Dans la vitrine du tailleur

un écorché de costume

sanguinole de tous ses fils

.

Dans la vitrine du prêteur

les gages d’honnêteté

sont convertis en carats

.

Dans la vitrine du coiffeur

les jeux de mots mêlés s’atiffent

d’un mauvais hair de circonstance

.

Dans la vitrine du libraire

la poésie unit les titres

qui produisent du texte obscur

.

Dans la vitrine du dentiste

il y a des dents pour un dentier

des dents contre le monde entier

.

Dans la vitrine du silence

il y a des mots imprononçables

mal dissipés de leur enfance

.

Dans la vitrine du menteur

c’est l’assaut des fausses nouvelles

noircies de fard à faire peur

.

Dans la vitrine du banquier

il n’y a rien que la promesse

d’un avenir exubérant

.

Dans la vitrine des voyages

il y a le monde en si petit

qu’on l’avale dans sa gélule

.

Dans la vitrine poissonnière

on joue à la marée galante

la narine se fait marine

.

Dans la vitrine du boulanger

les petits pains sont en nuages

qui restituent un ciel interne

.

Dans la vitrine mercerie

il y a tant de fil à retordre

que ça donne des boutons

.

Dans la vitrine du bottier

les chaussures manquent de pieds

l’espace est veuf du mouvement

Dans la vitrine alimentaire

se côtoient des kilos de litres

de farines loin des famines

.

Dans la vitrine du boucher

les animaux taillés en pièces

sont les témoins d’aucun procès

.

dans la vitrine funéraire

ta mort t’appelle et te rappelle

que rien du monde n’est gratuit

.

Dans la vitrine du garage

les éléments disséminés

d’un corps absent perdent leur sens

.

Dans la vitrine du passé

les souvenirs en courte-échelle

tendent des bras iconoclastes

.

Dans la vitrine du futur

des calicots luminescents

vantent les directions multiples

.

Dans la vitrine du présent

l’étroitesse des trois temps

s’ouvre et se répand sans limite

.

Dans la vitrine où se reflète

ton visage tu ne vois rien

l’image cache ton regard

.

Dans la vitrine psychologue

les sensations les sentiments

les émotions vont en tornades

.

Dans la vitrine du monde

il y a des morts provoquées

par centaines par milliers

Il y a des dirigeants fous

qui mènent des politiques

sans issue ça moyenage

au plus haut des lieux

et l’on regarde impuissant

effaré sans rien comprendre

dans cette vitrine absurde

où remuent les marionnettes

que nous sommes devenus

.

Dans cette vitrine ouverte

les quatre vents tourbillonnent

au vide de ton esprit

Antoine Simon est né par inadvertance en 1943. Sa mère était prénommée Marie et son père Joseph, aussi se prit-il tout d’abord pour Jésus. Ceci éveilla chez lui un instinct poétique qui s’affirma vers les douze ans. À seize ans il était publié dans diverses revues et se prit alors pour Rimbaud. Quand il ne fut plus que lui-même il vida sa tête pour s’en faire un oreiller. Depuis il dort. Dans son rêve il poétise à travers les pays, préférant le public à la publication, dans de nombreux festivals nationaux et internationaux.
Il fait par ailleurs partie du Comité international et de l’équipe d’animation du festival Voix Vives, à Sète.

Dernières publications : Le petit moi – La rumeur libre 2024, Pestiaire – Maelström 2024, Accolade – L’Arbre à paroles 2023, Rien du Tout – La rumeur libre 2021.