Elizabeth Guyon-Spennato (Italie), Diego Cocco (Italie), Laura Garavaglia (Italie), Florence Dreux, Dominique Hecq (Australie), Clara Régy (France)

.

Peace and love

Sur une photo jaunie 
Un sourire et des fleurs tressées 
dans les cheveux de la mariée
Souvenir d’un temps où on souhaitait
Amour et paix
.

À la radio passe cette chanson
Qui n’a pas vieilli
La guitare à la main 
et le cheveux long
Elle chante l’espoir et la paix

.

Eux n’aiment pas les fleurs
Ils les piétinent, dans un pays
tant de fois déjà meurtri 
Une terre d’azur et de blé
Qui rêve d’amour et de paix

Elizabeth Guyon-Spennato

Per il domani di altri

Ecco perché gli alieni

continuano a ignorarci,

ecco perché abbiamo costruito

il mondo a forma di bomba,

ecco perché il mostro dormiva

con un ghigno in volto,

ecco perché siamo così bravi

a ripassare la storia,

ecco perché preghiamo

ogni sera i nostri Dei,

ecco perché vogliamo comprare

lo spirito col denaro,

ecco perché il calore umano

è rinchiuso dentro un barile di petrolio,

ecco perché abbiamo dimenticato

il 

ecco perché godiamo a far vincere l’istinto,

ecco perché la notizia è buona droga oculare,

ecco perché ci sentiamo comunque

lontani e in salvo,

ecco perché la pace è una caramella troppo dolce

per lasciare che si dissolva in bocca.

Diego Cocco

Pour le lendemain des autres

Voilà pourquoi les extraterrestres

continuent de nous ignorer,

voilà pourquoi nous avons construit

le monde en forme de bombe,

Voilà pourquoi le monstre dormait

un ricanement sur les lèvres,

Voilà pourquoi nous sommes si bons

à repasser l’histoire,

Voilà pourquoi nous prions

nos dieux chaque soir,

Voilà pourquoi nous voulons acheter

l’intelligence avec de l’argent,

Voilà pourquoi la chaleur humaine

est enfermée dans un baril de pétrole,

Voilà pourquoi nous avons oublié

la

Voilà  pourquoi nous jouissons quand l’emporte l’instinct,

Voilà  pourquoi les infos sont un bon opium oculaire

Voilà  pourquoi nous nous sentons de toute façon

loin et bien tranquilles,

Voilà  pourquoi la paix est un bonbon trop sucré

pour le laisser se dissoudre dans la bouche.

trad. Marilyne Bertoncini

Yusuf

Yusuf


Yusuf siede accanto a sua madre, il corpo riverso
[nel campo.
La luce del sole ora taglia lo sguardo bambino.
Al mattino i lampi nel cielo, il boato:
forse un temporale, ma senza la pioggia
che scioglie la terra in mille rigagnoli scuri.
La guerra cancella i confini del senso.
E forse era un gioco, sua madre dormiva
le braccia incrociate sul ventre da ore
e non si svegliava.
E nella voragine nera finite
le povere cose di casa.
Yusuf non sa ancora, il padre
e il fratello uccisi lontano
oltre le dune di sangue
dall’alba al tramonto.
Sua madre narrava
racconti d’amore e di pace.
Yusuf ora attende la sua voce.

Laura Garavaglia


Yusuf is sitting next to his mother, his body lying faceup
[in the field
Sunshine’s carving his childlike gaze.
In the morning lightening in the sky, a blast:
perhaps a thunderstorm, but no rain
melting the soil into endless dark rivulets.
War deletes the borders of sense.
Perhaps it was a game, his mother had been sleeping
for hours, her arms folded on her belly
and wouldn’t wake up.
And the black chasm had swallowed
the poor things of home.
Yusuf still doesn’t know, his father
and his brother killed far away
beyond the dunes of blood
from sunrise to sunset.
His mother had been telling
tales of love, tales of peace.
Yusuf is now waiting for her voice.

Laura Garavaglia

Yusuf

Yusuf est assis à côté de sa mère, allongé sur le dos dans le champ.

La lumière du soleil coupe maintenant le regard de l’enfant.

Au matin l’éclair dans le ciel, le rugissement :

peut-être un orage, mais sans la pluie

qui dissout la terre en mille sombres ruisseaux.

La guerre efface les frontières du sens.

Peut–être était-ce un jeu, sa mère dormait

ses bras croisés sur le ventre pendant des heures

sans se réveiller.

Et dans le gouffre noir désormais

les pauvres choses de la maison.

Yusuf ignore encore, son père

et son frère tués

au-delà des dunes de sang

De l’aurore au couchant.

Sa mère racontait

des histoires d’amour et de paix.

Yusuf désormais attend sa voix.

trad. Marilyne Bertoncini

Le héron

Premier matin

L’ombre a passé, furtive, sur le bassin.
Dans un éclair orange,
Deux ailes déployées.
L’enfant crie :
Héron,
Poissons,
Vies volées,
Envolées !
L’enfant pleure.
Il sait la mort désormais.

Deuxième matin

Aube chaque jour plus grise.
Face à l’adulte sans réponses,
Les questions ont cessé.                                           
Sur le bassin muet                 
L’enfant pourtant
S’obstine,                                                                

Attend,                                                                                 

Guette.                                                          

Troisième matin

Sur l’onde un souffle,                       
Orange.
L’enfant doute.
Poisson,
Rescapé,        
Surgit,

Survit !

