.

Assis au bord du petit torrent,

J’ai laissé mon histoire couler au fil de l’eau.

Fichue mémoire,  collée sur mon front, 

Histoire ridée,  froissée,  alourdie par le temps qui passe,

Comme ces brouillons chiffonnés  jetés à l’infini.

Vois tu, nous sommes bien plus que cela, 

Bien plus que ces ornières qui font trembler nos pas.

Lorsque la vie nous fait mal, nous oublions,

Oublions le  soleil qui réchauffe notre cou,

La caresse du vent soufflant sur les ombres 

Et le chant de l’oiseau jouant les filles de l’air.

.

La mémoire,  cette carapace qui nous rends trop durs,

Cette crispation qui tire le rideau au paysage.

Pourtant, dehors, tout change,  la couleur du ciel,

Le parfum de l’air, le manteau des saisons. 

Nous, nous gardons notre histoire,  bien rivée sur notre nez,

Comme une paire de lorgnons qui brouille notre regard.

Alors,

Au bord du petit ru, j’ai posé ce trop plein de moi, 

Et je l’ai regardé se fondre au clapotis du soleil.

L’eau, le soleil, sont entrés par mes yeux,  ont coulés dans mes oreilles, 

Et ont emporté loin d’ici la trame de mon histoire. 

Reste le bruit du torrent,  le souffle de la brise,

Et le chant des oiseaux qui se transforme sans cesse.

J’écris mes mots avec de l’encre de vent,

Pour qu’il n’en reste rien que l’hymne du courant. 

Mes souvenirs sont désormais devenus des enfants partis courir le vaste monde.

Et moi, je laisse ce vide me remplir, 

Pour qu’il y ait la place de conter une autre histoire,  

Une histoire restée vivante qui ne s’agrippe pas aux ombres.

Reste une autre mémoire,  faite de poussières d’étoiles, de fleuves de particules, 

Et de grondements de volcans.

Et aussi de tempêtes, de houles venues apporter

Les premiers signes de la vie sur ce monde.

.

l’auteur

.