photo mbp
.
Gérard Bocholier (France), John F.Mc Mullen (USA), Julian Matthews (Malaisie), Hasan Erkek (Turquie), Laurent Delabesse (France), Andrea Moorhead (USA), Dario Roberto Dioli (Italie), Lucilla Trapazzo (Suisse-Italie), Narki Nal (France)
.
Sur le rocher fleurit la rose
La rose blanche sans épines
.
Sur les charniers ton espérance
Sanglée de toutes nos douleurs
.
Sur ta croix une rose rouge
Que la nuit n’a pu refermer
.
Dans nos poings serrés le silence
D’où jaillira l’aube en triomphe
Gérard Bocholier
What Can I Do?
The bombs are falling
the mortars are shelling
houses are falling
people are dying
.
What can I do?
.
I didn’t know that
Ukraine was so modern with
big fancy apartment houses
5 rooms with terraces
like ones I once lived in
now rubble
with unlucky tenants
blown up or buried alive
.
What can I do?
.
People walking
with a lifetime
of possessions
in one bag
carrying children
and pets
leaving all behind
as they flee death
.
What can I do?
.
I never saw anything
like this before
Vietnam – Iraq – Afghanistan
were all newspaper wars
with highlights at 7PM
this is real time
and it is horrible
.
What can I do?
.
I could send a lot of money
if I had any
I could go over and fight
if I were 50 years younger
I could pray
if I believed that it would work
.
What can I do?
.
So I watch
.
consumed by the horror
fearful of missteps that could bring on World War III
concerned for the first time ever for my family and home
.
.but I have my answer
.
What can I do?
.
I can only write
John F. MacMullen
Que puis-je faire?
Les bombes tombent
les mortiers pilonnent
les maisons s’écroulent
les gens meurent
.
Que puis-je faire?
.
j’ignorais que
l’Ukraine était si moderne avec
de grands immeubles de luxe
5 chambres avec terrasses
comme ceux où j’ai vécu
maintenant décombres
avec des locataires malchanceux
explosés ou enterrés vivants
.
Que puis-je faire?
.
Des gens marchent
avec tout ce qu’ils possèdent
dans la vie
réduit à un seul sac
ils portent des enfants
et des animaux
laissant tout derrière eux
en fuyant la mort
.
Que puis-je faire?
.
Je n’avais jamais rien vu
de comparable avant
Vietnam – Irak – Afghanistan
c’ étaient des guerres de journaux
avec des temps forts à 19h
là c’est le temps réel
et c’est horrible
.
Que puis-je faire?
.
Je pourrais envoyer plein d’argent
si j’en avais
Je pourrais aller me battre
si j’avais 50 ans de moins
je pourrais prier
si je croyais que ça puisse marcher
.
Que puis-je faire?
.
Alors je regarde
consumé par l’horreur
craignant des faux pas qui pourraient provoquer
la troisième guerre mondiale
pour la première fois inquiet pour ma famille et ma maison
.
mais j’ai ma réponse
.
Que puis-je faire?
je ne peux qu’écrire
trad. Marilyne Bertoncini
.
DOGS OF WAR
You see them at the park
Sizing up the competition
Barking, out of fear
Or warning
.
When they get close enough
They smell each other’s bums up
Such ardour in that odour sniffing
What glorious messages are they divining?
.
Just like plotting co-conspirators
turning innocent patsies into assassins
Sussing out the next best depository window
Or the ideal grassy knoll, do you suppose?
.
Well, nothing to snipe about
We are all tethered in a way
Instead of a leash, a social media stream
It’s addiction to this algorithmed screens
Constant checking and oversharing
The dumbing down and doomscrolling
Stimulating pathways of dopamine
All in this together and yet, all so very alone
.
Come now poets throw them a bone!
Now is not the time for « thoughts and prayers »
Get to work! Don’t hold back your silent screams!
Share your screens, let your words be seen
.
Make every verse an anthem, a chorus,
let it reek of the shock and horrors
You and I know what’s coming: death and grief
and a million mothers’ sorrows
Voice out to save all of our children’s tomorrows
.
