Piranese, Les Prisons imaginaires (1750)
Regina Coeli *
Je suis entrée à Regina Coeli
et j’hésitais à regarder droit devant
Mais au contraire je fixais
Mes chaussures
J’ai suivi l’avocat
Celui de Bénévent
Qui faisait des promesses aux clandestins
Des permis de séjour
J’entends le cliquetis métallique
Du verrou
Derrière moi s’est fermée
Une porte à barreaux
Je me sens mal
Je commence à suffoquer
Une autre porte se ferme
Un autre verrou
Je dois me ressaisir
Sous peu je pourrai sortir
Je suis juste
Un traducteur
Ils l’ont arrêté avec les autres
Dans un atelier de confection
Assis dans la cellule
Un malheureux en chemise blanche
On doit repasser vite, explique-t-il
Souvent nos brûlures sont profondes
Ses manches retroussées révélent
Des lambeaux de peau lacérée
Mais qui te fait travailler comme ça ?
Un propriétaire de mon pays
Qui ne donne aucun salaire
Et ne te rend pas
Ton passeport
Nous sommes à l’atelier jour et nuit
On y mange des nouilles minute
Et on dort sur des matelas dégoûtants
Jusqu’à ce qu’on ait remboursé
La tête de serpent **
J’ai à peine plus de vingt ans et je découvre la vie.
Pour ce qui est du propriétaire
Il est libre
J’ai envie de pleurer et il n’y a rien que je puisse faire
Mais je me demande comment un si beau nom
Peut être celui d’une prison
.
*Nom de la grande prison de Rome (« Reine du Ciel » lat.)
** « passeur » en chinois
.
.
.
Regina Coeli
Sono entrata a Regina Coeli
E non mi andava di guardare dritto
Il mio sguardo invece si era fissato
Sulle mie scarpe
Ho seguito l’avvocato
Quello di Benevento
Che fece promesse ai clandestini
Permessi di soggiorno
Sento lo scatto metallico
Del lucchetto
Dietro di me si è chiusa
Una porta sbarrata
Mi sento male
Inizio a soffocare
Un’altra porta chiusa
Un altro lucchetto
Ora devo ragionare
Dopo un po’ potrò uscire
Sono semplicemente
Un traduttore
Lo hanno arrestato con gli altri
In un laboratorio di sartoria
Nella cella
Un poveraccio con la camicia bianca
Dobbiamo stirare veloce, mi spiega
Spesso ci si brucia profondamente
Le maniche rimboccate svelano
Pezzi di pelle lacerata
Ma chi ti fa lavorare così?
Un proprietario del mio paese
Che non dà lo stipendio
E non ti rende
Il passaporto
Stiamo nel laboratorio giorno e notte
Lì mangiamo pasta liofilizzata
E dormiamo su materassi zozzi
Finché sarà rimborsata
La testa di serpente*
Ho un po’ più di vent’anni e scopro la vita.
Per quanto riguarda il proprietario
È libero
Mi viene da piangere e non posso fare nulla
Ma mi chiedo come può essere così bello
Il nome di un carcere
.
* « passeur » in cinese
(traduction de l’autrice)