photo de couverture : Marilyne Bertoncini – les ailes de nacre du rêve
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L’ANGE, L’ANGE ENCORE
à Rainer Maria Rilke
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Narcisse titube dans le désir, image vacillante sur l’eau irisée, murmure des fruits dans l’arbre, rose angélique sur arête de silex dans l’oblique du matin. Solitude, solitude, mémoire pyramidale, anges, momies dans les linges enténébrés, désir étrange des astres rayonnants, terrifiant pollen pour un sang qui appelle l’aimée, vent d’émeute et de plaisir, vent de la connaissance infinie de la nuit, de la houle, du chaos. Miroir et danse de l’athlète au-delà des chiffres, haleine des amantes délaissées, extase matinale, mains tendues aux vendanges dans la pureté du désir. L’image déborde dans l’intime espace de l’étrange pour l’acquis d’une proximité avec l’indicible et le parfum des étoiles. Nul ne guérit de son enfance et c’est à la cime de l’arbre que l’oiseau veille sur le champ du possible que hantent le dragon et le saint dans le jeu de leur ruses. Au temps des origines quelque chose d’une muette ardeur se fit élan des couleurs du prisme et rien de plus pur n’a résonné dans la friche de ton destin ouvert à l’élégie. Souvent les portes se ferment, mais l’ange acrobate du destin tient dans sa main la clef du songe pour celui qui se doit d’affronter la solitude en laquelle fermente la voix qui appelle le poème. Ferveur, louange pour l’enfant brisé par une naissance en vrille mais émerveillé sur le seuil du royaume botanique où l’oiseau, chante, chante pour l’or des Argonautes (le monde tourne autour de l’œil blessé du sphinx). La nudité des souvenirs, la nuit abrite une rivière fragile, beauté cosmique derrière les fenêtres charitables, vie bondissante dans la démesure d’une élégie de haut vent, métamorphose des jeunes filles naufragées, silhouettes glissant dans le chaos, plainte des fontaines, sentiers invisibles, le cœur puise une sève dans la fatalité en pulsation divine qui se tend en blessure d’obsidienne.
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AMANITE QUOTIDIENNE
à René Char
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La lumière s’incarne dans le sourire du solitaire, modèle de droiture dans les orties incultes où évoluent des esprits loquaces que la beauté d’Artine, amanite quotidienne, agresse d’un érotisme fatal quand le pain est sec sur la table du partage il est temps de tisonner la vérité dans l’harmonie d’une apocalypse généreuse au créneau d’inutile transcendance dans les grands chemins de l’arbitraire. Le sang qui brûle dans la tourmente primitive est impatient sur le chemin des écoliers bordé de murailles aurifères où Madeleine en ses atours de joie insidieuse veille sur le poète qui va son chemin parmi les tournesols (la poésie : cérémonie dans le mouvement de la métamorphose). Chante, loriot, chante sous le feuillage pour une nuit d’orchidée fabuleuse ! Poème pulvérisé dans le sacre, élan du Verbe, travail du Dire en complicité des chemineaux de l’aphorisme, éclats d’évidence dans l’énergie de l’univers, sang et feu dans le temple de l’Ombre, élan d’une vie projetée en parole vers le monde de l’origine, parole insoumise d’Hypnos qui maîtrise l’embrasement du volcan d’Empédocle sur le bord duquel se tient Hölderlin. Voici le vent des monts sulfureux, amour et terreur au talus, humeur fantasque sur les rives de la Sorgue, racines et louange en Vaucluse, terre qui consent à la rage des vents, aux éclairs de fureur et mystère. Emergence incendiaire d’une digitale archaïque au tréfonds d’un puits imaginaire, frénésie de copeaux et orties hors l’hébétude des navires à l’ancre. Majesté précisedans le silence d’une heure adamique confrontée au linceul des beautés dilapidées. Migration dans la splendeur en survivance d’un blason qui brasse la lumière à la merci de sources contradictoires. la douleur gouverne la maison de celui qui s’affole de voir désagrégé le mur sur lequel s’affrontent les couleurs de l’arc-en-ciel en guérilla malicieuse du jour et de la nuit.
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L’auteur :
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Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, GILLES PLAZY a longtemps été journaliste, notamment pour Combat, Le Monde ou Le Quotidien de Paris. Conseiller auprès du directeur de France Culture pendant 2 ans, il est membre de l’association internationale des critiques d’art, et l’auteur de nombreux essais sur les artistes, Cézanne, Matisse, le Douanier Rousseau ou Gauguin. Installé en Bretagne, Gilles Plazy est un « artiste multicarte », comme il aime à se définir : poète – le moyen d’expression qu’il privilégie désormais – photographe, plasticien, écrivain, éditeur, avec La Sirène étoilée, maison d’édition fondée en 2012 proposant des tirages limités à prix modestes- il publie désormais aussi ses textes en tiré-à part offerts aux lecteurs, échappant ainsi au système commercial.