Marilyne Bertoncini – Giancarlo Baroni (it. photos et texte – trad. mb) – Constantin Enache (Roumanie – oeuvres et texte) – Marilyse Leroux – Christien Marie-José (collage et texte) – Pierre Rosin (dessin et texte) – Cilcee – Maria Tavera – Fanie Vincent – Sacha Zamka
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Marilyne Bertoncini
SIDERATION
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Un éclat d’étoile m’était entré dans l’œil : On ne parcourt pas sans risque les prairies du ciel.
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Et cet éclat crissait de mille sons diaprés sur le fond insonore de ma nuit où il dessinait des buissons de comètes mouvantes comme des posidonies translucides et phosphorescentes dans l’eau claire du demi-sommeil.
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La lumière crépitait au cistre de cigales et, dans le souvenir, se mêlait à l’ondulante brume de chaleur qui trouble et double la longue silhouette des pins flottant comme toi dans l’eau de ton sommeil – zébrures parfumées et sonores des arbres à térébinthe dans le soleil de la nuit.
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Tu avances – tu flottes-glisses vers la lumière intérieure – elle est douce et palpable comme le pétale d’un drap frais – elle t’attire et t’enveloppe d’une vague claire et palpitante mais, tu sais qu’il faudra traverser la grande nuit qui éteint tout pour l’atteindre – enfin – tout au bout du long voyage.
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Il semble que tu dérives en flottant sur les eaux de la nuit. Tu pénètres l’anneau couleur lilas de la madone fluorescente qui protégeait ton fragile sommeil d’enfant : elle t’enveloppe désormais de sa mandorle fluide, son manteau de lumière est mouvante méduse dans le courant du rêve. Elle a la forme de ton oeil où pétille l’éclat d’étoile.
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Paupières encore closes, tu te demandes si ton globe renversé est blanc comme celui des statues. L’éclat sidéral diffuse à présent dans mes veines le froid métal du matin et les prairies du ciel s’éloignent lentement avec le pépiement des premières mésanges.
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Ne pas ouvrir les yeux blessés qui brûlent encore d’une braise d’étoile.
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Marilyne Bertoncini, poète, traductrice, revuiste, créatrice et animatrice du site jeudidesmots/embarquement poétique. Dernières publications : Il Libro di Sabbia (Bertoni ed. italie, 2022), Damnation Memoriae (avec les photos de Florence Daudé, Le Petit Véhicule, 2023), Scatti di Luce/Instantanés de lumière, avec Alma Saporito, photos de Francesco Gallieri, PVST ? 2023)
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Giancarlo Baroni
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Espulse i gemelli come un vulcano
Dopo avere ingoiato due asteroidi gemelli
la stella nana si addormentò. Quando si accorse
che il buco nero stava aspirandola
espulse i gemelli come un vulcano
decisa fortemente a sopravvivere
tramite loro.
les jumeaux expulsés comme par un volcan
Après avoir avalé deux astéroïdes jumeaux
l’étoile naine s’endormit.
Quand elle s’aperçut
que le trou noir l’aspirait
elle expulsa les jumeaux comme un volcan
vivement déterminée à survivre
à travers eux.
trad. Marilyne Bertoncini
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Constantin Enache
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Entre terre et ciel…
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tellure, tellurique, physique, métaphysique –
silhouettes ailées de dieux et demi-dieux, d’oiseaux et d’animaux,
d’hommes et de femmes avec les cheveux en flammes,
chevaux et chevaliers avec des bombes célestes de météores,
théâtre galactique d’une danse montée en guerre
dans un espace et un temps ténébreux et lumineux, entre terre et ciel.
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univers de métaphore et de métamorphose –
anges et démons dans un cercle de drones-lucioles,
tonnerre et foudre créés par les épées et les orages,
pléiade intense de particules d’étoiles,
dans un spectacle de pluie de couleurs, d’atomes et de fleurs,
à travers la fumée, d’ailes et de plumes
portées dans un vol-statique par le vent d’une tempête.
