre deux petits boulots, essaye de donner le plus de temps possible à l’écriture et à la poésie quotidienne. Dernier recueil paru en 2022 : Ce temps qui ne passe pas aux éditions du Petit Pois.

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Sandrine Davin

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Sandrine DAVIN est née le 15/12/1975 à Grenoble (France) où elle réside toujours. Elle est auteure de poésie contemporaine inspirée des haïkus et tankas, elle a publié 16 recueils de poésie dont le dernier s’intitule « Terre guerre » chez LiberEdition.

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plis – art numérique – mbp

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Christophe Pineau-Thierry

Emerge de l’ombre

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émerge de l’ombre un continent méconnu

alors que s’écrivent nos mémoires inscrites

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contenues en chaque poussière de nos ciels

nous qui sommes nés du sursaut des étoiles

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sans pouvoir résister au temps qui s’écoule

et qui puise en chaque cellule de nos corps

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nous découvrons l’immensité de nos âmes

le sous-continent immergé de la conscience

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nos aïeux ont gardé l’espoir d’être libérés

de ces vies incomprises et tant meurtries 

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leurs sentiments enfouis au plus profond 

ressortent ici-bas durant l’éternelle veille

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parmi les flots tourmentés de nos passions 

nous balisons le chemin qui nous mènera

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au vaste pays de l’enfance insoupçonnée

invitant à l’audace du vrai et à notre unité 

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se reflètent dans nos yeux les pétales irisés

de fleurs enivrantes et sacrées qui annoncent

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la révélation en rêve d’un astre à l’approche 

abreuvant nos nuits de la lumière des cœurs
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Christophe Pineau-Thierry a publié dans des revues (ARPA, Poésie/première, Recours au poème…), des recueils collectifs (Luna Rossa, Jacques Flament, PVST?…), et de trois recueils aux Editions du Cygne. Le dernier recueil Ces mots ajustés au cœur (2023) a été écrit avec Philippe Leuckx,

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Patrick Joquel

trois poèmes

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Tu m’expliques

Orion

Rigel et Bételgeuse

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La dérive des continents

Le lent cheminement de l’homme

et la danse des atomes

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Mais

tu ne me dis pas

où j’étais

avant de venir au monde

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Tu me dis

unique au monde

et

tu me regardes

comme si tu lisais

sur mon visage

un vieux parchemin

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Tu m’appelles

poussières d’étoiles

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Mémoire de la vie

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Écho du premier mot

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Serais-tu

en train d’imaginer

la longue histoire

de chacun de mes atomes

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Dans ses noirs infinis

le cosmos par endroits pleure

et ses larmes sont dans l’espace

comme des oeufs dans un nid

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Le temps les couve

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Un beau soir

car c’est alors un  beau soir

une étoile brise sa coquille

et te sourit

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poèmes extraits de Perché sur ton planisphère/ éditions Lo Païs/le Rocher – livre sélectionné sur les listes de l’Éducation Nationale et épuisé (dont j’ai récupéré les droits). Pour découvrir davantage : www.patrick-joquel.com

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Louba Astoria

Lunaires

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Je me suis abîmée dans mes pensées…

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L’œil habillé de questions brûlantes

Fleuves noirs des plaines obscures

Creusant encore un peu plus

Un cercle de feu

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Presque rien n’interrompt ce mouvement

D’œil cyclonique,

pas même vos respirations assouplies

ni tes émotions crissantes

Ecrasées comme poussières entre tes dents

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Presque tout semble possible

La nuit est pleine comme la lune,

Clairvoyante

Et un trou se creuse

Avec précision,

L’œil du cyclope

Comme un sablier qui se vide lentement

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S’élève une frontière barbelée

Qui encercle mes yeux

Rempart à la hauteur des mots rampants

Où s’accrocher vaille que vaille,

Et plisser mes souffrances sourcilleuses

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Le sceau

dans le vide

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Dans les mailles de ce filet

Je n’y repêche pas le sommeil

Trop d’arabesques hallucinées,

De mots coincés dans le siphon du quotidien

Jetés là, dans le silence,

Trop de propositions subordonnées

Très relatives

Toutes absolues

Dans cet état second

Au matin, dans la rouille de mes yeux

Je ne reconnais presque plus l’incandescence de ces nuits

Qui me rivent à mon crayon

Comme médusée, dans la tempête

Ma planche de salut

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Mes yeux usés,

A côté de la flaque

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Quelques lignes sur moi : Je vis et écris au fil de l’eau et de la musique que je pratique en amateur. Récentes publications dans les revues Lichen et Hélas et sur son profil FB https://www.facebook.com/Louba.Astoria.

