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L’Occident semble fou – l’Europe s’embrase – Ukraine, Arménie, Israël-Palestine… Que reste-t-il des espoirs de paix et de fraternité avec lesquels on pensait vivre après les conflits meurtriers qui ont marqué, sur notre sol, le XXème siècle… ?
Né dans le fracas et la douleur, ce nouveau siècle – qui aborde bientôt son deuxième quart – a apporté son lot d’absurde violence ,et poursuit dans l’horreur absolue.
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Les poèmes inédits que vient de m’envoyer la poète israélienne Gili Haimovich traduisent, à travers cette allégorie des girafes, le désir que j’ai aussi de survol des événements, dans lesquels chacun se précipite/est précipité, sans avoir la possibilité, le temps, la volonté de peser la souffrance des peuples auxquels est imposée la guerre, absurde, sanglante, toujours criminelle pour les victimes de quelque camp qu’elles soient.
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A ces textes se joignent trois autres poèmes, récemment publiés dans le magazine Gitanjali and Beyond . Gili, dont j’ai naguère traduit les poèmes réunis sous le titre Soleil Hésitant aux éditions Jacques André, me les a confiés également, et je suis heureuse de les publier, de les faire circuler – quelques mots de paix, et de souffrance, à partager avec l’espoir qu’une solution humaine parvienne à résoudre la terrible crise subie par les deux peuples que tout devrait unir.
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To Be a Giraffe
1.
Like soft yellow clouds speckled in brown,
the Masai giraffes cross the Kenyan safari.
I was a giraffe once, too, in my mind,
even though I was the shortest in my class,
hanging on to high branches
to be nourished from above—
my imagination, books, arts.
On the earth, lonely, not matching my classmates,
vigilantly searching from my distance after possible dangers.
A child in the Ramat Sharet elementary school in Jerusalem
with her head up in the mountains of Africa,
reading repeatedly ‘Lobengulu King of Zulu’ by Nachum Guttman.
“What is your favorite animal of them all?”
I asked Francis, our tour guide in the Masai Mara safari.
He came with rifle and khaki uniform,
as if camouflaged as a solider.
“The giraffes,” he answered instinctively.
“They hurt no one,”
said the man who has known them from before I was born.
Etre une Girafe
1.
Comme de doux nuages jaunes mouchetés de brun,
les girafes Masaï traversent le safari kenyan.
Moi aussi j’étais une girafe dans ma tête,
même si j’étais la plus petite de ma classe,
je m’accrochais aux hautes branches
pour me nourrir d’en haut—
mon imagination, les livres, l’art.
Sur terre, seule, différente de mes camarades de classe,
Scrutant de ma hauteur les dangers possibles.
Une enfant de l’école primaire Ramat Sharet à Jérusalem
Don’t la tête haut dans les montagnes d’Afrique,
lisait sans se lasser « Lobengulu King of Zulu » de Nachum Guttman.
« De tous les animaux, quel est celui que tu préfères? »
Ai-je demandé à Francis, notre guide touristique du safari Masai Mara.
Il s’approcha avec un fusil, en uniforme kaki,
comme en camouflage de soldat.
« Les girafes », répondit-il instinctivement.
« Elles ne font de mal à personne »
dit l’homme qui les connaissait d’avant ma naissance.
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2.
As I’m about to turn fifty, half a century, I’m awakened
by the October 7th massacre in Israel,
by the unrestful sleep since it happened
and a war that follows.
It’s the giraffes that come
to visit in my dream.
I see two of them,
perhaps a mother and daughter,
in my building’s backyard,
tall enough to peek into my window
too tall to be protected from the rockets
in the zoo near us,
an open space one,
called Safari.
Too tall to be hidden
in a bomb shelter, with us,
the neighbors brought them here
to lean against our small building
to be sheltered from the bombings.
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The day after I pack my daughters,
we buy books at the airport,
and leave for Greece.
We are based next to the Acropolis
perhaps its outcrop and all it stands for
so many decades
will protect us.
2.
Alors que je suis sur le point d’avoir cinquante ans, un demi-siècle,
je suis réveillée
par le massacre du 7 octobre en Israël,
par le sommeil sans repos depuis que c’est arrivé
et la guerre qui s’ensuit.
Ce sont les girafes qui
Me rendent visite dans mon rêve.
J’en vois deux,
peut-être une mère et sa fille,
dans le jardin de mon immeuble,
assez grandes pour regarder par ma fenêtre
trop grandes pour être protégé des roquettes
sur le zoo près de chez nous,
un zoo en espace ouvert,
appelé Safari.