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CONSTANTIN ENACHE, chorégraphe, écrivain, peintre. Membre à part entière de l’Union de l’Art chorégraphique de Roumanie; titulaire d’un licence et d’un master en Composition chorégraphique de l,’Université nationale d’Art théâtrale et cinématographique de Bucarest.1
https://constantinenachedanse.wordpress.com/2021/06/16/les-peintures-proposees-et-realisees-
par-constantin-enache-france/
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note
1- METAVERSE” (série) :
„METAVERSE : 1”, 21/11/2022, France, acrylique sur toile, 60 x 80 cm
„METAVERSE : 2”, 21/11/2022, France, acrylique sur toile, 60 x 80 cm
„Dialogue avec la gravité” (série) :
„Dialogue avec la gravité : 3”, 28/10/2022, France, acrylique sur toile, 61 x 50 cm
„Lux Solaris”, 28/11/2022, France, acrylique sur toile, 60 x 80 cm
© CONSTANTIN ENACHE. Tous droits réservés.
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Marilyse Leroux – deux poèmes
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L’Etoile
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Je la sens à l’intérieur de moi
qui irradie ce qu’elle touche
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Je peux l’oublier
comme on oublie de respirer
l’insaisissable la première
qui me donne son œil.
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Poussières de ciel
ailes de rien
la vie s’interpelle
dans le grand jardin
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Partout ça bout ça s’ébroue
ça profuse ça flamboie
chaque fois une première fois
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La luciole fait la nique à l’étoile
et l’étoile à tout ce qu’on ne sait pas
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Ça court ça concourt
ça diverge sans savoir si
– comètes abeilles
coccinelles lointains soleils
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Météores météorites
les particules font le grand huit
celui qui n’en finit pas
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Le Big Boson exulte :
« Hi hi hi Higgs !
c’est moi le roi de la création ! »
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Le hanneton rigolard
s’en moque comme de l’an
moins 13,8 (milliards)
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Le grillon du gazon
a retenu la leçon :
petit grand – grand petit
qu’importe la mesure
lorsque s’ouvre le jeu
lumière et pensée
en un rire.
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Marilyse Leroux, même si elle explore plusieurs genres d’écriture, est avant tout poète. Elle a publié une trentaine d’ouvrages dont le dernier, paru aux éditions Rhubarbe, s’intitule Les mains bleues. Elle aime associer ses mots aux œuvres des artistes : photographes, peintres, sculpteurs, musiciens…
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Marie-Josée Christien
Inventaire intuitif
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A force de fixer
les étoiles
les yeux ouverts
sur le temps
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je reconnais le fluide obscur
dans le hiatus du jour
le cosmos
me traverse
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dans les fibres de la lumière.
Extrait de Généalogie de la matière (en cours d’écriture)
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Marie-Josée Christien est poète, critique littéraire, auteure jeunesse et collagiste. Pour l’ensemble de son œuvre, elle est lauréate du Prix Xavier-Grall et du Grand prix international de poésie francophone.
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Pierre Rosin
peut être s’agit-il d’un poème
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Peut être existe-t-il
à l’extrème de l’univers
une planète toute composée de matière noire
dont je ne sais rien
mais le nom est joli
et me laisse imaginer
une sorte d’envers de la terre
un monde pacifique et beau
inventif et doux
lointain inaccessible
libre moi ici d’en concevoir
toutes les merveilles
sachant
que chacun restera
chez soi
avec ses limites ses imperfections
ce qu’il aime
ce qui lui fait peur
ce qui le rassure
la vie au quotidien
la tête dans les étoiles
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Pierre Rosin écrit et peint. Il expose ses images et ses poèmes ensemble ou séparément.
Cinq de ses recueils ont été publiés. Le dernier en 2023 « je dessine » chez Gros Textes.
Il vit à Poitiers. Site : http://pierrerosin.fr/
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Cilcee
Du fond de mes entrailles
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Si dans mes mains glisse la pluie
Si dans mes veines glissent les couteaux
De ma blessure coule les non-dits
Avec mon sang coulent les mots
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Et ces taches sur le papier
Sont-elles de larmes ou bien de sang
Quand j’écris pour ne pas sombrer
Au fond d’un délire océan ?
