Les lices bleues du ciel

Les lices bleues du ciel

– lie éclatante –

dans leur dérive lente jusqu’au blanc

où ciel et mer joignent

le fil de cette mince ligne de crête

avant la brume – s’y perdent

On pourrait croire que tout s’achève ainsi

mais ce bleu ne s’épuise pas

non plus celui de la fleur byzantine

– nigelle que ma mère semait à la volée

la pierre d’Egypte

ou le bleu Klein

qui me prit un jour dans sa toile

à ne plus savoir si j’approchais ainsi

la perfection du vide

ou la pure innocence de l’art

L’éternité tient tout entière

dans cet azulejo de printemps

à peine griffé d’un vol de mouette

Les couleurs se mélangent,
l’arc-en ciel est ici…
j’ai associé le jaune et le vert,
une pointe de rouge pour ce faire…


Un bal , une rencontre réussie
pour aimer se jouer
de leurs complémentaires…


un yin et un yang
qui, ainsi superposés,
ne sont plus en conflit.


Peut-être que les peuples tiennent ainsi
la solution des choses…
un peu de brun, un peu de rose
voisinant avec du gris…


Malgré tout le respect que je dois
à la préparation du fond
on y verrait pousser des fleurs
heureuses de lumière


c’est une sorte de fête
où les pinceaux se libèrent
dans l’improvisation


je reviendrai pour les finitions,
poser un vernis de bonheur…

Chantal Godé-Victor

J’ai vu soudain au milieu de la nuit

un volcan de flammes, bleu et rouge mêlés

en une gigantesque éruption de couleurs

comme surgies des antres de l’enfer.

C’est, dit une voix inconnue,

c’est la révolte de l’homme humilié

les pleurs de la forêt brûlée,

la terreur de l’enfant perdu dans la guerre

et les larmes chaudes de sa mère,

c’est la fureur de la terre blessée

et qui se meurt.

C’est, répliqua une voix intérieure,

c’est le soleil enivré qui danse,

et virevoltent les couleurs qu’il a créées,

c’est l’éblouissement face au regard qui se penche

sur le nouveau-né,

c’est la chaleur d’un dimanche,

le miracle de la branche qui s’incline

pour abriter la main qui tente de saisir

son mystère.

C’est la vie qui se réinvente

au bord de l’éternité.

Des Couleurs sans les dire

“Parmi les couleurs, une de moins ?”
Abdullah Sidran

“déchirants appels parce que rien ne peut les rendre efficaces si quelque amour ne nous y rend point sensibles”
Gustave Roud

Premières lueurs de l’aube sur les collines de Sarajevo. On a cru se noyer dans le puits du petit jour.

plus que du gris      le reste       de la palette enseveli comme tous

les jouets        nous assistons     accablées    à

la     frénésie des ogres

festin à l’abri     de la poussière       écran

sur le rouge cardinal    partout  

présent      combien de gravas pour une vie ?             

combien de bombes pour une carte ?

Alors on a calé notre respiration comme tremblent, frissonnent l’ombre d’une mésange sur la branche du bouleau, un anneau de rosée dans l’herbe des pavés, l’étoile d’une feuille morte sur les graviers, le roulis sourd du tram et ce morceau de ciel tombé dans la rivière…

battre   le cœur ne sait que ça

une bombe       l’arrête

un sniper        le foudroie

battre       vite la peur   

sur terre    résonnent

des blancs      cris rouges

absorbent     nos oreilles   

martèle        poing serré  

contre ce qui     nous heurte

battre   le cœur ne sait que ça

même tout bas      gêne

       le néant   arrogant

Et la lumière encore du sourire d’un crocus, hier sur la montagne, paume offerte comme un adieu, une caresse…

On se réchauffait là tout contre ce fragile. Abandonnés enfin au courant de ce jour on a cherché, ensemble, le chemin de ce chant où, un instant, peut-être reprendre et rendre souffle.

deine augen sind bunt

und sprechen in tönen

die zahllose

nuancen auslösen

vom tiefen blau des wassers

dem du entstammst

und worin du wieder

versinken wirst

vom leuchtenden rot

dem verlangen nach

liebe und leben so wie

dem schmerz und verlust

vom glühenden gelb

das licht bringt ins dunkel

oder blind macht weil du

nichts anderes mehr siehst

deine augen sind weiß

und am ende stumm

doch sie tragen

alle farben in sich

tes yeux sont multicolores

et parlent en tonalités     

qui font naître                                                                                     

d’innombrables nuances

depuis le bleu profond de l’eau

dont tu proviens

et dans laquelle tu vas

sombrer de nouveau

au rouge lumineux

du désir d’amour

et de vie autant que

du chagrin et de la perte

et au jaune ardent

qui porte la lumière dans l’obscurité

ou qui aveugle car tu         

ne vois plus rien d’autre

tes yeux sont blancs

et finalement muets                                               

mais ils contiennent                                                          

toutes les couleurs  

photo mbp – l’oeil naît de l’eau, comme la couleur

Ritournelle d’enfance

Toupie multicolore

Des images déchirées

Provoquent une avalanche

Dans le gouffre des lumières

Ça grince sous la couleur

Dans la profondeur

Sous la sève et la vie

Sous le vert tendre du pré

Des ossements en décomposition

La terre se délave en bruns

Ça pleure sous la couleur

Un long chant de complainte

Sous la clameur de l’infini

Sous le bleu océan

Appel déchirant des sirènes

Ça aime sous la couleur

L’incandescent coucher de soleil

Et derrière les amants réunis

Avec des mots de merveille

Rouge feu de l’amour

Attente d’une histoire à inventer

Fragment d’éternité

Sous les vibrations de lumière

Premiers du jour   

Premiers du jour 

des sons ruissellent 

dans les feuillages.

Gorgé de visions

l’air se mêle à la vie 

la goûte la fonde

Le premier chant 

déploie le feuillage 

la couleur du jour.

Large la vie palpite

déborde l’air 

les volets ouverts 

L’enfance le jour 

regardent l’ombre

s’enfuir dans une

coulée de dons 

le merle emporte 

les questions 

La couleur

vient au jour

sans pli      sans voile

elle ne vieillit pas

même dans les arrière-pensées

restées épinglées à la nuit

*

Et si

sa peau et la mienne

atteignaient le lit du silence

on pourrait étirer nos jambes ensemble

pour faire un seul trait

l’écriture ne demande pas plus

qu’un affût de couleurs

pour renouer les mots

*

Je voudrais reborder le monde

rester assise sur la banquette d’herbe

d’un printemps à peine là

faire de ma main une perche

aussi grande que ce branche en branche

dont les oiseaux s’amusent

je voudrais

qu’une seule volée de pollen

redresse les jours

L’intimité du ciel

Toujours à l’affût de la beauté du ciel

je le surprends, ce matin

la bouille encotonnée

affairé, semble-t-il, à se démaquiller

Derrière la ouate

persistent peut-être

les éclaboussures du soleil levant

zébrures roses, orange, mauves

traînées de poudre, rubans de fard

quelques traces de charbon de nuit

appliqué en peinture de guerre

camouflage

pour la chasse aux cauchemars

paillettes

décrochées de la voie lactée

ou stries d’éclairs…

Je ne sais pas

Je n’ai jamais vu

la face cachée des nuages blancs

qui se dissolvent par magie

J’attends

les prochaines pluies colorées

pour élucider le mystère