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En février 2024 paraissait aux éditions Bertoni l’anthologie « Fiorire l’inverno », sous la direction d’Emanuela Rizzo et Luca Ariano. L’un de mes poèmes, inspiré par un vers de Paul Celan, tiré de « La Rose de Personne », y figure.
J’ai la surprise de lire ce vendredi matin le poème composé par Re Chab en écho à mon texte. Et voici en route un « atelier de création » un peu différent, un jeu d’échos à créer ensemble !

Voici la règle que je propose :

se saisir d’un vers, dans l’un des poèmes déjà en ligne (le premier ayant déjà fait l’objet de nombreuses suites, je le retire du jeu, afin de favoriser un réel tissage de nos voix multiples – il est accessible en pdf)
et développer un texte (aucune limitation de taille – autant d’envois qu’on veut, mais contenant le vers qui a sollicité votre imaginaire) – création qui servira à son tour d’inspiration pour les suivants,
ou proposer une image, collage, photo, dessin avec ce vers pour titre …

Nous vous attendons nombreux, pour « fleurir l’hiver » en ce mois de décembre. S’ENTRE-LIRE, se relier, tisser les mots, les émotions, donner des couleurs et de la chaleur à la vie à travers la création et la poésie.

propositions à envoyer à : embarquement.poetique@gmail.com,
EN FICHIER DOC, enregistré A VOTRE NOM.

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Marilyne Bertoncini

La Rose de l’oubli*

* ce vers et l’inspiration sont de Paul Celan

écouter ici la version italienne du poème « Rose de l’oubli »

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Re Chab

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La fenêtre  est-elle ouverte ?

ou bien est-ce mon reflet

qui se prolonge

sur le jardin gris

.

à l’ombre des collines

le rêve habite encore ma mémoire

dans la course des heures

où tout s’affadit, change de couleur

.

les souvenirs s’en vont

teintés de gris aussi,

au brouillard de l’oubli,

comme ce bouquet de fleurs

.

qui, dans son vase blanc

lentement meurt,

la rose au parfum

dilué par la nuit

… elle  s’approche,

elle est là, elle vient

… et tout, lentement  s’éteint…

RC

.

Marilyne Bertoncini

.

« La fenêtre  est-elle ouverte ?
ou bien est-ce mon reflet
qui se prolonge
sur le jardin gris
 »
(Re Chab)

photo mbp – La cuisine et le jardin de Saorge

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Marilyse Leroux

.

Je suis encore

en train de naître

en a-ton jamais fini

avec ce qui vient

Au bout du champ

le ruisseau s’en va

rejoindre d’autres eaux

C’est un parcours simple

avec ses contours

ses lignes droites

ses hésitations

La lumière le précède

comme un héritage laissé là

pour le cœur confiant

Je le suis

d’herbe en herbe

fidèle à ce qu’il devient.

dimanche 15 décembre 2024

Instantané écrit en ricochet aux mots de Marilyne Bertoncini « encore en train de naître »

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Patricia Malquarti

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« Peut être sur la fenêtre dont je rêve parfois, [,,,]  , penchée sur le jardin ou plonge ma mémoire… » (Marilyne Bertoncini)

Patricia Malquarti ; Photo de ma fenêtre d hiver fleurie au romarin et fleurs du jardin de Brigitte
Sigale, déc 2024

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Jacques Cauda

.

la fenêtre dont
je rêve

passe la fleur par la forme

qui passe la tête par la fenêtre

par le trait et la couleur qui procurent l’élan

qui m’anime lorsque je peins des fleurs.

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La pivoine a la grâce du jour qui se lève par un beau matin d’été.

.

La tulipe nous dit ce qu’elle a à dire, et rien d’autre.

.

Les chats et les fleurs ont ceci en commun : ils s’élèvent !
Les chats par leur âme

(nuage rêve)

les fleurs par leur trajectoire

de la terre à la table.