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La fièvre qui s’empare de moi
Lorsque la feuille s’écorche de mots
Qui m’apparaissent au bout des doigts
Du plus profond de mon cerveau
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Est toute chaleur concentration
Quand la phrase plie, ondule et ploie
Puis est moiteur excitation
Lorsque le texte se déploie.
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Et je griffonne et je rature
Papier métaphore de ma peau
Les lignes se croisent et les bordures
Prennent la forme d’étranges arceaux
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Je ne sais si l’écrit est bon
Ne sais quel sera son futur
Je sais que l’accouchement est long
Et qu’il faudra une déchirure
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Et puis au bout vient la lumière
Vois mes entrailles ont engendré
Fait de tourments et de poussières
Un nouveau poème cendré.
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Cilcee : Dans ma vie professionnelle, je tente de combattre l’injustice du monde. Dans ma vie personnelle, je crie par écrit ma révolte et mes doutes – parfois je parle d’amour aussi. L’écriture est mon amie et ma bouée depuis que je sais manier un stylo. J’apprends maintenant à partager mes mots devant un public par la grâce de soirées slam.
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Marie Tavera
La Vocation des Mouches
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cartographie, Maria Tavera – « et celui qui va consulter la carte va, en fonction de ce qu’il en apprend, imaginer ce qu’il continue d’ignorer. Gilles Tiberghien, Finnis Terrae«
Venue de la ville et des rives du Léman, Marie Tavera vit aujourd’hui en Ardèche. Le dessin, l’écriture, sont
ses outils pour regarder: le mouvement des choses, la porosité des mémoires et des paysages que
nous habitons, que nous abritons. Publications en revues, aux éditions du frau & du Miel de l’Ours ; deux livres d’artiste avec La Baraque de chantier. https://taveramarie.wixsite.com/site
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Fanie Vincent
MATIERE NOIRE CLAIREMENT INVISIBLE
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En rêve un couteau entre la dent
Je la vis la mort
En corps délire et des lyres encore
Instrument de Satan ça tend le diable haut cor
L’enfer démon des monts sans merveilles
Noire sœur de l’âme
Unis vers le sombre quand Samain me guide
Lame du rouge couteau l’amor dans l’âme
Peur des crans d’arrêt verrouiller l’écran d’arrêt
Energie de l’invisible – mythes au logis des monstres hâtifs
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Je fuis l’en nuit noire met le point sur l’i vert du jouir
Entraînée lumineuse par la chevelure de Bérénice
Le charmant de sable a peuplé mon désert
Oasis en fou-rire – halo de vie
S’aimer jusqu’au premier soupir
Après l’effroi connaître la brûlure de tes gestes
L’amour en chemin de faire dans la vallée des vivants
Sur une autre galaxie dans les toiles du berger
Je perds tout sens de la gravité. .
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Tête dans les nuages, pieds sur terre, la poésie d’abord Rimbaud et Prévert Fanie Vincent en écrit depuis
l’enfance. Elle figure aux Editions Domec dans «Infinis paysages» parutions en (Poésie Première)
sur des blogs (Capital des mots, Anthologie subjective de Guy Allix, Beauty will save the world…)
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Sacha Zamka
Carte
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sauvage ce qui est au fond de nous des larmes
l’éternité se goutte à l’ombre de deux arbres
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naître regrette aimer émet mourir retarde
une fois une fois rien ne se réincarne
nous essaimons étoile et nous rayonnons larve
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chair la fragilité redevient notre marque
deux et deux ne font plus quand nos coeurs battent quatre
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nous rêvons un pays connu d’aucune carte
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Né en 1995, Sacha Zamka grandit en France. Après ses études, il découvre Vienne, New York, Montréal. Il se consacre à l’écriture de nouvelles et de poèmes depuis lors. Ses écrits, hantés par l’enfance, interrogent le deuil, l’identité, la mémoire, dans une langue où s’affrontent fragments bibliques et expériences quotidiennes, témoignant d’une condition diasporique.
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