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Cédric Merland

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Benjamin Milazzo

Rendre à la lumière sa matière noire

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Auteur et éditeur, Benjamin Milazzo dirige la revue Miroir et les éditions Captive. En
entremetteur culturel, il anime des rencontres et des ateliers d’écriture créative.
https://benjaminmilazzo.wordpress.com/

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Cécile Bellamy-Bajard

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Vol lourd de la matière entre deux globes

tes yeux écarquillés

sur les écailles d’une galaxie

Les couleurs des cosmos

s’effacent ici

toujours le jaune au centre

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Iris bleus dilatés sur les

pas japonais

Ils nous diront

si peu de cette lumière

entrebâillée par la soie du pinceau

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Tu crois encore une fois

que croire t’est permis

qu’image entaille l´infini

le divin règnerait sur la beauté

qu‘amour est donné

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Ne peux-tu pas

voir

le noir ?

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CECILE BELLAMY BAJARD, née en 1966 en Charentes, a fait ses études à Bordeaux et vit en région parisienne. Elle travaille aujourd’hui en bibliothèques. La poésie l’accompagne depuis longtemps, dans les interstices de la vie, mais elle n’a que peu publié (revues Litt’orales, Lichen, Touroum Bouroum, Anthologies aux éditions Pourquoi viens-tu si tard ?)

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Perle Vallens

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Aucune terreur dans l’épaisseur moite et noire entre les mots
la langue s’y colle et y reste attachée comme à gel trop froid
pulpe de plomb reprend sa respiration avant de sauter
ce bond pour dire ce qui se taisait dans l’ombre
la sortie de texte comme une glace que l’on suce

tu te demandes de quelle couleur est l’hélium et comment brûle
l’hydrogène du mot étoile quand on le prononce les yeux fermés
sans voir la lumière mais en la sentant se diffuser dans la bouche
ces pop-pop-pop d’explosions nucléaires valent toutes les voyelles
qui chuintent et chantent dans la nuit de ta glotte
c’est toute une voie lactée qui s’égrène entre les lèvres

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Au cœur d’une Provence d’adoption, Perle Vallens écrit et photographie. La poésie se tisse de mots et d’images, les uns nourrissant les autres. Ecrire c’est explorer l’intime et le monde, porter sa voix pour toucher. Lauréate du Prix de la Nouvelle Erotique 2021 avec Toucher à la hache.

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Danielle Helme

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Rester au plus profond de l’obscur

Sevrée de lumière.

Descendre au fond de soi en apnée

Lestée du poids des choses

Qui nous est rentré dedans.

Afin de remonter allégée

Le long du fil

Jusqu’à la trouée.

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Recueillir quelques fulgurances

Entrevues

À l’image de ces algues sous l’eau

Quand la lumière limpide du soleil

Leur donne des couleurs

Jamais vues sur terre

Entremêlées d’or et d’argent phosphoreux

Étincelants de nuances neuves.

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Danielle Helme est poète et romancière elle vit à Montpellier. « Ma poésie s’écrit quand Je ne se pense pas, ne se contemple pas. » Elle est dominée par un puissant sentiment de liberté, où bien sûr la nature, la nature humaine et le livre sont sacrés. Parmi ses ouvrages les plus récents : Le Radin, roman, Ed. Amandier, (2015) ; Glossaire du ça, (2016), livre Oulipien, Ed. Du Jais ; Temps Modifié, poésie, Editions de l’Aigrette, (2021). 

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Philippe Mathy

Trois notes

.Il n’y a pas de secrets, de recettes. Le coffre des mots est en nous. C’est à nos rencontres avec le monde, avec autrui, qu’il s’ouvre et que des mains invisibles jointes aux nôtres les assemblent pour écrire un poème.

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         Sur le chemin que nous suivons…  Le suivons-nous vraiment ? Est-ce lui qui nous invite, nous incite à le suivre ? Sur ce sentier où les fleurs perdent en nos yeux la mémoire de leurs couleurs, où dès qu’on lève les yeux la plaine n’en finit pas de se perdre jusqu’à l’improbable horizon, que construit notre chemin sinon peut-être un espace habitable, même s’il finit par se perdre dans une impasse ou se mordre la queue ? On rentre démuni, conscient pourtant qu’il faut toujours se mettre en marche.

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Dans la parole, trop de clarté brûle les mots, éblouit la petite lumière qui veille au fond de leurs yeux, occulte la palette colorée de leur mémoire. Il faut, pour goûter toute la saveur de leur bouquet, la petite musique de l’écriture, signes tracés sur la partition d’une page dans la lenteur d’un silence.

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Philippe Mathy a publié plusieurs livres de poèmes et de notes. Le plus récent, Derrière les maisons, est paru aux éditions « L’herbe qui tremble » au printemps 2023. Le prix Mallarmé a été attribué à Veilleur d’instants paru chez le même éditeur en 2017

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