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crédit photo : https://www.pandorarivista.it/articoli/2-agosto-1980/
Le 2 août 1980, à 10 h 25, à la gare de Bologne, une bombe posée dans la salle d’attente explose, soufflant le dôme qui retombe ensuite sur les victimes. Un mur porteur s’effondre. 85 personnes sont tuées, plus de 200 sont blessées, arrivant ou partant de la gare pour les vacances d’été.
C’est un souvenir qui me marque – je n’avais, ce jour-là, pas pris le train de Parme à Bologne -il faisait bien trop chaud – ici présenté par le poète-aède Roberto Marzano dans une évocation glaçante des horreurs sans cesse perpétrées par l’humain qui se passent à Gaza, à Kiev, partout dans le monde aujourd’hui.
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NE AVREI AVUTO DI TEMPO
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Ne avrei avuto di tempo per perderlo, quel treno
dimenticare il borsello coi documenti, le chiavi
o l’inutile thermos celeste con dentro i tuoi baci
tornare a casa di corsa, mancare la coincidenza
e vedere i fanali di coda allontanarsi beffardi da Ancona.
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Invece son qui mezzo assopito su questo convoglio
che rimbalza sopra binari quasi abbia capito
di mollarli al più presto, cambiare il percorso
coi finestrini abbassati nella campagna rovente
sussulti, sobbalzi, singulti assordanti.
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Le stazioni sono purgatori di silenzio
macchiati dal gracchiare degli altoparlanti
Senigallia, Pesaro, Rimini, Cesena,
Forlì, Faenza, San Lazzaro di Savena
Via Crucis di ferro che sfila sotto il mio sonno.
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Mi riscuoto solo un lampo d’istante
quando una raffica di fumo e di pietre
mi strappa dal sedile di sky marrone
facendomi a pezzi
durante la fermata a Bologna Centrale
in quest’ingenuo sabato d’agosto
sotto un sole infernale
una pioggia di sangue
e il rimorso, amore, di non avertelo dato
per paura di svegliarti
un ultimo bacio…
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J’EN AURAIS EU DU TEMPS
n
J’en aurais eu du temps pour le rater ce train,
oubliant la sacoche avec mes papiers, mes clés
ou l’inutile thermos bleu clair contenant tes baisers,
en revenant en courant, ratant ma correspondance,
regardant les feux arrière s’éloigner d’Ancône en riant.
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Mais non, je suis là, à moitié endormi dans ce train
qui rebondit sur les rails comme s’il comprenait
qu’il devait les quitter au plus vite, changer de route,
ses fenêtres baissées dans la campagne torride,
des sursauts, des cahots, des sanglots assourdissants.
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Les gares sont des purgatoires de silence
piquetés du crépitement des haut-parleurs
Senigallia, Pesaro, Rimini, Cesena,
Forlì, Faenza, San Lazzaro di Savena
un Chemin de Croix en fer défilant sous mon sommeil.
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Je me réveille juste un instant
quand une rafale de fumée et de pierres
m’arrache de mon siège de Skaï brun
me déchiquetant
pendant l’arrêt à Bologne-Centrale
en ce candide samedi d’août
sous un soleil d’enfer
une pluie de sang
et le remords, mon amour, de ne pas t’avoir donné
de peur de te réveiller
un dernier baiser…
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trad. Marilyne Bertoncini
L’auteur
Roberto Marzano
Gênes, Italie, 1959, poète et interprète primé «sans cravate», narrateur, guitariste, professeur et auteur-compositeur-interprète naïf. Oscillant entre
engagement social et visions, il versifie sur les vagabonds, les ivrognes, les objets inanimés
et les quartiers ultrapopulaires où il a vécu.
“Poliedrico esecutore di pensieri “, ainsi que le définit la préface de son recueil de poésie, Dialoghi scaleni — ou bien “poète sans cravate” comme le désigne sa bio, il est poète- compositeur-interprète de textes et de chansons où son art aux multiples facettes débusque les travers et les du monde contemporain, à travers les objets les plus variés, les avancées technologiques… avec un sens de l’humour mêlant grotesque et surréalisme.
Un monde hétéroclite, d’où le sérieux et le sentiment ne sont pas bannis, mais protégés par
cet humour grinçant qui soulève un coin du réel apparent pour dévoiler ce que l’humain
aurait de meilleur en lui.
(biographie tirée de Recours au poème, où des poèmes de Roberto Marzano ont été publiés en 2023)