.photo Francesco Gallieri
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C’est une recluse volontaire Annie Deveaux Berthelot.
Recluse non pas hors du monde. Mais recluse dans un amour magnifique, un amour impossible, un amour éternel. Alors elle s’est recluse dans une correspondance poétique avec l’autre.
Lui est un immense poète et philosophe. Elle est biologiste et poète. Il y a entre eux quelque chose d’indéfinissable qui nous échappe, qui échappe aux règles normées de la vie normale.
Annie Deveaux Berthelot s’inscrit dans ce creux entre le silence et les mots. Et elle nous bouleverse.
Deux vies se sont tissées en elle. La sienne et l’autre celle avec l’immense poète.
Un matin de brume, c’est aussi l’ombre du temps.
Et ces mots :
Il a fleuri le vieux rosier, c’est peut-être la dernière fois. Tant de roses offertes au silence
Dans ce dernier recueil, une supplique :
Ma vie est un grand vide. Je dors avec tes mots. Ne t’en va pas.
Et comme un retour en arrière, au tout début du début elle confie :
Pour toi j’étais venue
au moment de partir j’ai osé un baiser
un baiser sur ta joue.
Ta joue était si douce
Avec toi ma vie ainsi commençait.
Et encore cette forme de joie à vif :
Ton numéro s’affiche
Mon cœur qui palpite
Il n’y a plus que toi et moi
Le reste est si loin
Enclose et éclose Annie Deveaux Berthelot. Elle raconte, le vent, le citronnier, le vent encore, une larme, le vent toujours et puis elle écrit :
Le vent effeuille les arbres
Dans mon rêve nous étions où le monde finit
Et toujours cette vie parallèle. Tant d’années. On ne pense jamais assez à l’exigence de retenue que demande une double vie quand il est impossible d’en faire une seule.
Annie, prend des trains. Annie se promène dans sa propre vie mais elle vit dans son autre vie.
Et toujours ce temps qui s’est mis à courir. Et soudain, une ombre qui devient un peu plus sombre, et il faut continuer à se rejoindre.
Alors, elle passe de l’autre côté de l’ombre. Là où est sa lumière. Elle nous dit :
Où s’est-il perdu
Dans quel voyage
Pour me rapprocher de lui
J’entre dans sa nuit
Chaque pas ajoute un peu à son silence.
Par un matin de brume aux éditions Le lys bleu est un merveilleux recueil de poésie. En refermant le recueil je me pose encore cette question ? Pour qui écrit elle Annie Deveaux Berthelot ?
Je crois qu’elle écrit pour elle. Pour nous dire elle. Pour la beauté de cet amour entre elle et lui. Pour le terrible des séparations entre elle et lui. Pour tout ce temps avec et loin de lui. Pour raconter ses peines, ses joies, ses peurs…
Oui elle écrit pour elle.
Elle n’écrit que pour elle, pour enrouler toute sa vie autour de cette calligraphie de signes. Cette calligraphie de haute solitude. De haute poésie. D’amour…
Elle écrit pour brûler plus encore. Incandescente Annie. Et puis, elle ne veut pas lâcher prise. L’ombre rode, mais Annie Deveaux Berthelot écrit encore…au point de joie, au point de croix
Et le vertige nous prend… Que deviennent ces êtres qui se métamorphosent autour de l’autre. Que deviendront ces poèmes à l’écho de l’autre. Que deviendra t elle sans l’écho de l’autre…
Mais heureusement, c’est trop tôt encore pour vraiment s’alerter. Elle a encore dans sa mémoire des poèmes à écrire. Elle a encore beaucoup à raconter. Et puis, nous l’avons tous reconnu…Lui est toujours là.
Visible par tous et surtout par elle, Par un matin de brume
Jeanne Orient