Trop grandes pour être cachées
dans l’abri anti-bombes, avec nous,
les voisins les ont amenées ici
pour qu’elles s’appuient contre notre petit immeuble
et soient à l’abri des bombardements.
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Le lendemain j’embarque mes filles,
nous achetons des livres à l’aéroport,
et partons pour la Grèce.
Nous sommes basés à côté de l’Acropole
peut-être son promontoire et tout ce qu’il représente
tant de décennies
pourra nous protéger.
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In the Old City
the past is a beating heart
exhausted by tourists.
We can trust finding falafel
more than finding Jesus.
I follow you,
or you follow me,
Via Dolorosa,
the Alley of the Impure,
Santa Claus on a camel.
I don’t find a destination
but your eyes
searching for salvation.
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The Land
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The land is beaten down by heat and lethargy.
The only journey that might succeed here
is the one after comfort.
The Holy Grail is left somewhere
on top of hearths or churches
framed by double glass windows
overlooking a landscape with potential for snow.
But in this soil, the ambition of faith left different traces.
Its footprints are going backwards
to the trees
as if they’re the cradle of civilization.
Their roots are creeping above the concrete
like veins, secrets,
paving their way towards revelation.
Or arrows pointing
to Holy Grails that glow as brightly
as all non-existent treasures.
These roots confront the comforting camouflage of the soil’s bosom.
Whereas synagogues are concealed between apartment buildings
as if modesty could offer salvation.
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Failed Secular
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It’s my father,
who chased away pain
the same way I run away from pleasure.
I do not know which one of us got farther.
If I stick my hand into my father’s throat,
like a chick attempting to feed,
I won’t pull out a big NO from there.
However, I can’t be fed by approval.
It’s the darker minerals that I crave.
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I have grown estranged from peacefulness,
even when not attempting to hide.
I still kick
theoretically.
When presenting, prefer to add,
to my maiden name, not to my surname,
into the present tense—
Passive Rebellious.
So there is no revealing of past struggles
instead I winnow (win + now?) a hint of secrecy.
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I have failed at being secular.
Managed too well living as a couple.
Became accustomed to the belief I love you.
I don’t know what other beliefs I’ve accumulated.
What a shame, to keep on being lonely,
even after getting married.
I unite better with things that aren’t me.
Dans la vieille ville
le passé est un cœur qui bat
épuisé par les touristes.
On est sûr d’y trouver des falafels
Plutôt que Jésus.
Je te suis,
ou tu me suis,
Via Dolorosa,
l’Allée des Impurs,
Le Père Noël sur un chameau.
Je ne trouve pas le but
mais tes yeux
en quête de salut.
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La terre
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La terre est abattue de chaleur et de léthargie.
Le seul voyage possible ici
est la quête de confort.
Le Saint Graal est abandonné
quelque part
au dessus des foyers ou des églises
protégé par des doubles vitrages
surplombant un paysage de neiges potentielles,
Mais dans ce terreau, l’ambition de la foi a laissé d”autres traces.
Ses empreintes remontent
jusqu’aux arbres
comme s’ils étaient le berceau de la civilisation.
Leurs racines sinuent au-dessus du béton
comme des veines, des secrets,
traçant la voie vers la révélation.
Ou comme des flèches pointant
Vers le Saint Graal qui brille aussi fort
que tous les trésors inexistants.
Ces racines affrontent le rassurant camouflage du ventre de la terre.
Alors que les synagogues sont dissimulées
entre les immeubles
comme si l’humilité pouvait offrir le salut.
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Laïque ratée
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C’est mon père,
qui a chassé la douleur
de la même manière que je fuis le plaisir.
Je ne sais lequel de nous est allé le plus loin.
Si je plante ma main dans la gorge de mon père,
comme un poussin tentant de se nourrir,
Je n’en tirerai pas un grand NON.
Pourtant, je ne peux me nourrir d’approbation.
C’est de plus noirs minerais que je désire
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Je me suis détachée de la paix,
même sans essayer de me cacher.
Je rue toujours
théoriquement.
Quand je me présente, je préfère ajouter,
à mon nom de jeune fille, pas à mon nom de famille,
au présent—
Rebelle Passive.
Il n’y a ainsi aucune révélation des luttes passées
à la place, je crible (cible+ici?) un soupçon de secret.
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J’ai échoué à être laïque.
Trop bien géré la vie de couple.
Je me suis habituée à la conviction de t’aimer.
Je ne sais pas quelles autres croyances j’ai accumulées.
Quel malheur d’être seul toujours,
même après s’être marié.
Je m’unis mieux aux choses qui ne sont pas moi.