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Alain Morinais (3 poèmes et photo) – Marc-Henri Arfeux – Christine Zottele – Arnaud Rivière de Kéraval – Anne-Marie Jorge Pralong-Valour – illustration Aline Mori – Louise Brun – Jean-Marc Barrier (deux poèmes et encre) – Magdalena Ball (Australie – trad. M. Bertoncini) – Corinne Feray –
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Alain Morinais
Le noir parle à voix blanches
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La nuit plonge la lumière dans le noir des abysses océanes
Et noie de silence toutes traces d’existence
Les étoiles percent le mystère enténébré du regard
Perdu en son contraire à la recherche des ombres du jour
Entendues de la bouche ouverte sans les mots pour le dire
Le noir parle à voix blanches
L’oreille n’entend que les frissons du soir
Quand se retire le temps à l’orée de l’espace
Et que l’heure sombre dans les mailles de l’oubli
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Quand le noir ne dit la couleur
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La nuit délunée à la fenêtre ouverte
prend des ombres la profondeur du silence
La rue n’a d’existence qu’au pas résonné dans l’épaisseur enténébrée d’inconnu
Plus rien de la ville n’a de sens
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Rien n’est plus rien
Quand le noir ne dit la couleur
tout peut être révélé des sombreurs masquant l’évidence
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Tout peut naître de rien
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Les ombres ne parlent pas la langue du regard
Elles ont les mots d’ailleurs ignorés des couleurs
Et se prennent à rêver un printemps des passés
que la lune surprend parfois
habillé de nues à fleur de peau d’orange et bleues
lueurs de nuit blanche
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Les mots de l’ombre
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Les mots du silence se taisent pour entendre
ce qu’à te dire tu ne sais savoir
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La lumière ignore l’envers de l’ombre
tant qu’elle ne peint en noir à l’angle du chemin
sa manière de voir
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Et les mots
courant à l’encre de résurgences
écrivent le mystère des profondeurs d’abysses
dans un soupir de page blanche
éblouie d’entendre sa voix
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L’ombre à portée de lumière
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ALAIN FC MORINAIS : Sociétaire et lauréat des Poètes Français, de Poètes sans frontières, de l’Académie Renée Vivien, et de l’Académie Internationale L’École de la Loire. Membre de la Société des Poètes et Artistes de France. le Blog de l’auteur : http://alainmorinais.blogspot.com/
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Marc-Henri Arfeux
Poème écrit pour l’Anthologie « La Matière noire du Poème «
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Au noyau de l’étoile est l’anneau noir du seuil.
Tu le regardes, et son visage est tien au linteau du silence.
Ouvre la clé, ouvre l’absence, passe un bras dans la nuit
Parmi les mots chiffrés qui te rassemblent en un.
L’ébène astral est un écho de la lumière disséminée.
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Sois la neige éclosion, sois la nuit visitée, sois le contour de l’avant jour
Sur le feuillet de la fenêtre,
La promesse aux déserts que renaîtra soudain le souffle pâle de la distance,
L’amande à nu de tout lambeau,
La preuve
Donnée par tendre solitude
À la sombre substance dissimulant l’aura.
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Regarde dans ta paume et lis.
Parcourt les liens gravés de ses orties, de ses nervures de marbre funéraire,
Traverse les miroirs de leur divination
Et viens !
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La lampe est oui sur le basalte vertical.
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Samedi 16 Septembre 2023
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Marc-Henri Arfeux est né à Lyon le 24 février 1962. Docteur en lettres modernes, il enseigne la philosophie à Lyon. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dans les domaines de la poésie, du récit et de l’essai. Il collabore régulièrement avec les revues Terre à Ciel et Rumeurs. Il est également peintre et compositeur de musique électroacoustique.
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Arnaud Rivière Kéraval
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matière noire de mes humeurs
les mains affrontent le cambouis
ose replonge dans la fange
atomes de mes lubies
laisse venir les tentations médiocres
le brasier de l’instinct
alors à force de sonder la misère
les saveurs les plus viles du courroux
j’incarnerai ce monstre sordide en sueur
défierai le sanctuaire de l’inconnu
et dans un ultime combat
tout lâcher
sacrifier les menteurs et les symboles
nous ne sommes que chimie
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Originaire de Bretagne, Arnaud Rivière Kéraval est membre du blog poétique Oupoli. Bon nombre de ses poèmes ont été publiés dans diverses revues littéraires et anthologies. Son recueil « Les Paysages ambulants » est paru en mai 2023 aux éditions Ballade à la Lune. www.facebook.com/arnaud.riviere.keraval/
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Christine Zottele
Trouble
Il y a de cela très longtemps, du temps où le temps ne se mesurait pas, on pouvait observer des trous blancs se lover dans la galaxie
Des trous blancs ? Comme c’est troublant dit le trouvère.