If every dog of war must have its day
Then every poet must yank their leashes now,
and have our own say
Be bold, be loud, conjure up your sublime lines,
Let’s elevate this narrative to the divine!
Julian Matthews
CHIENS DE GUERRE
Tu les vois au parc
Évaluer la concurrence
Aboyer, de peur
Ou pour avertir
.
Quand ils sont assez près
Ils se flairent mutuellement le derrière
il y a une telle ardeur dans ce reniflement d’odeur
Quels messages glorieux sont-ils en train de deviner ?
.
Comme complotent des co-conspirateurs
transformant des boucs émissaires en assassins
Repérant la prochaine meilleure fenêtre du dépôt
Ou la butte herbeuse idéale, qu’en pensez-vous ?
.
Eh bien, rien à redire
Nous sommes tous attachés d’une façon ou d’une autre
Au lieu d’une laisse, un flux de médias sociaux
Notre dépendance à ces écrans algorithmiques
Un contrôle permanent, un partage excessif
Le nivellement par le bas et le doomscrolling
Stimulant le parcours de la dopamine
Tous ensemble ici et pourtant, tous vraiment si seuls.
.
Allons, les poètes jetez leur un os !
Il n’est plus temps pour les « pensées et des prières »
Mettez-vous au travail ! Ne retenez pas vos cris silencieux !
Partagez vos écrans, faites qu’on voie vos mots
.
.
.
Faites de chaque couplet un hymne, un refrain,
laissez-le empester du choc et des horreurs
Vous et moi savons ce qui vient : la mort et la souffrance
et le chagrin d’un million de mères
Que vos voix éclatent pour sauver les lendemains de nos enfants
.
Si chaque chien de guerre doit avoir son heure
Alors chaque poète doit arracher sa laisse maintenant,
et s’exprimer
Soyons audacieux, soyons assourdissants, conjurons des vers sublimes,
Élevons nos discours jusqu’au divin!
trad. Marilyne Bertoncini
.
JE ME SUIS RELEVE
TOUT EN SANG,
M’APPUYANT SUR MA PLUME
.
Que dirait la fleur
Que dirait la fleur au milieu d’un champ de ruines
Si on lui demandait de chanter
Ou même simplement de pleurer
Elle chercherait d’abord ses mots entre les pierres
Il y a toujours des mots entre les pierres
Même sous les décombres
Des mots qui ne disent pas leur nom
Des mots restés cachés
Qu’aucune déflagration n’a su emporter
Qu’aucun brasier n’a pu flétrir
Elle prononcerait ces mots que l’on n’oublie jamais
Même quand il n’a pas plu depuis le dernier chant des morts
Dernier chant que l’on ait entendu
La dernière fois qu’un homme a fredonné
Ces mots que l’on garde secrets
Elle chercherait sans doute la main d’un paysan ou celle d’un nouveau-né
Il y a toujours un nouveau-né qui joue sous les décombres
Et qui nous tend la main
Sous les débris du monde toujours un paysan
Pour labourer ce qui reste de l’homme
Une main paysanne qui planterait un arbre
Un tilleul ou bien un oranger
Au côté de l’enfant
La frondaison d’une promesse et l’ombre d’un pardon
Elle chercherait la main d’un artisan pour soutenir le monde
Désœuvrer la mort qui reste
Remémorer à ceux qui ne voudraient que naître
La native innocence de sans cesse reconstruire le bel ouvrage
Achever ceux de nos murs qui ne protègent que des mémoires enfouies
Mémoires vengeresses
Souvenirs immobiles et vaines trahisons
Elle chercherait la main d’un artisan poète
Pour bâtir à nouveau
Né de soi
L’abri de tout oubli
Un toit pour ceux qui vont mourir et ne renaîtront pas
Un alphabet de tuiles et de sacs de sable
Pour ceux qui voudront naître
Sous la muraille des mots
Une maison de pierres
La maison non mortelle d’êtres mortels
On n’apprend pas à parler poliment aux pierres
Qui pourtant écoutent patiemment tomber les hommes sans les déranger
On n’apprend pas à écouter la fleur muette au champ de ruines
Qui pourtant sait qu’un mot vaut plus qu’une prière
