illustration : composition mbp
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Magone est l’un de ces mots pratiquement intraduisibles qui font de la traduction une épreuve autant qu’un défi. Depuis quelques temps, je cherche à définir mon état d’âme, un mot pour dire – mais ainsi que me l’écrit Carole Mesrobian, dans l’un de nos échanges du matin : « la sidération est un ouragan qui avale les mots. Tout est muet, même écrie (sic) ». Et si je conserve la coquille due au correcteur orthographique du portable, c’est qu’il exprime aussi cette vérité plus profonde : les mots s’étranglent et les cris sont muets – et douloureux.
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J’ai tenté de définir l’état de sidération dans lequel nous plonge la situation du monde, et c’est vers l’étrangeté/étrangement que je penche – l’unheimlich de ce quotidien dans lequel tout a changé, et pourtant tout est pareil, et il me semble ne pas lui appartenir, en être séparée/incluse sans pouvoirs.
Mais le mot pour désigner la douleur ressentie dans cette situation ne me venait pas – il m’est aujourd’hui proposé par Giancarlo Baroni, dans le poème que je vous traduis.
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« il magone » c’est le gésier, le jabot d’un volatile dans le dialecte de Florence, mais dans d’autres régions, avere il magone, signifie avoir cœur gros de chagrin réprimé, provoquant la sensation d’une présence étrangère, d’un corps qui vous étouffe, et enfle, comme ce jabot gonflé dans le cou des oiseaux – une sensation très physique pour une douleur intense mais d’origine morale, psychique – une douleur sans cause externe visible sur le corps, sinon ce nœud, cette boule dans la gorge, qui suffoque, ce poids sur l’estomac dont on ne parvient pas à se débarrasser, parce que les issues au chagrin sont fermées, comme les vannes d’un canal l’empêchant de couler…
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Abattement, découragement, affliction, nœud à la gorge, tristesse, cafard… aucun des synonymes ne traduit tout à fait cette douleur intense et sourde qui nous étreint – les mots sont bien étranglés.
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Magone *
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Certe volte
mi viene un magone tale
che no
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non riesce a immaginare
chi non lo prova;
hai in mente
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un cappio intorno al collo
che a stento tiri il fiato?
Nostalgie rimorsi
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lutti rimpianti
volti come fantasmi
un fardello da soma
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ricordi che rispuntano
a lama di coltello
tutti stipati lì
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fra petto e gola.
Non va né su né giù
questo dolore, lo stomaco
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alza le barricate
non lo vuole,
occhi saracinesca
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le lacrime respinte
gonfiano una palude
in fondo al cuore.
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*MAGONE è uno stato d’animo universale (chi non l’ha provato?) con un nome particolare.
Scrive Marco Belpoliti nel libro « Pianura »: «Si tratta di un’afflizione, una forma di depressione che comporta un dolore fisico oltre che morale…Afferra in alto, appena sotto il collo».
Una frase che mi ha offerto lo spunto per scrivere questa poesia da poco stampata nella corposa Antologia della decima edizione del Premio « Giovanni Pascoli. L’ora di Barga ».
Magone *
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Parfois
J’ai le cœur tellement gros
Que personne
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vraiment ne peut l’imaginer
s’il ne le ressent pas ;
Tu peux penser à
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un nœud coulant autour du cou
qui te laisse à peine respirer?
Des nostalgies des remords
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Des deuils des regrets
des visages comme des fantômes
le fardeau d’une bête de somme
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des souvenirs qui reviennent
comme lame de couteau
tous entassés là
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entre la poitrine et la gorge.
Ça ne passe ni ne remonte
cette douleur, l’estomac
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dresse des barricades
il n’en veut pas,
les yeux en rideau de fer
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les larmes refoulées
grossissent un marécage
tout au fond du coeur.
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* MAGONE est un état d’esprit universel (qui ne l’a pas vécu ?) avec un nom particulier.
Marco Belpoliti écrit dans le livre « Pianura »: «C’est une affliction, une forme de dépression qui implique une douleur aussi bien physique que morale… Elle saisit haut, juste en dessous du cou».
Une phrase qui m’a inspiré pour écrire ce poème récemment publié dans l’importante Anthologie de la dixième édition du Prix « Giovanni Pascoli. L’ora di Barga ».
(note de l’auteur)
trad. Marilyne Bertoncini
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