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La conjoncture n’est pas toujours propice à l’élan éditorial. Mais l’artiste, qu’il soit poète ou peintre ou comédien, poursuit sa route, opiniâtrement et parmi le monde. Le dernier livre de poèmes de Colette KLEIN parle de la guerre. Avant la guerre en Ukraine… la guerre revenue aux portes de l’Europe le 24 février 2022. Depuis, déclare Colette KLEIN, « je n’écris pour ainsi dire plus ».

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D’ailleurs, son dernier livre de poésie est un Requiem (Après la fin du monde, nuages – Requiem). Mais la vie, le monde continuent, repassent sur un gué de lumière, et l’artiste-peintre-poète nous conviera à une nouvelle exposition de peinture (à la Brasserie Le Select, 99 Bd Montparnasse, Paris 6e du 4 au 17 mars 2025) et l’un de ces romans paraît le 25 février 2025 chez Unicité : L’ange des séparations.
Nous choisissons, au fil de la discussion, de focaliser ce rendez-vous autour des coups de cœur littéraires de Colette KLEIN.

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MCDem. — Quels poètes ou livres ont marqué votre parcours créatif ?

C .K. — J’ai d’abord découvert Nerval, puis Éluard et Artaud.

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MCDem. — La poésie a tôt fait partie de votre vie ?

C .K. —J’ai écrit dès l’enfance. Après mai 68, un club de poésie a été créé dans mon lycée. J’en étais la responsable et j’ai organisé des récitals avec les élèves intéressés. Je me souviens en particulier de l’interprétation à plusieurs voix du poème : Sol de Compiègne de Desnos et de son leitmotiv dit en chœur : Craie et silex /craie et silex /Et craie / Et silex et craie et silex et craie / Et silex.

MCDem. — Et vous avez continué…

C .K. — Par la suite j’ai participé à des lectures de poèmes et, bien plus tard, j’ai participé à des récitals de poésie avec Bernadette NICOLAS, guitariste-compositrice-interprète qui a partagé sa vie musicale entre l’enseignement (cours, animations scolaires, conférences), les récitals (en solo et duo avec comédiens et poètes) et la composition (en se spécialisant dans la mise en musique de textes poétiques). Bernadette chantait, s’accompagnant à la guitare, et je disais.

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MCDem. — Quels genres de récitals de poésie avez-vous mis en place ?

C .K. — Il y avait des récitals en hommage à Pierre Esperbé – mort en 2009 – uniquement composé de ses textes et des récitals ouverts à d’autres poètes au cours desquels je disais des textes d’Éluard. Louise Labé, René Daumal, Philippe Soupault. Cocteau aussi. Et Saint-Denys Garneau, vous connaissez ?

Je marche à côté d’une joie. D’une joie qui n’est pas à moi. D’une joie à moi que je ne puis pas prendre. Je marche à côté de moi…

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MCDem. — Oui des textes précis j’imagine… des textes forts, ou qui ont particulièrement marqué votre sensibilité ?

C .K. — El Desdichado pour Nerval – le seul poème que j’ai toujours su par cœur.

Je suis le ténébreux, – le veuf, – l’inconsolé, / Le prince d’Aquitaine à la tour abolie / Ma seule étoile est morte, – et mon luth constellé /Porte le soleil noir de la Mélancolie….

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MCDem. — Que vous lisez dans un clip audio sur votre site personnel.

C .K. — Oui. Des textes qui m’ont marquée. Le Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie de Louise Labé… Et un poème de René Daumal, aussi…

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MCDem. — « Le Contre-Ciel » ?… « La Néante » ?… La mort est souvent présente, et même de façon obsédante, dans votre création… Dans votre créativité picturale aussi, dans vos tableaux… Je me souviens très bien de celui intitulé L’Échappée, qui a été sélectionné pour être exposé au Salon d’automne1 du 23 au 27 octobre 20241 : J’ai vu la lumière verte de cette toile, en une sorte de mouvement ascendant (la fameuse diagonale ascensionnelle) comme une polyphonie du monde où, dans le vôtre, le chantage que nous fait la mort, s’entend… La lumière de vos toiles est singulière. J’ai l’impression que tout un monde, extrait de la glaise, s’y soulève dans certaines d’entre elles, et que tout un peuple, invisible ou allégorique, s’y manifeste avec, la terre ancestrale : une terre millénaire qui marche sous nos pas…

Envol, peinture de Colette Klein, 30×30

C.K. — C’est la terre qui marche sous nos pas2 (rires) . De Daumal, je disais Triste petit train de vie.

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MCDem. — Pour revenir à René Daumal, lui aussi oscille entre deux pôles, entre le chaud et froid, entre (ef)fusion de la lave et glaciations… Cette   douleur symptomatique entre amour et souffrance renvoyée à « la Néante » : « (…) dans cette nuit polaire aussi blanche que noire, dans ce cœur dévasté aussi bien feu que glace, dans cette tête, grain de plomb ou pur espace, vois quel vide parfait se creuse pour ta gloire« … Vous avez écrit Néante aux mains d’oiseaux3. Dans vos Insomnies du voyage, recueil qui regroupe beaucoup de textes que vous avez  publiés dans la Revue polypoétique Phréatique, la Néante intervient souvent, est présente notamment via son époux dans « le Gardien de la Lune« … 

C.K. — Il y a aussi le texte de Cocteau…

Rien ne m’effraie plus que la fausse accalmie /d’un visage qui dort ; / Ton rêve est une Égypte et toi c’est la momie / Avec son masque d’or. (…)…

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MCDem. —Toujours cet entre-deux, cet invisible passage, ce glissement à peine perceptible, d’un monde à l’autre…Comme un même visage qui, sur son loup ou derrière le miroir, reflèterait ou intègrerait le monde ; s ’en vêtirait, à l’endroit – à l’envers, miroir en mille abîmes invisibles ou éclats de tranches de vie, de bris de lames glaciaires en surface, remous tout au fond…
Une vie intérieure intense invisible/symptomatique, hors et au-dedans…

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Paris le 10/02/2025

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« Perceval », 55×66, peinture de Colette Klein
« Mémoire double », 46×38, peinture de Colette Klein

Site de Colette KLEIN :https://www.coletteklein.fr/

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notes :

1 – Salon d’automne du 23 au 27 octobre 2024 : Colette y exposait cette toile dans la section « Variations », ainsi que deux petites toiles au stand des Petits Formats.

2 – recueil de Colette KLEIN paru en 2022 aux éditions La Feuille de Thé.

3 – (GRP collection Phréatique : 1984)