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1 – Olivier Bastide – Anne Barbusse – Anne Soy – Jean-Michel Bollinger (photo) – Alain Morinais – Giancarlo Baroni (trad. M. Bertoncini) – Alain Freixe & Marie-José Freixe (photo) – Irène Duboeuf – Richard Roos-Weil – Marilyne Bertoncini – Eric Chassefière – Louise Brun –
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Olivier Bastide
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Dans mon Pays rêvé
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Il paraît que mon regard, que ma parole, ont la force de l’acte, qu’ainsi j’influe sur le cours des choses. Parfois, cela arrive, il est vrai, tant et si bien que les centaines de coups de fouet reçus s’entendent et strient ma chair bien au-delà des monts et des mers. Rouge est mon sang avant la noire colère. Parfois, quelques-uns de mes mots font slogan, résonnent encore et encore, façonnent des consciences.
Mais, bien plus souvent, j’ai honte de n’être que poète quand la nuit n’est plus celle des clairs de lune et des scintillantes étoiles. J’ai honte de ma contemplation des coquelicots, leur rouge essentiel en contraste des verts et des bleus. J’ai honte et je dis pourtant mon amour du beau, de toutes ses constances ou inconstances, de sa diffraction et du blanc.
Alors j’oublie. Dans mon pays rêvé, le cri est le premier souffle du nouveau-né, les couleurs sont d’arc-en-ciel et de paix. L’Homme est toujours mon frère… dans mon pays rêvé…
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Anne Barbusse
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à propos de Un autre monde, Stéphane Brizé, 2021
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Anne Soy
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Je te dois un rêve
le ciel le sol les maisons les volets clos
je monte lentement les marches brûlantes
ma robe blanche tremble dans la chaleur
le silence du Sud
tu m’attendais
le carrelage si frais derrière la porte de bois bleu
dans la ville blanche où la pénombre rend irréelles les
caresses pourtant
partagées
ce silence bleu nous ressemble
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Jean-Michel Bollinger
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Alain Morinais
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La palette du matin
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L’aube a du ciel le pinceau des couleurs
Que la toile en la nuit masquait d’évidences
Derrière les ombres illunisées d’une mer des Nuées
Pressées d’un jus de lumière crue
Aux caresses rêvées d’orange amer
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La palette du matin se brosse les dents de lait du jour
Des teintes révélées d’impressions soleillées d’envies
Colorant le regard au-delà du réel
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Flottant en chemise des songes bariolés des restes de la nuit
Le soleil peint ses rayons de l’arc après la pluie
Les yeux se rêvent en l’instant des couleurs l’infini
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Giancarlo Baroni
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Verdi foglie d’acànto
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Piogge scroscianti colori dilavati
il bianco candore delle statue
esposte alle intemperie. Prima
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pupille variopinte bagliori dorati
e il roseo avorio della pelle,
rosso sangue di drago
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sulle labbra e sul manto
orlano l’azzurro delle vesti
verdi foglie d’acànto.
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Vertes feuilles d’acanthe
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Les averses délavent les couleurs
des statues d’un blanc immaculé
exposées aux éléments. Jadis
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leurs pupilles colorées, des éclats dorés
et l’ivoire rosé de la peau,
le rouge sang-dragon
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des lèvres et sur le manteau
d’azur des vêtements l’ourlet
de vertes feuilles d’acanthe.
trad. Marilyne Bertoncini
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Alain Freixe et Marie-José Freixe (photo)
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Couleurs noyées
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Dédale de pigments. Du rouge en aplomb sur un blanc laiteux qu’ajourent des bandes d’argile. La terre fait des jours dans l’eau.
Quelle sourde tendresse bleuit ces éclats de temps ?
Les lignes se perdent, se diluent, se dissolvent. Demeurent les traces du sourd travail qui tendit jusqu’à le rompre, ici ou là ,l’espace.
Tout paraît limpide. Comme en réserve. Une retenue dans le fatal. Ravins inversés à fleur d’eau. Dépôts dépouillés d’air. Bulles de ciel tombé.