.
C’est pourquoi la fleur voit (a dit Odilon Redon) son rêve
Passer par
son rêve
de la fenêtre à la table de la table au tableau…

.

.

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Marguerite Cèdre

les bougies que
tu as allumées
reflet des instants de la découverte

.
découverte d’un lieu
d’un amant
d’un désir depuis longtemps disparu

.
ta voix se disperse
dans la quiétude
d’un crépuscule intemporel

.
comme le soir s’éteignent les paroles

.
les voilà consumées
pareilles aux bougies
que tu as allumées en septembre là-bas

sur un vers de Marilyne Bertoncini

.

Marilyne Bertoncini

.

photo mbp

.

Retour à Lille

.

voyage dans un  no man’s land

où je suis plus perdue qu’en pays étranger.

Couches de mémoire, indices topographiques se superposent

s’annulent –

des rues nouvelles recouvrent les écuries et le manège des 3D, le campement nomade de la rue et ses oies criant Haro à nos mollets

le jardin onduleux des Dondaines diminué et devenu ferme pédagogique,

des panneaux de circulation fleuris aux nouveaux carrefours,

tranchés dans le vif du territoire

un flot rayonnant de phares

au bout de la rue…

.

Je me déplace entre deux cartes,

entre carte et territoire,

comme dans un récit de Borges –

 rien ne colle, rien ne correspond,

à premier abord

.

Puis soudain, on se retourne, une façade est restée

La Maison Bleue

datcha de bois perdue sous le ciel lillois

intacte

éclat de ciel

avec les festons de son fronton

.

La place Blanche semble plus grande

tu y rencontres un cireur de chaussures

épris de poésie

.

et tandis qu’il passe au bleu de nuit tes botillons

vous parlez du Japon,

des souvenirs,

et des photos

(extrait d’un travail en cours, Murmurations des souvenirs)

écho à La Fenêtre d’hiver de Patricia Malquarti

.

Brigitte Dusserre-Bresson

.

« noyer la douleur dans la tasse de lait » (Marilyne Bertoncini)

.

Marilyse Leroux

.

Ta voix se disperse
dans les pollens de l’air
n’essaie pas de la rattraper
elle va plus loin que toi

.

Assieds-toi
sur cette pierre
au bord de ce bassin
peut-être te reviendra-t-elle
agrandie de toutes les autres.

Instantané du 17/12 sur un vers de Marguerite Cèdre

.

Jacqueline Fischer

.

C’est comme un amour  blanc qui traverse des nuits

déchirées de ces sons déformés  syncopés

Ils agonisent au bout d’un quai sans attente

Et pourtant sous les pieds

Quand le gravier affleure

et que le goudron fleure

 c’est un jaillissement de perce tout

La lumière le précède

comme un héritage laissé là

 Neige et coeur

innocent et cruel

Il forge ses pétales

Aux reflets de l’acier

sur deux vers de Marilyse Leroux

.

Marguerite Cèdre

.

un jardin
un banc de soleil
un petit bois royaume des blaireaux
ce matin le jardinier ne viendra pas
la demeure
silencieuse en ses murs
referme ses douleurs
l’horloge immuable scande le présent
devenu passé
quête inutile
j’erre de pièce en pièce
l’empreinte de l’amour m’imprègne
le rêve habite encore ma mémoire
au jardin
le banc
le bois
accompagnent une dernière fois
ce rêve s’égarant dans ma mémoire

sur deux vers de Re Chab

.

Olivier Bastide

.

Croyance

.
Dans le petit matin où pleure la pluie fade, je suis le seul témoin de mon manque de
tendre. Le pas est illusoire et le regard se heurte à ce presque brouillard qui saisit
jusqu’à l’os.
Sont-ils sortis les monstres ? Sont-ils prêts à saigner les gorges trop tranquilles ?
Dans le petit matin ou pleure la pluie fade, le pas est illusoire et le regard se heurte à
l’absence et au vide, au bien peu de constance, aux trop brèves envies, à la fuite
annoncée des nudités célestes.
Sont-ils sortis les monstres ? Et leur brève furie, leur lubrique molesse, leurs
hanches, leurs épaules d’une pauvre étroitesse ?
Dans le petit matin où pleure la pluie fade, je finirai par te trouver, par t’enlever ; un
oiseau chantera , alors, notre bonheur.

sur un vers de Marilyne Bertoncini

.