Ces trous blancs avalaient l’épaisseur des jours brûlants et se nourrissaient de cafards de scorpions mais aussi du trouble des Terriens. La nuit venue, les trous blancs ébouriffaient les étoiles. Ils ne voulaient rien, ne pensaient rien, n’étaient pas même matière.
Ni matière à discuter, dit le trouvère. Cependant, un jour, ou plutôt une nuit, ils devinrent matière. De celle des rêves et des dits. Matière grise comme douce ivresse puis noire comme moins douce.
Depuis, quelque chose comme un poème est né.
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N’étant même pas sûre d’être née il y a quelque soixante ans, Christine Zottele n’est ni muse ni poète. Elle écrivaille des petits bouts de rien sur des blogs, dont les Cosaques des Frontières.
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Anne-Marie Jorge Pralong-Valour
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Plus lourd que le noir
Plus lointain que l’outre noir
Fanal de l’outre tombe
Le sang magnifié
Originel
Dans la lumière éclatée en couronnes
En étoiles en auras
En cernes et cercles
Aspirée en spirales
Tantôt noyée déliquescente
Orbe stérile morne et tendre
Entraînée dans les veines de l’eau
Tantôt désirée en extase religieuse
D’avant des religions
Bourgeons drageons scions
Amniotique de l’œil d’Abel
Du regard de Caïn
Plus sombre que le plus sombre des feux
Frustré d’unité et de plénitude
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Anne-Marie Jorge PRALONG-VALOUR est une écrivaine néo-calédonienne.
Métisse laotienne, Aline MORI vit à Nouméa depuis 1960. Professeur de lettres modernes , agrégée en Arts Plastiques. Artiste aux multiples talents, cette îlienne a créé en 2004 l’association Soap’Art Océanie pour la promotion de l’art contemporain et, depuis 2006, préside le Club des amis de la Poésie qui œuvre
pour le soutien et la valorisation des poètes calédoniens .
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Louise Brun
Immensités
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Propulser les énergies négatives du corps, le corps ou l’inconscient du corps projeté en négatif dans l’espace en fusion. – Matières exsangues – Matière noire, beauté de cette matière compacte et mystérieuse, une projection de l’Inconnu dans le connu. Ombres en reflets au plus profond des âmes ou de l’espace loin de tout ce qui a perdu les mots du dire. Les résonnances sont à la fois externes et internes, elles se relaient et se projettent l’une l’autre,
une image des corps
dans l’espace inconnu.
Ou L’Inconnu. Que voir à travers l’opacité de l’énigme. Comment voir à travers l’opacité mystérieuse qui entoure les corps, l’humanité. Mon corps dans l’univers. L’univers dans nos corps ? Le corps comme dilué dans la densité émotionnelle universelle (Un sentiment océanique commun) inconnu qui nous fuit toujours
comme point de fuite
commun, immense humanité et ombres incertaines.
Un point de fuite commun projeté dans l’espace sans aucun horizon peut-être ni même instant présent.
Se voir comme ne pas se voir ou ne pas se reconnaître, mais si peut-être, ou bien encore / et jusqu’à n’en plus finir dans l’énigme de la matière noire, profonde en dense comme une mer si sombre, le corps déchiqueté éparpillé dans les parcelles d’écume et projetés dans l’in-existant, l’intensité toujours élevée (vision d’horreur tout de même, dit-elle).
Propulser toutes les énergies de soi dans les énergies magnétiques belles et fortes de la matière noire résonnante comme un corps offert à corps pour ainsi dire
perdu, éperdument et plus encore (peut-être jusqu’à la rupture, ou pas, on ne sait pas encore), l’univers apparaît comme décomposé dans les prisme de la sensation abyssale que reflète là l’image, il y a quelque chose de douloureux ou de transparent, d’abyssal et de décomposé, cela existe dans l’image, à proximité de la chair.
Poser une main, ou la paume sur la masse sombre de ce qui échappe comme une main sur le cœur pour apaiser l’angoisse de l’inconnu, ce que l’on ressent au plus profond comme magnétique et nous renvoie à une immensité où l’on se perd. Où l’on risque de se perdre ou de se retrouver. L’immensité se perd et se recompose sans cesse ailleurs. //Je marche encore d’espace lointain en espace plus lointain encore, folie peut-être. Connivence à distance des corps en fulgurance, comme des éclats ou éclairs de fusions ou de jouissance perdus dans l’univers. L’immensité est humaine et la matière noire nous transforme magnétiquement, elle nous isole et nous rapproche. Elle nous laisse ou nous porte, perdus ou retrouvés.
