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3 – Eric Poindron – Susanne Derève – René Chabrière – Chantal Godé-Victor – Sandrine Daraut –
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Eric Poindron
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Mon ami écrit des poèmes jaunes à l’encre mimosa comme d’autres étudient l’histoire ancienne des nuages anciens ; à l’image jaunie de Andhré des Gachons, cet aquarelliste discret et météorologue amateur qui, jadis, dans les plaines de la Champagne crayeuse et dorée relevait les couleurs et les humeurs du ciel, deux fois par jour sous la forme légère de presque 10000 aquarelles. Les rouilles et les ors. Les cieux de foin et de feu.
La nuit, c’était l’épreuve du classement et de l’archive.
Les ciels mauvais d’un côté, les taquins de l’autre.
Pour les hésitants, il hésitait.
Mon ami qui voit jaune n’hésite jamais.
Puisque les poèmes bleus sont déjà écrits, il s’occupe des jaunes perrosiens. Ça en fait des poèmes. Il ne faut pas se tromper.
Les poèmes jaunes sont les plus difficiles à exécuter car il faut savoir lire entre les jaunes.
Il faut aussi une bonne et longue vue – imaginer au delà des îles grecques et même de la Norvège n’est pas donné à tout le monde.
Alors mon ami se met à la tâche. Aux aguets aussi.
En conscience.
Par exemple, si la terre devient jaune comme une orange qui se prendrait pour un bleu de méthylène, mon ami écrit un poème sur le citron.
Mon ami n’oublie pas non plus que William Turner, à l’instant du trépas, déclara :
« Le soleil est Dieu. »
Alors mon ami prend ses aises dans le colza et le jaune de fin de saison puis fait un somme chez les
peintres de la moisson.
Ça n’est pas plus compliqué que ça même si c’est un peu plus compliqué.
Si vous tombez sur un poème jaune, soyez certain qu’il est de mon ami ; celui qui lit entre les saisons, les
doigts tout tachés de mimosa et de discrétion.
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Susanne Derève
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Les lices bleues du ciel
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Les lices bleues du ciel
– lie éclatante –
dans leur dérive lente jusqu’au blanc
où ciel et mer joignent
le fil de cette mince ligne de crête
avant la brume – s’y perdent
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On pourrait croire que tout s’achève ainsi
mais ce bleu ne s’épuise pas
non plus celui de la fleur byzantine
– nigelle que ma mère semait à la volée
la pierre d’Egypte
ou le bleu Klein
qui me prit un jour dans sa toile
à ne plus savoir si j’approchais ainsi
la perfection du vide
ou la pure innocence de l’art
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L’éternité tient tout entière
dans cet azulejo de printemps
à peine griffé d’un vol de mouette
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René Chabrière
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Les couleurs se mélangent,
l’arc-en ciel est ici…
j’ai associé le jaune et le vert,
une pointe de rouge pour ce faire…
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Un bal , une rencontre réussie
pour aimer se jouer
de leurs complémentaires…
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un yin et un yang
qui, ainsi superposés,
ne sont plus en conflit.
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Peut-être que les peuples tiennent ainsi
la solution des choses…
un peu de brun, un peu de rose
voisinant avec du gris…
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Malgré tout le respect que je dois
à la préparation du fond
on y verrait pousser des fleurs
heureuses de lumière
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c’est une sorte de fête
où les pinceaux se libèrent
dans l’improvisation
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je reviendrai pour les finitions,
poser un vernis de bonheur…
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Chantal Godé-Victor
J’ai vu soudain au milieu de la nuit
un volcan de flammes, bleu et rouge mêlés
en une gigantesque éruption de couleurs
comme surgies des antres de l’enfer.
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C’est, dit une voix inconnue,
c’est la révolte de l’homme humilié
les pleurs de la forêt brûlée,
la terreur de l’enfant perdu dans la guerre
et les larmes chaudes de sa mère,
c’est la fureur de la terre blessée
et qui se meurt.
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C’est, répliqua une voix intérieure,
c’est le soleil enivré qui danse,
et virevoltent les couleurs qu’il a créées,
c’est l’éblouissement face au regard qui se penche
sur le nouveau-né,
c’est la chaleur d’un dimanche,
le miracle de la branche qui s’incline
pour abriter la main qui tente de saisir
son mystère.
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C’est la vie qui se réinvente
au bord de l’éternité.
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Sandrine Daraut
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