Louise Brun

.

Elle va plus loin que toi (Marilyse Leroux) (encre de Louise Brun

La lumière douce

Des fleurs

Crée l’ombre

De tes pensées les plus

.

Sombres, mais elle

Apaise et dépose

Un fin trait de douceur

Sur ta peau

Brûlante

.

La lumière douce

Des fleurs /fleurs

De l’ombre/crée et recrée

L’ombre

De tes pensées,

En révélant

L’éclat irisé

De lumière /Lumière

Ecrin, tamisant

La douleur

Et les aspérités

De la nuit.

.

.

Grains de lumière

Qui teintent

Et apaisent le jour.

.

Irisation

Du monde Là où

.

Elle (la lumière)

                               Va plus loin que toi

Et réouvre un chemin.

image et texte sur un vers de Marilyse Leroux

.

Susanne Derève

.

Noyer la douleur dans la tasse de lait
je suis la rose errante
frêle pétale sous la peau claire du matin
je suis celle
qui arrache la douleur à la tasse de lait
celle qui porte de l’aube la déchirure blonde
délivre de ses mains le vol clair des visages
qui partirent en fumée
secoue la poussière des mots et rompt le pain
du repentir
pères mères qui périrent sans l’ombre d’un adieu
sans sépulture
Rose errante je suis
Perce-neige
dans la tasse de lait je bois le deuil de la mémoire
dans la tasse de lait je bois le lait de vie
un enfant au monde s’éveille
contre le sein blanc de sa mère
Rossignol j’entends son cri

Poème écrit en souvenir de Rose Ausländer, « la Rose errante », née comme Paul Celan à
Czernowitz (Bucovine) où ils se rencontrèrent la 1ère fois en 1944.

.

sur un vers de Marilyne Bertoncini

.

Re Chab

.

La cascade de Déroc ( sur le plateau d’Aubrac )

photo Re Chab

La lumière précède
la chute verticale
de l’eau lente, hésitante.

.
Elle serpente, paresseuse,
entre les herbes humbles
du plateau d’Aubrac.

.
C’est la fin du basalte
au bout du champ,
là où l’horizon se rompt,
infidèle à sa ligne.

.
Le ruisseau n’a plus d’appui,
chute vertigineuse,
à l’aplomb de la falaise :

.
la cascade de Déroc
n’hésite plus
sur le chemin à prendre,

.
éclaboussant les blocs géométriques
de ses embruns
les bousculant,

.
puis. reprend son cours paisible,
elle court, plus bas
rejoindre d’autres eaux
dans d’autres prairies,

.
toujours en train de renaître
grossissante,
pour se perdre enfin

.
dans les yeux sombres
d’un lac qui reflète
l’assemblée obscure des pins
barrant une partie du jour…

écrit en ricochet aux mots de Marilyse Leroux « rejoindre d’autres eaux »

.

Marilyse Leroux

.

Je te regarde au-delà des formes
sans savoir qui tu es

Ton toit est-il aussi sûr que le mien ?
Le jour a-t-il appris à te reconnaître ?
 .
On dit que le monde tient dans une tasse
l’anse du cœur collée à même la peau
 .
Si je pense à toi je deviens nuage
fil d’horizon étiré dans les lointains
je respire plus calmement
 .
Sur la table le thé fume à son allure
comme s’il me comprenait

Je me demande s’il garde l’empreinte
de ce temps passé avec toi.
 .

sur le dessin de Brigitte Dusserre-Bresson

.

Marion Lafage

.

Comme un héritage laissé là

pour le coeur confiant

la goutte de café

tombée sur le cahier

.