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Louise Brun : Danseuse, puis enseignante et psychologue clinicienne, les mots m’accompagnent dans leur expression et leurs silences depuis l’enfance… l’écriture poétique est alors un fil rouge, une forme d’écriture qui réouvre toujours des espaces intérieurs inconnus.
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Jean-Marc Barrier
Matière noire
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Ce matin frais avance dans le nu de la vie
une étoile supérieure se pose sur l’amas ouvert
lumière cendrée présence
longtemps je lis ton mouvement propre
je tourne la page
pose ma main sur ton ventre
l’instant s’offre aux turbulences lentes infinies
matière noire essaim d’étoiles filantes
horizon vrai
je ne m’adosse plus à la pierre
mais à la faille de la pierre nouvelle lune de ton sourire
j’écoute le double souffle nos rémanences
j’embrasse la perception le chemin de mon encre
un ciel si plein dans ce corps qui cherche encore
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au café avec Euclide
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Au café avec Euclide
j’ai fait le saut quantique
il a repris un sucre
ici et là-bas j’étais jeune homme – et maintenant
les lignes étaient courbes
comme mon inquiétude
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au café avec Euclide
nous avons considéré le point d’origine
le miracle
le sable filait entre nos doigts
sur la corde courait la possibilité d’une asymptote
et dans un monde parallèle quelqu’un
tenait encore aux points et aux images
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moi je tombais simplement dans le vortex du temps
un rasoir dans la poche
et avec un œil de chien
je comptais l’infini seconde après seconde
tout au miracle
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au café avec Euclide
je remuais mon café noir
le seul cosmos que je comprenne
les bords du temps fusaient en vagues
dans la relativité des hypothèses vérifiées
ma mémoire remplie d’angles obtus diffractés
par les cinq dimensions
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au café avec Euclide
je lui ai redemandé quelques angles droits
pour tenir debout
–la lune était ronde
j’ai commandé un croissant
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Jean-Marc Barrier vit dans les montagnes de l’Hérault où il se consacre au dessin et à l’écriture, il anime un atelier d’écriture La table d’écriture, à Caux et co-anime l’émission Les arpenteurs poétiques sur Radio Pays d’Hérault. Derniers titres parus : La rue infinie, éditions Phloème, La nuit élastique, éditions Phloème
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Magdalena Ball
Blue Gum at Samhain / Eucalyptus gommiers bleus à Samhain
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Sound waves vibrating into bone
tree time, across a collective mind.
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Namekeeper, night-catcher
recursive woods.
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We live outside now
stroking smooth bark
glaucous leaves, woody fruit.
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I no longer know
what a name means
markers, links, connections
altered into the landscape.
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Memories, interactions
forming an illusion
persistent, beautiful, deadly.
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Today, all solids have become
liquid, waves, fluid energy
particles in motion.
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it’s still possible for a little
longer to see demarcations
land, the green mound of forest
like a daub of paint
the melting pastels of sky
but it’s illusory.
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Shape is determined
by particles moving.
There are no lines
there is no colour.
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Out here we speak in chemicals
scents to bring you in
slow pulsing electrical signals
to lead you out.
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Des ondes sonores vibrant au creux des os
du temps des arbres, dans une âme collective.
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Gardien du nom, capteur de nuit
bois récurrents.
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Nous vivons désormais dehors
caressant l’écorce lisse
les feuilles glauques, les fruits ligneux.
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je ne sais plus
quel nom signifie
marqueurs, liens, connexions
altérés dans le paysage.
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Souvenirs, interactions
formant une illusion
persistante, belle et mortelle.
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Aujourd’hui, tous les solides sont devenus
liquide, vagues, énergie fluide
particules en mouvement.
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On peut encore pour quelque
temps percevoir les bornages
des terres, le tertre vert de la forêt
comme une touche de peinture
la fusion des pastels du ciel
mais c’est illusoire.
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La forme est déterminée
par des particules en mouvement.
Il n’y a pas de lignes
il n’y a pas de couleur.
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Ici-dehors, nous parlons une langue chimique
de parfums pour vous amener
par de lents signaux d’impulsions électriques
à nous rejoindre à l’extérieur.
trad. Marilyne Bertoncini
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Corinne Feray
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Dans le fucus une astérie
sur le rivage a dessiné
une lointaine Galaxie
une plongée dans l’éternité
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Épris d’Omega Centauri
cinquante hurlant la Voie lactée
et les quarantièmes ont rugi
aux confins de l’immensité
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Le ciel et l’eau sur l’infini
de la matière noire ont donné
des Univers emplis de vie
où l’algue à l’étoile s’est nouée
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Corinne Feray, De formation artistique, est devenue graphiste, photographe et poète,
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