On s’approche du bord. On met genoux à terre. On se penche. Mais c’est comme si on ne se penchait pas. Comme si quelque chose montait du peu d’eau. Un bruit d’ailes. Un oiseau sans nom qui nous aurait alors traversé.
L’air décide de sa transparence. L’air, non pas un état mais un mouvement comme d’un passant en quête d’un chemin perdu. Couleurs en route vers le vide. Et comme aspirées vers les fonds.
Alain Freixe
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Irène Duboeuf
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L’ombre verte
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Un monde s’ouvre
dans l’empreinte des mots
où j’ai posé mes pas.
Si tu as besoin de moi
tu me trouveras près du fleuve
dans la folle étreinte du vent
dans un tourbillon de pétales pourpres
où, qui sait, dans l’ombre verte
d’un tilleul oublié :
le vert est la couleur de mes soleils d’été.
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Richard Roos-Weil
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(A mon père, La Tombe du Plongeur, Paestum)
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Un geste quelques couleurs
Un plongeon une figure à risque
Dans la vallée des morts
Dire l’air et la lumière sans disparaitre
Tu te souviens remontes
T’appuies à cette échelle à même l’air
T’élances
toute personne qui tombe a des ailes*
Est ta réponse
*Ingeborg Bachmann
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Marilyne Bertoncini
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Fiat Lux
(sur des photos de Giancarlo Baroni)
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La lumière tisse le réel
une feuille tricote un écran vert
et pose sa paume sur mes yeux las
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Si la lumière explose au cœur du nénuphar
ouvre-t-elle un passage vers l’autre dimension
où dans des rêves d’or s’effacent les soucis ?
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Qui de l’eau ou de l’ombre
s’abreuve à la lumière ?
La feuille dit le temps qu’il faut
pour que le rêve enfin soit un cristal exquis.
La luce tesse il reale
una foglia sferruzza uno schermo verde
e posa un palmo sui miei occhi stanchi
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Se la luce esplode nel cuore ninfeale
aprirà un passaggio sull’altra dimensione
dove nei sogni d’oro svaniscano pensieri ?
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Chi dell’acqua o dell’ombra
S’abbevera di luce?
Il foglio dice il tempo che ci vuole
perché il sogno diventi squisito cristallo.
trad. de l’autrice
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Eric Chassefière
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Écrire dans la douceur de la couleur
un matin que le vent respire la nuit
écrire dans la lumière de ces fleurs
parsemant le feuillage de leur venue au jour
couleur toute étoffe au pinceau des yeux
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lumière encore dans le germe
au plus près du cœur
comme le sont ces fleurs
brillant du pur grain de la couleur
dans l’encore pénombre de l’éveil
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fraicheur de ce vent sur la peau
chaude lumière pour les yeux
de ce coin de jardin illuminé de ciel
alliage du vent et de la lumière
en ce lieu qu’un oubli caresse
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tu aimes en ce jardin d’aujourd’hui
venir t’immerger dans la couleur
dans le souffle qui en porte la flamme
dans la douceur qui en dit le fruit
y être tout entier naissance du visage
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naître à la couleur à la lumière
n’est-ce poser les premiers mots du poème
ce silence de la fleur qui luit
dans la vaste pénombre d’un feuillage
n’est-ce de lui que le poème se déploie musique
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Louise Brun
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Kaléidoscope
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Les couleurs, toutes les couleurs, passent devant mes yeux, sous mes paupières, à la vitesse du son.
Elles déclenchent parfois des fréquences si aiguës qu’elles paraissent résonner dans tout mon corps.
Elles vibrent, s’animent, se mêlent ou se reposent, comme les émotions qu’elles font parcourir sous ma peau.
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Elles peuvent aussi déclencher des vertiges, d’amour ou de douleur, de douleur ou d’amour, comme de douleur, et d’amour.
Elles tournoient et disparaissent, – ou apparaissent et tournoient, – jusqu’à former un kaléidoscope au cœur battant, où elles se brouillent jusqu’à former des reflets à la fois sombres et d’une profondeur insondable,
Lumineuses, pourtant.
J’aime les couleurs qui se mêlent et touchent à l’âme,
Renversent le cœur, –
Et le temps, leur rendant
Leurs nuances
Et leur chair.
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