J’entends miauler dans ma mémoire

tache du lever de lumière

sur les sommets enneigés

.

petit matin de givre figeant

les souvenirs remontés

saumon dans le couchant

.

le crayon taillé du clocher

pique le jour froid

ses pistes animales en étoiles

.

branches dénudées

de l’abricôtier, du cerisier

et l’absence violente du chat

.

sur un vers de Marilyse Leroux

.

Patrice Dufetel

.

Fleur unique

.
Née dans la déchirure
Tu as boulotté l’ombre
Des vieux murs de Carthage.

.
Derrière le rideau
Qui n’est plus
Tu apprends
Le souffle de la mer.

.
Tu es
Sans adresse postale
Le vent qui a fleuri.

.
Ton éclipse fut brève
Et ton parfum
Parle d’une reine.

.
Les lanciers noirs sont partis
Ta bouche m’est restée.

.
C’est la fin du basalte
La reine est morte
Et tu souris.

.

sur un vers de Re Chab

.

Re Chab

.

Rose errante je suis

Rose errante je suis

recluse entre les pages

du livre scellé de l’histoire :

je ne garde de la vie

que les pétales desséchés

d’un souvenir qui perdure

Rose qui demeure

en  absence de sépulture

faut-il toujours croire en l’avenir ?

Le bouquet des adieux

se passera de cimetière

le vase restera creux

le vent continuera de passer

même s’il ne s’inscrit pas dans la pierre

Rien n’effacera la mémoire

Le livre restera clos.

On ne peut le feuilleter

et revenir en arrière :

rose errante je suis

entre ses pages, prisonnière…

.

sur un vers de Susanne Derève.

.

photo Re Chab

Jacques Merceron

.

Et le soyeux bâillon du vent

Cœur en chamade

Se serre et se desserre

Comme un sanglot ravalé

.

En son licol délacé

lance ses cavales

Comme feux follets courant

Sur les bruyères vagabondes

Sur les genêts et les grenats de Groix

.

Vent de mémoire

Qui plante ses fougères dans la muraille

Enroule ses serpentins

Sur les balises de Port-Tudy

Et jusqu’à la Pointe des Chats

Projette des embruns

.

Et puis porté

aux Monts d’Arrée

S’infiltre sous les jupons

De la Roche Tremblante du Huelgoat

S’engouffre tourbillonne

derviche tourneur

En train d’enfer au Yeun Elez

Dans la bouillie du Youdig

.

Braspart Botmeur Berrien

Le vent scande vos syllabes à pas de galoches

La Feuillée Loqueffret le vent frais s’insinue sous vos noms

.

Soyeux bâillon du vent

Tu refleuris nos cœurs

Sous les yeux révulsés de tout hiver

Sur un vers octosyllabique de Marilyne Bertoncini

18-12-2024

.

Eva-Maria Berg

.

wie das fenster von dem ich träume

die Rose die flieht

vor den zäunen und den ihren

um sich dem unbekannten zu öffnen

tief in die ferne atmend

comme la fenêtre dont je rêve

la Rose s´enfuit

se dégage des grillages

pour s´ouvrir à l´inconnu

en respirant au profond de l‘horizon

(trad. de l’autrice et Marilyne Bertoncini)

Margueritte Cèdre

.

le thé de l’amour a réjoui mes lèvres

.

des jours des nuits

délices au palais 

instants de plaisir 

enrobés d’amertume 

je ne  goûterai plus

le thé de l’amour 

les nuages ont dévoré 

notre histoire et son ombre

.

dans la tasse de lait je bois le deuil de la mémoire

sur un vers de Susanne Derève

.

Marilyse Leroux

.

J’habite une fleur une autre

le temps d’un abandon

.

Je ne sais quel est son voyage

s’il a un sens au regard des étoiles

je me souviens que je lui ressemble

lorsque je ne pense à rien

.

Le désir est un vaste jardin

une griffure me le rend plus présent

éclat de rire ou pleur sans fin

.