Que peut la fleur si l’on meurt à ses côtés
Si l’on meurt sans même lui demander pardon
À elle qui sait pourtant si bien nous pardonner
De si peu l’écouter
Que dirait la fleur au milieu d’un champ de ruines
Elle t’écouterait parler
Elle ne dirait pas son nom
Elle aurait trop peur de mentir
Trop peur de pâlir en parlant
De trahir la lumière qui perce du néant
On n’appelle pas les fleurs à témoigner
Même pour les terres arides
Même en secret
Pour nos frères de cendres
Nul ne les croirait
Nul ne croirait qu’elles parlent d’un visage
Enfoui sous tant de honte
Pourtant amour
Il y a toujours des fleurs d’enfants prodigues qui tombent tout près des champs de ruines
Laurent Delabesse, Thann, Mars 2022
Miracle d’avril
Parmi les tiges du rêve et le silence
des nuits froides d’avril
un murmure recommencera
comme l’eau vive des ruisseaux
après le dégel et les pluies neigeuses de mars,
comme la chanson qui vient de naître
dans le sommeil calme des enfants,
amis des poissons agiles,
des chevreuils et des matous tigrés,
le parfum de Borscht et de Solyanka,
de Varenyky et de Kasha
nous accueillera aux tables des retrouvailles
les plus miraculeuses
sous le ciel mélodieux et clair
de la paix retrouvée.
.
Les colombes de Perséphone
Mots de paix, mots d’espérance
des plumes partout
fragiles et chaudes
des plumes de mots et d’étreintes
sur le corps brisé des villes
où couvent le sang et l’angoisse,
sur le visage des enfants libérés
des décombres de leurs rires,
dans mes cheveux cendrés, dans l’eau hésitante des ruisseaux
une pluie de plumes étincelante et claire
quand tu parles, quand tu viens
avec nous pour nous à cause de nous
des plumes blanches et roses, des plumes inespérées
des plumes de mots des plumes de chair lavée
des plumes de fleur, des plumes de blé et de vigueur,
Perséphone nous revient de son deuil dans toute sa splendeur
portant dans ses paniers le corps guéri
des colombes à mille vies.
Andrea Moorhead
I BAMBINI GIOCANO A FARE LA PACE.
Politici che fingono di esser nemici fra loro
dentro media che servono il solito menú :
bandiere e falso patriottismo
parole come armi e lame
missili dal fronte dei buoni
armi sparano per fare la pace
la colomba ora è drone con le batterie scariche.
Sanzioni
ma i conti li faremo piú tardi
forse
ora dobbiamo rimuovere in fretta
rimozioni
di corpi sventrati in palazzi bombardati
formattati i cuori
oliati gli ingranaggi dei cervelli residui.
Benpensanti sentimentalismi
anticamere di massacri
estinzione di umani e voci dissonanti
intanto lontano
nel loro mondo vero
bambini si danno la mano
giocano tutti insieme
anche con chi a loro non piace
i bambini giocano a fare la pace.
Dario Roberto Dioli.
LES ENFANTS JOUENT A FAIRE LA PAIX.
Des politiciens qui prétendent être ennemis les uns des autres
dans les médias qui servent le menu habituel :
drapeaux et faux patriotisme
des mots comme des armes et des lames
des missiles sur le front des gentils
les armes tirent pour faire la paix
la colombe désormais est un drone déchargé.
Des sanctions
mais plus tard nous ferons les comptes
peut-être
maintenant il faut rapidement les retirer
retirer
des corps éventrés dans des immeubles bombardés
des coeurs formatés
huilés les engrenages des cerveaux résiduels.
Sentimentalité bien pensante
antichambres des massacres
extinction des humains et voix dissonantes
pendant que plus loin
dans leur vrai monde
les enfants se donnent la main
et jouent tous ensemble
même avec ceux qu’ils n’aiment pas
les enfants jouent à faire la paix.
trad. Marilyne Bertoncini
Dissolvenze
C’è forse redenzione nel gesto originario
nella mora rossa che si abbraccia
al giglio.