L’enfant rit.

Il sait l’espoir désormais.

Florence Dreux

Hors de portée des étoiles

Des éclats de bombe

Etourdissent le ciel.

Les cendres tapissent

Des morceaux de terre

Des bouts de chairs

Les murs de pierres.

Veiller le jour

Et enfourcher les rêves

– Ecorce de vie –

Sandrine Davin

Mantra

Tears glue the man-child to the other

Man-child who says I was on reserve.

Tears glue the man-child to the other

Man-child who says we were in training.

Tears glue the man-child to the other

Man-child who says they shot my mate.

Tears glue the man-child to the other

Man-child who says let me call my mum.

Russia’s captured men-children all call

Unbelieving mothers & I’m speechless.

I check on the unsleeping man-child.

Together we watch all the other

Men-children awake in a nightmare

Sending the whole world out of orbit.

The screen goes fuzzy. Then black. We

Pray for the extermination of war.

Senseless carnage. Mass murder.

Hope for loneless starry nights to be.

Dominique Hecq

Mantra

Les larmes collent l’homme-enfant à l’autre

Homme-enfant qui dit j’étais de reserve.

Les larmes collent l’homme-enfant à l’autre

Homme-enfant qui dit on était en entraînement.

Les larmes collent l’homme-enfant à l’autre

Homme-enfant qui dit ils ont tué mon pote.

Les larmes collent l’homme-enfant à l’autre

Homme-enfant qui dit laissez-moi appeler maman.

Tous les hommes-enfants de la Russie appellent

Des mères incrédules & moi je suis bouche-bée.

Je jette un oeil sur l’homme-enfant inassoupi.

Ensemble on regarde tous les autres

Hommes-enfants éveillés dans un cauchemar

Qui catapulte le monde hors de son orbite.

L’écran devient flou. Puis noir. On

Prie pour l’extermination de la guerre.

Le carnage insensé. Meurtre de masse.

On s’accroche aux nuits d’étoiles désesseulées.

Dominique Hecq

Huguette  : le colis pour « eux »

On a pleuré en voyant les petits enfants fatigués, donner la main à leurs parents, qui ne savaient pas où aller. Alors dans le jardin on a mis plein de choses jaunes et bleues et on a brûlé plein de journaux avec une vilaine tête. On a dansé autour pour chasser la tristesse: on ne savait même plus trop laquelle. Alors on a décidé de préparer un gros colis.

Hortense a donné sa souris IKEA (on avait dit pas les marques) presque toute neuve : seulement quelques poils en moins sur le ventre, Salagadou ; son os en polyuréthane mordu seulement 2 fois, ZinZin a écrit un beau texte, parfois les pattes de mouche ça fait une belle écriture, et ZzzZzz a peint des cœurs avec ses ailes. Ils étaient contents quand tout à coup, ils se sont tous retournés vers moi : et toi tu donnes quoi ?

On a ouvert mon armoire de « chêne sombre » ZzzZzz trouve bien d’écrire ça.J’ai voulu donner ce que j’ai de plus beau : mes Louboutin, ils ont hurlé comment ils vont marcher avec ça les gens ?

Ils ont souvent raison: je voulais donner ma belle tenue aussi : non ! Pas assez chaud !

Alors dans le carton, j’ai mis mes chaussettes à doigts, mes écharpes en restes de laines, mes plaids La redoute, mes pyjamas Damart en pilou : plein de choses chaudes et douces, mais moches m’a dit ZinZin…Toujours aimable ma Zinzin l’intello !

Alors j’ai dit : c’est pas les mots qui réchauffent les gens ! Quoi ? j’aurais mieux fait de me taire !

On a philosophé tous les 5, et j’ai pris conscience de mon erreur, j’ai demandé à ZinZin d’écrire pour moi, elle m’a dit que son écriture est « internationale » et je l’ai crue et c’était bien. On a tous rajouté des mots chauds, doux, tendres…Puis dans un dernier sursaut d’humanité on a mis un maximum de choses dans le carton, on ne sait plus trop quoi…

Mais au moment de partir déposer le colis près du camion « spécial » à 2 kilomètres de la maison j’ai compris que les dernières chaussures qui avaient échappé à la caisse collée scotchée et recollée étaient bien celles qui ont la semelle rouge.

Je viens de rentrer, mes pieds aussi sont rouges, mais ce n’est pas le cuir qui a déteint, j’ai fini pieds nus ! Les enfants sont en train de me préparer une grande bassine d’eau tiède, que les filles goûtent en plongeant joyeusement, Hortense teste la chaleur avec sa précautionneuse patte blanche et Salagadou y nettoie un vieil os qu’il a dû déterrer pendant mon absence.

Je n’ose pas être heureuse de les retrouver, alors qu’il y a des gens qui souffrent, je pense que c’est pas bien, mais quand même…

On a encore quelques journaux à brûler avec cette vilaine tête, on le fera demain et on dansera en disant des mots chaleureux au cas où il aurait une tendre tornade qui les pousserait vers « là-bas ».

On ne sait jamais !

Clara Régy