Je songe à nous dans la peau de la fleur

ses pétales dessinent une corolle

dont nous sommes le centre.

.

Sur l’encre de Louise Brun

.

Lyv Guéret

.

Un nom palpite encore entre mes lèvres

Goût du café fort

Un baklava inondé de miel et d’or

Assise aux marches de pierre

Coupoles et minarets si fiers

Istanbul

sur un vers de Marilyne Bertoncini

.

Béatrice Pailler

.

De gris ou de bleu qu’importe

Toujours les têtes se lèvent

Regards et bouches tendus

Vers l’espérance du voyage.

.

En respirant au profond de l’horizon

Se puise le seul souffle possible

Celui de la quête infinie

Ce mélange d’hier et de demain

De nostalgie et d’espoir

D’une enivrante humanité.

Ainsi est le vin des rêveurs

Vin fraternel des bâtisseurs d’avenir.

.

Au profond de l’horizon

Est la source commune

D’un ciel comme une liqueur.

sur un vers d’Eva-Maria Berg

.

Esther Daniel

trois poèmes

.

Etait-ce un mirage

Ou bien était-ce un jour

De jasmin

Ce petit matin clair

Ce petit matin lointain

Qui traîne dans mon crâne

Comme un tatouage

Une empreinte de pétales

D’une rose de Chine

Etait-ce un mirage

Ou bien était-ce un jour

De jasmin

Une traînée de lumière

Ce matin de passage

Qui fleurit étoile

A l’abordage

Dans mon cœur hiver.

sur un vers de Marilyne Bertoncini

.

1

Suspendue au fil de l’éphémère

Comme une statue immobile de pierre

Je ne sais pas

Je ne sais plus

S’il faut marcher pieds nus

Ou rester assise

Se noyer dans les pages d’un livre

Ou dans une tasse de lait

Je ne sais pas

Je ne sais plus

S’il faut attendre et ne rien dire

Recroquevillée

Les yeux dans le vide

Ecouter les bruits de la ville

Faire une pause

Ou chanter.

                           

2

Elle prend la pause pierre

Assise aux pieds nus

Du mur gris

Sortie du couloir des pages

D’un livre de poésie

Elle scrute l’immobilité de la réalité

Un mur comme horizon

Comme prison de ses chimères

De ses pensées

Elle tend son regard sur les interstices

Les arabesques et le chiffe 6

De l’inachevé.

Une pause, un break (un arrêt)

Respirer

Dilution de sa douleur

Dans la tasse de lait

Elle n’est pas parfaite

Beauté libre

Les cheveux déliés

Et le cœur ensemencé

De rêve et d’amour sucré.

sur l’encre de Brigitte Dessere-Bresson

.

Ange Pieraggi

.

Ange Pieraggi, « La Maison sous les arbres », aquarelle 60×45, 2024

une autre « Maison bleue », en écho également à un vers de Ming Di : « Des Mots d’or et d’argent en divers alphabets »

.

Anne Soy

.

Et pourtant sous les pieds

   le sable danse à fleur d’écume

.

la mer

cimetière de migrants

.

un jour inondera la plage

D’après le vers de Jacqueline Fischer « Et pourtant sous les pieds »

.

Denis Heudré

.

Sur un vers d’Eva-Maria Berg

.

Marguerite Cèdre

.

un étang près du château
une silhouette blanche

.
brume
compagne de sa désespérance
tu troubles l’attente d’un
amour fugitif
vent de mémoire
qui plante ses fougères dans la muraille
tu tourmentes les
souvenirs incertains
les pluies de l’aube réveillent
les oiseaux nichant près de l’étang

.
elle n’entendra plus chanter le rossignol


sur deux vers de Jacques Merceron

.

Re Chab

.

« Les paroles s’éteignent dans la nuit »

.

Les paroles s’éteignent dans la nuit.

Une nuit profonde,

où les étoiles s’en vont

une à une

comme  s’éteignent les chandelles

des  « leçons de ténèbres ».

