illustration : MONSU DESIDERIO Peintres des enfers, de villes en ruines, d’incendies nocturnes… les peintres lorrains François Nomé et Didier Barra, actifs à Naples pendant la première moitié du 17ème siècle, témoignent de l’imaginaire d’une époque trouble.
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Né à Londres en 1788, le poète qui mourut le 19 avril 1824 à Missolonghi, en Grèce, en lutte contre la domination ottomane, représente l’une des grandes figures du romantisme de langue anglaise. Grand défenseur de la liberté, révolté contre la politique et la société de son temps, il s’est engagé dans toutes les luttes contre l’oppression : en Angleterre dans la défense des Luddites, en Italie avec les Carbonari, en Grèce dans la lutte pour l’indépendance.
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Poète « maudit » en raison des scandales nés autant de la teneur de ses poèmes que des événements agitant aussi sa vie privée, c’est en Suisse, et sur les bords du Lac Léman au printemps 1816, qu’il se retire, en compagnie entre autres du célèbre poète Percy Shelley, pour se faire oublier de la société anglaise.
Mais à la suite de l’éruption volcanique du Tambora, en Indonésie, de l’autre côté du monde, un an auparavant, toute l’Europe est en proie à des bouleversements climatiques. On dira alors de 1816 qu’elle est l’année sans été. Cette nuit en Europe qui dura tant de jours et de nuits inspirera à Byron – représentant d’un romantisme noir, « gothique », l’un de ses plus célèbres poèmes, Darkness.
Je partage ici le début de la traduction en cours que je fais de ce poème au ton prophétique, en écho avec le thème de notre anthologie en ligne sur La Matière noire du poème – mais également tristement en lien avec les événements dramatiques qui frappent le monde à si peu d’intervalle – séisme au Maroc, déluge en Lybie – dans un contexte bien noir de dégradation climatique et de guerres.
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Les Ténèbres
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Je fis un rêve, qui n’était pas qu’un rêve.
Le radieux soleil s’était éteint, et les étoiles
erraient s’obscurcissant dans l’espace éternel,
Sans éclat et sans but, et la terre glacée
Flottait aveugle s‘assombrissant dans l’air privé de lune ;
Les matins se succédaient, sans apporter de jour,
Et les hommes oubliaient leurs passions dans la peur
De cette désolation ; et tous les coeurs
glacés se repliaient dans une égoïste prière pour la lumière :
Et ils vivaient près des feux de bivouac – et les trônes,
Les palais des rois couronnés, les huttes,
Les habitations de tout ce qui s’abrite,
Etaient brûlées pour en faire des fanaux ; les villes étaient consumées,
Et les hommes rassemblés autour de leurs maisons en flammes
Se regardaient une fois encore les yeux dans les yeux ;
Heureux ceux qui habitaient près de l’œil
Des volcans et leur montagne-torche :
Un espoir effrayant seul emplissait le monde ;
Les forêts étaient incendiées, mais sans cesse
Tombaient et s’effaçaient– et les troncs crépitants
S’éteignaient dans un fracas – et tout était obscur.
Le front des humains dans la lumière désespérante
avait un air lugubre, chaque fois
que les éclairs les frappaient ; certains se couchaient
Et se cachaient les yeux en pleurant ; et d’autres reposaient
Leur menton sur leurs poings serrés, en souriant ;
Et d’autres allaient et venaient et nourrissaient
Leurs bûchers funéraires de combustible, levant les yeux
Follement inquiets sur le ciel sourd,
Linceul d’un monde mort ; puis de nouveau
En maudissant, ils les reportaient sur les cendres,
Grinçant des dents et hurlant : les oiseaux sauvages glapissaient
Et, terrifiés, s’abattaient sur le sol,
Battant leurs ailes inutiles ; les bêtes les plus cruelles
Devenaient peureuses et tremblantes ; et les vipères rampaient
Et s’accouplaient parmi la multitude,
Sifflant, mais sans mordre : on les tuait pour se nourrir.
Et la Guerre, qui brièvement avait cessé,
Se rassasia de nouveau (…)
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