photo : affiche de l’événement de Somaia Ramish à Rotterdam.
.
poèmes traduits de l’anglais par Cécile Oumhani et publiés dans le numéro 8 de la revue Apulée « Les Grandes Espérances ». Cette revue annuelle de littérature et de réflexion créée par Hubert Haddad s’engage à parler du monde d’une manière décentrée, nomade, investigatrice, loin d’un point de vue étroitement hexagonal, avec pour premier espace d’enjeu l’Afrique et la Méditerranée. Le thème de ce numéro est ainsi défini : « Avec Les Grandes Espérances – titre provocateur en ces temps de guerres, d’attentisme climatique, d’ultralibéralisme et de colonialisme numérique –, Apulée #8 ouvre portes et fenêtres aux souffles de toutes les résistances, aux voix toujours renouvelées de la révolte, venues d’Iran, d’Ukraine, du Maghreb, où des femmes et des hommes avides de justice et de liberté luttent au péril de leur vie contre les pires archaïsmes. » (à commander ici)
.
L’odeur de l’argile et des épis
après la pluie
Les effluves de menthe le long
des berges de la rivière
Le parfum entêtant du jasmin
la nuit
.
Au moment de fuir
lequel devrais-je glisser
dans mes affaires pour que sur la route tortueuse du destin
je ne perde pas mon pays.
.
Je n’étais pas encore née
quand mère a mis notre pays
dans ses bagages et renoncé à elle-même
pour que mon nombril
se détache
du cordon de la guerre…
.
Mais
nos repas du soir sont devenus
des bulletins d’information sur la guerre diffusés toutes les heures.
Nos cellules reconnaissaient leur exil
dans la souffrance, la douleur et les blessures.
.
Nous n’étions en réalité partis nulle part.
À l’âge de neuf ans je saisissais
l’absurdité de la géographie.
.
À quatorze ans j’ai défait les bagages de ma mère.
Leur odeur m’a enveloppée,
Et rendue à mes ancêtres.
.
Maintenant, mon pays est plus qu’un bulletin d’information sur la guerre ;
il est la folie de la géographie
qui court dans mes veines.
.
Il est une lame à double tranchant
La mort et la mort
.
Somaia Samish, poète, écrivaine, journaliste et activiste féministe, vivant aux Pays-Bas, est née en 1986 à Herat, en Afghanistan. Pendant la 1ère République islamique d’Afghanistan, sa famille s’est enfuie à Téhéran, en Iran. Après la première chute des talibans, elle est retournée en Afghanistan, et pendant 20 ans, a travaillépour contribuer à bâtir une société démocratique et égalitaire.
Comme tant d’autres Afghans ella a dû de nouveau demander l’asile en tant que réfugiée après que les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan en août 2021.
.