Les voilà consumées

vouées à l’obscurité éternelle:

je ne pourrai plus lire

le prolongement de tes vers

puisque tu ne pourras plus en écrire

privé désormais de lumière….

prolongement à l’écrit de Marguerite Cèdre avec « les voilà consumées »

.

NB: les  « leçons de ténèbres » sont la conclusion de l’office des ténèbres, forme musicale  pratiquée  au XVIIè siècle par une bonne trentaine de compositeurs, où on éteint une à une les chandelles pour que la scène se trouver plongée dans l’obscurité, et célébrer symboliquement  le deuil après la crucifixion…

.

Marguerite Cèdre

.

le thé de l’amour a réjoui mes lèvres

des jours des nuits

délices au palais 

instants de plaisir 

enrobés d’amertume  

je ne  goûterai plus

le thé de l’amour 

les nuages ont dévoré 

notre histoire et son ombre

dans la tasse de lait je bois le deuil de la mémoire

.

sur un vers de Suzanne Derève

.

Re Chab

.

Etait-ce un mirage –

Un matin de passage
dans mon cœur hiver.
Une trainée de lumière
sur ce qui me reste de fleur,
nouvel éclairage
sur l’empreinte de pétales
qui jamais ne meurt,
étoile de gel
aux heures matinales
que le matin révèle…


écho aux vers d’Esther Daniel « était-ce un mirage« 

.

Perle Vallens

.

Depuis la tige hissée se rêve la droite et verte
envergure de la vie que le vent fait dévier 
Couchée n’est pas mourir mais la trajectoire baignée d’eaux de pluie
signe au cœur l’attraction de la terre et l’expansion racinaire dans le sillon tracé
D’où elle essaime perçoit le soleil comme en plein rêve 
son miroir sa face cachée sa résurgence 
C’est pourquoi la fleur voit (a dit Odilon Redon) son rêve
traverser l’épaisseur de l’obscurité
toutes ses forces concentrées sur ce qui la fait durer jusque dans sa nuit
ce qui lui fait lever la tête et poursuivre sa vie de végétal
Son changement de territoire lisible dans son œil qui devine son propre avenir
elle se laisse souffler et voyager ailleurs

sur un vers de Jacques Cauda

.

Louise Brun

.

Wie das fenster von dem ich traume

Je rêve.

.

Je rêve et la fenêtre découpée dans le

Vide

Du temps, s’entrouvre

.

Ce qui apparaît n’est pas encore une image.

Plutôt l’envers

.

Des mots-images,

.

Un instant suspendu, une matière souple

Indéfinissable

encore

.

Wie das fenster von dem ich traume.

.

Et dans l’encadrement de la fenêtre je peux rêver,

Rêver des mots et des images qui me traversent.

Je regarde dehors, mais aussi en dedans, à l’intérieur de la pièce,

Une chambre peut-être.

.

Le rêve traverse l’espace et le vide du temps n’est plus un vide. Le vide du temps est

Redevenu

Vivant.

.

Wie das fenster von dem ich traume.

Je rêve encore et l’espace du rêve qui traverse la fenêtre

Me relie à moi-même et au monde.

.

Ouvre le regard à l’espace dans un temps de nouveau

habité.

.

sur un vers d’Eva-Maria Berg

.

Doria Pazzoni-Gavini

.

Doria Pazzoni-Gavini sur « Comme le soir s’éteignent les paroles« 

.

Chantal Godé-Victor

.

Partir

Rêver par la fenêtre

.

Abandonner les souvenirs

dilués par la nuit

et la course des heures

et se laisser emporter par le vent

au-delà des nuages.

.

Sur le pas de la porte

un panier empli de pommes

de romarin et de fleurs séchées

signe l’oubli du passé.

.

Et le regard vole

plus vite que l’oiseau

vers des lieux inconnus

et de nouveaux possibles.

.

En écho aux vers de Re Chab

.

Marilyse Leroux

.