Ecco, ti presento l’uomo:
conquista con la clava
riversa seme – stupra
saldo nei costrutti sgretolati
nel suo vaso vuoto.
Si piega poi a sua volta
stupito
sull’ignoto.
Lucilla Trapazzo
Fade Out
There is perhaps redemption in the original gesture
in the blackberry that holds
the lily.
Here you are, I present to you the Man:
who conquers with the club
pours seed – rapes
steady in his crumbling constructs
in his empty vessel.
He then bows in turn
astonished
over the unknown.
Lucilla Trapazzo
Disparaître
Il y a peut-être de la rédemption dans le geste originel
dans la mûre qui embrasse
le lys.
Nous y sommes, je vous présente l’Homme :
qui domine avec son gourdin
qui répand sa semence – qui viole
imperturbable dans sa syntaxe en ruine
dans le vide de sa coupe.
Il s’inclinera lui aussi
stupéfait
devant l’inconnu.
trad. Marilyne Bertoncini
Non fermare la mancanza madre
lascia invece che la vita accada
di prato in prato ti sorprenda
lascia figlia che il mattino sia
stupore chissà
anche nel vuoto
indossa denti bianchi
e domeniche di agosto
donna spalanca le tue cosce cariche
di frutti
e se nel tempo del mare sconfinato
più non canta il rosseggiare
dei papaveri non t’infiamma
strappa dalla terra con le unghie
l’urlo
Ancora vivo è il sangue che
straripi dalle tasche
un giorno solo uno
ti fu fiamma di eternità
respiro
Lucilla Trapazzo
Mother, do not stop the absence
instead, let life happen
from meadow to meadow to surprise you
daughter, let the morning be
maybe a wonder even
in the void
wear your white teeth
and all your August’s Sundays
Woman open wide your bountiful thighs
full of fruits
if in the time of boundless sea
the blushing of poppies no longer sings
for you, if it does not inflame you
uproot the scream
from Earth with your naked
fingers
The blood overflowing from your pockets
is still alive
remember – one day only one
it was for you flame
of eternity the breath
Lucilla Trapazzo
Mère, n’arrête pas l’absence
Laisse plutôt la vie advenir
de prairie en prairie pour te saisir
ma fille, que le matin puisse
être émerveillement
même dans le vide
porte tes dents blanches
et tous tes dimanches d’août
Femme écarte tes cuisses généreuses
pleines de fruits
et si dans le temps de la mer infinie
ne chante plus pour toi le rougir des coquelicots
s’ils ne t’enflamment pas
arrache, de la Terre
avec tes ongles
le cri
Toujours vif est le sang
qui s’épanche de tes poches
rappelle-toi – un jour, un seul,
il te fut flamme d’éternité
et souffle
trad. Marilyne Bertoncini
Sororité
J’ai regardé une photo.
Apparitions brumeuses. Un autre monde proche et lointain, comme dissous… le passage espéré est lumière, la porte étroite… Elles vont, fantômes essayer de traverser le mur vibrant de blancheur de l’ailleurs. Promesses…
Le paysage est dévasté. Ruines comme de théâtre et pourtant réelles. Passer la porte étroite. Se déporter hors de la guerre.
Je bascule dans la photo, je suis immédiatement dedans sans savoir exactement où je me trouve. Comme dans un rêve, des impressions à la fois familières et complètement étranges. Comment suis-je là-bas ?
Pourquoi je le sais.
Le groupe s’est retourné vers moi, m’attend.
Je suis la passeuse.
Suivez-moi
Donnez vos mains salies.
Qu’importe !
Je les réchaufferai
Je porterai un peu vos enfants défaits et si pâles
Je donnerai des fruits sucrés
Et la douce chaleur humaine
Vous êtes mes sœurs
Vous êtes si fortes dans votre malheur
Vous êtes belles comme des nativités
Marchons
La porte est ouverte.