nouvelle parution, illustrations de Marie-José Doutres, aux éditions Po&psy.

Sous l’élégante jaquette-boitier des livres Po&psy , ce recueil composé de 4 petits leporellos est une invitation à découvrir la poésie de Li Qingzhao (1084-1155). Universellement reconnue comme la plus grande poète chinoise de tous les temps, elle a mis à profit la nouvelle forme prosodique du ci (voir notre précédent article ), poème chanté à vers irréguliers, apparue sous la dynastie Song, pour exprimer d’une façon personnelle, résolument allusive et métaphorique, les expériences intimes d’une vie mouvementée. Elle laisse 60 de ces poèmes chantés, outre des oeuvres classiques.

La poète, qui a consacré toute son oeuvre à son défunt mari, est l’image même du personnage de la veuve inconsolable.

Traduits par Danièle Faugeras et Joana Maguire-Charlat, ce sont quatre poèmes qui sont proposés, reliés par le thème du lotus rouge, symbole en Chine d’amour et de compassion.

Les textes, bilingues, sont accompagnés de dessins de Marie-José Doutres, plasticienne contemporaine.

Depuis les nuages
qui m’enverra un livre de brocart3
Un vol d’oies sauvages par sa forme t’évoquera4
quand la pleine lune brillera sur le pavillon ouest.

Les fleurs par nature tombent en voltigeant
l’eau par nature s’écoule,
un seul amour partagé,
deux lieux de chagrin impuissant.

Sous le titre Fragments of China (éditions Klarthe), quatre poèmes de Li Qingzhao ont été mis en musique par le compositeur Karol Beffa, dans leur traduction anglaise : « tout un cycle amoureux, à l’image des quatre saisons : rencontre, premiers émois, amour réciproque, désamour et abandon »

1 – Le lotus rouge est, en Chine, un symbole d’amour et de compassion.

2 –  » Orchidée » vient du grec ancien órkhis, qui signifie  » testicule » – par contre, en Chine, c’est une métaphore commune pour l’organe sexuel féminin.  » Barque orchidée » est donc, de toute évidence, une métaphore pour le lit, à la fois lieu de sommeil et de rencontre amoureuse. Un lit dans lequel la poète se prépare à « embarquer » en solitaire, tourmentée par la frustration et le chagrin de l’absence de l’être aimé.

3 – « Livre de brocart » fait référence à une histoire ancienne : la femme du gouverneur de Qinzhou avait envoyé à son mari un poème palindrome un message, donc, à lire en boucle. Les livres chinois anciens étant constitués de lamelles de bambou maintenues côte à côte par des fils de soie entrecroisés, on peut supposer que l’épouse en question avait sur-broché cette reliure, réalisant comme un brocart.

4 – On disait en Chine que la formation de vol des oies sauvages reproduisait le caractère rén人, qui signifie « homme, personne, moi, toi, elle ou lui » (ici, sans doute, l’être aimé). On pensait que les oies sauvages, en raison de leurs migrations régulières, étaient porteuses de lettres, en particulier de messages d’amour.