La fleur dit ce qu’elle a à dire et rien d’autre

cela peut suffire au cœur poreux

Le jardin rit de ses corolles

de ses parfums

la goutte pleut où il faut

– elle ne pense pas à rejoindre la mer

la patience vit d’elle-même

rouge tulipe cœur coquelicot.

sur un vers de Jacques Cauda

.

Brigitte Besos

.

 O   Rose

De l’oubli…

Entre les pages

de la nuit

.

Tu glisses sans fin

Sous le tain

Des vieux miroirs…

S’effeuille le jardin

A travers l’oeil-de-boeuf

Bal des saisons, grâce des fleurs…

Et même la marquise

Bleuie par l’hiver

Arc-en-cielle sa marguerite

Au-dessus de nos têtes

.

Peut-être

Comme

La fenêtre

Dont je rêve

.

Bague magique à facettes

Ouvrant l’aurore

Indéfiniment

Au creux des vieux murs

Pour un instant de diamant pur

Fulgurant sur le seuil du Réel !…

.

à partir de deux strophes de Rose de l’oubli

.

Jean-Marc Barrier

.

C’est comme un amour blanc
un opéra silencieux
le jardin dérobé s’ouvre
à l’envers de nos apparences
doux froissé d’un rire ou du pétale
absolu pollen de nos distances
et cette obsédante et légère vrille
de ton corps entre le soleil et le poème
fleur    dicte-moi la période et le fugace 
le drap velouté d’une célébration 
dans le secret tremblé des dimensions muettes
incarne au creux de nos regards

.

l’autre mémoire de la source et
le ciel unique dans nos poitrines

.

le jardin dérobé, encre brodée, jm barrier, 70×76 cm

 poème et encre nés d’un vers de Jacqueline Fischer

.

Anne Barbusse

.

et l’absence violente du chat
dans le creux du jardin d’hiver dans le froid
d’un décembre attentif
ou bien était-ce un jour
de jasmin étoilé
de jasmin
d’hiver petits soleils ténus dans
le creux du solstice fictionnel

quand
le chat blanc franchit la flagrance
des dernières vivaces
tressées
fin d’année vide comme
ciel à perte
et feuilles évacuées
au jardin jaune le jasmin
sans parfum sinon
lumière

sont-ils sortis les monstres
solidifier le silence
à force de fleurs
et débâtir l’hiver

sur un vers de Marion Lafarge, deux vers de Marilyne Bertoncini et un vers d’Olivier
Bastide

.

Flore Iborra

.

Elle était de ces femmes

qui regardent

sous les feuilles des lierres

et s’y attardent

éblouie

par le vert

plus pâle des feuilles

révélé par les bourrasques

Et le soyeux bâillon du vent

parcouru

de pure lumière

se reposait

sur son haleine

pour l’empêcher

de dire

ce qu’elle savait

.

sur un vers de Marilyne Bertoncini

.

Brigitte Bardou

.

Je ne sais toujours pas

où vont les morts

quand ils passent

comme des enfants graves

dans les prairies incendiées d’étoiles

.

Les volets les retiennent

hors de la chambre

Je n’ai pas peur

ça c’est fini

Les loups de l’armoire

dont tu disais

          quelle innocence 

qu’ils n’existaient pas

ont quitté la maison

.

Juste sous les draps

j’ai plié ton rire

et tes mots d’amour

je les entends la nuit

tes chuchotis

.

Le bouquet des adieux

est resté dans le vase

Il penche un peu..

.

sur un vers de Re Chab

.
Marilyse Leroux

.

Ce matin mon enfance voyage dans des sandales bouillies à
l’eau des cimes. Aurai-je le temps de tout comprendre de la
grande traversée ? Un cavalier passe à l’orée du vallon. Je le
suis comme s’il traçait ses premiers sillons.
Les gens qui aiment le pas des chevaux n’ont pas peur des
départs. Ils boivent la grande haleine animale qui remue les
forêts. Plus vite que l’oiseau, souffle le vent. Et le cœur les
suit aux sources de l’air.


Sur les mots de Chantal Godé-Victor

.

Marguerite Cèdre

.

Perdu dans tes rêves 

Tu sens les fragrances du temps 

Abreuver ta mémoire 

Ivre

D’un ciel comme une liqueur 

Venue des nuages

Les mots le verbe

T’échappent 

Tu ouvres ton cahier de nuit 

Sur un vers de Béatrice Pailler

.

Re Chab

.

Un matin de passage
dans mon cœur hiver.
Une trainée de lumière
sur ce qui me reste de fleur,
nouvel éclairage
sur l’empreinte de pétales
qui jamais ne meurt,
étoile de gel
aux heures matinales
que le matin révèle…


écho aux vers d’Esther Daniel « était-ce un mirage »

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Richard Roos-Weil

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Étrange ce ¨ rien n’effacera la mémoire
Le livre sera clos
¨

Le bruit des insectes cesse sur le papier glu
Au dessus de la table

Ces miniatures ces pattes de mouche
Ce piétinement sur place

La main sur le rebord
Et la parole qui va à tâtons
À pas comptés

Le vent heurte cogne
Le temps a pris toutes les ailes
S’enfoncent des pieux s’entendent des voix enfouies

Choisir de dériver
D’écouter par tranches par passages ?

Cela tourne remue dans nos têtes

On voudrait que nos gestes
Se fassent écho
Que nos mains
Nos jambes puissent franchir
Enjamber

Joue réplique imagine l’air
Le lancer à ton tour

Tu ajoutes du violet du bleu sombre au bas de la page
Et attends

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sur un vers de Re Chab

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Sandrine Davin

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Les souvenirs s’en vont /teintés de gris aussi

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Harmony FLavigny

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Rejoindre d’autres eaux

sur un vers de Marilyse Leroux

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Célia Sème

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Elle prend la pause pierre

Enkystée

Face à la mer

Empourprée

Le sable l’a recouverte

De blond poudré

Et l’écume verte

Lèche ses pieds.

Est-elle vivante ou

Trépassée ?

La douleur est partout

Méritée ?

Maudite sois-tu

Féminité

Et pourquoi s’être tue

Fracassée

Les rochers sont pointus

S’y jeter

Et si le vol la tue

Volonté

Le viol de la statue

Concerté.

Sur un vers d’Esther Daniel

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Chantal Godé-Victor

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La maison bleue
intacte
éclat de ciel
, éclat de voix
me parle
me rappelle une chanson
que nous écoutions dans l’insouciance
et la fraîcheur de nos vingt ans.

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Belle maison bleue
sur la photo non écornée
par le lointain des souvenirs.

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Où va la vie qui est passée ?
Où vont les choses disparues
et tous ceux que nous ne voyons plus ?

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Peut-être dans les mots,
dans les poèmes
que nous n’avons pas encore écrits.

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En écho à la photographie et aux vers
de Marilyne Bertoncini

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Reni Koleva

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La journée se fond
dans l’absence brumeuse
de lointaines collines,
noyée dans la tasse de lait,
dans le nuage de tristesse.
La journée s’achève
par un frisson du rosier
et les battements des ailes de la fenêtre.
Je ramasse des pétales fanés,
des ailes de papillon
et je touille le lait
dans le sens des aiguilles de la montre.
Demain sera un autre jour.

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sur deux vers de Marilyne Bertoncini

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Marilyse Leroux

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Je me déplace entre deux cartes1
les doigts parcourus
de distances inconnues

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Les routes suivent leurs tracés d’artères
et les fleuves leurs veinules

;
Cela cogne quelque part
es-tu là – pour qui ?

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Vert dans le vert
une forêt cherche sa géographie
entre plaine et montagne
la neige oublie ses couleurs
au-dessus des frontières
ne me chassez pas
de votre royaume

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Le temps est un flux
descendu de très haut
je l’entends rouler ses cailloux
dans les plis du papier.


1 -sur un vers de Marilyne Bertoncini