Maitsetseg Shonkhor, qui nous avait présenté les auteurs Tchaghnaa PUREVDORJ et Todorkhoi NAYANTAI nous propose de découvrir un auteur capital de Mongolie, tôt disparu mais laissant une oeuvre conséquente, ici traduite par elle-même et par Altantsetseg Tulgaa, autrice d’une Anthologie de la littérature mongole contemporaine aux éditions Kapaz.
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Arlaan ERDENE-OCHIR est un poète et journaliste, né en 1972 dans la région de Dornogovi, à l’extrême sud-est de la Mongolie – il est mort en 2018.
Après ses études secondaires, il est venu à Oulan-Bator pour étudier la littérature à l’Ecole normale supérieure. Il a fait sa carrière de journaliste dans divers organes de presse et de la télévision. Il a écrit une série de recueils de poèmes comme Les jours bleus d’encre, La tendresse (1995), Les oiseaux innocents (2000), Le flux du soleil et de la lune (2001), Le monde que je collectionne (2006), Une telle vie (2007), La saison de la tristesse transparente. Ses poèmes sont traduits en russe, anglais, chinois et coréen.
Entre 2017-2018, il était directeur du Conseil d’Administration de l’Union des écrivains mongols. Il a reçu de nombreux prix et distinctions nationales et internationales. En 1998, il a reçu la récompense de l’Union des écrivains mongols. En 2002 et en 2006, il a remporté les premiers prix du concours « Bolor tsom » (Coupe de cristal) et du Premier festival mondial des poètes mongols. En 2012, il a été décoré du Médaillon « Pour l’excellence poétique » de l’Académie du monde des arts et de la culture. L’année 2015 a également été une année enrichissante pour Erdene-Ochir, avec le prix du « Meilleur poète » décerné par l’Académie mondiale de la poésie. En 2017, il a été distingué comme la figure culturelle de la Mongolie par le décret du président de la Mongolie.
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traduction : Maitsetseg Shonkhor
ARDEUR DE MES PENSEES
Comme une flamme dans l’eau
Mon bonheur se trouve dans l’espace cosmique
Mon chagrin se niche dans ce monde chaotique
Dans cette proche souffrance et ce lointain bonheur
Mon cœur s’épuise tel un oiseau solitaire
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Même si je fais croire que je jouis d’une félicité sans bornes
J’éprouve du chagrin en contemplant les rayons du soleil couchant
Sur ce long et pénible chemin des années mornes
Je vis ma vie tel une charrue accablant les champs
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Depuis quand tourne cet univers
En entrelaçant les tristes herbes sauvages ?
Depuis quand je chante sur cette Terre
En délaçant ces tristes herbes des steppes ?
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Où est le libre souffle de mon cheval à la robe noire
Contournant les terriers à plein galop
Pourquoi ma maman qui chérit tant son enfant
Ne parvient pas à voir ses cheveux blancs ?
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J’ai désiré vivre tel un tonnerre déchirant les nuages
Dans cette vie qui ressemble à une silencieuse pluie légère
J’ai aspiré à une existence à la fois éternelle et éphémère
En rompant la sérénité du temps et de l’espace.
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L’OISEAU-MERE
Quand les nuages s’effilochent sous le soleil caniculaire
Quand la loi de l’univers refuse le bonheur aux solitaires
Avec le triste retour du vent de fin d’automne
Un canard mandarin pleure dans un petit lac de l’univers
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L’oiseau qui grandit sur Terre vieillit dans l’éther
Enfermé pour de nombreuses nuits dans son chagrin amer
L’oiseau est heureux quand il déploie librement ses ailes
Une jeune alouette chante sur la branche d’un arbre centenaire
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Ce canard dans une solitude immense
Cancane à en perdre son plumage
Se lamente dans les roseaux denses
Fuyant le bonheur sans nuage
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Pour suivre son destin, traversant les nuées
L’oiseau frappa des ailes la surface de l’eau
Et s’envola tristement vers l’horizon reculé
En étreignant son fils, mon amour a soupiré
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Ce c/anard mandarin doit être un oiseau mère…
traduction Altantsetseg Tulga
Ô, MA JEUNESSE BIENVEILLANTE
Fidèle à l’amitié de mon ami
Je ne l’ai jamais abandonné dans ses erreurs
Plus humble et plus modeste dans la vie
Je ne me suis jamais précipité vers la porte de la gloire
Ô, ma jeunesse bienveillante !
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Malgré les hauts et les bas de la vie que je traverse
Je n’ai jamais cherché un abri pour me cacher, au contraire,
Ayant la bonté d’âme de protéger les autres du vent glacial
J’ai essuyé tes larmes, ma petite bien-aimée, sans en faire couler d’autres
Malgré mes beuveries et histoires de femmes
Je ne me suis jamais soucié de reconnaître un ennemi ou un ami
Conscient du passage difficile du col au cours du voyage
J’ai su ménager mon cheval jusqu’à l’arrivée sans le fouetter sauvagement
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D’insignifiants soucis me rongent le cœur et l’esprit
Meurent les gens, victimes de la gloire, sous mes yeux,
La pitié que j’ai pour les autres me tourmente sans cesse
Je n’ai jamais vu un fardeau aussi lourd dans la vie que le chagrin.
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Je n’ai pas le droit de mourir tant que ma mère est en vie
Sinon le soleil de sa grande âme s’éteindra complètement
La beauté rayonnante de l’univers se fanera peu à peu
La source vénérée de ma vie s’épuisera tristement
Les belles journées fleuries d’été ne reviendront plus
Et la terre entière sera envahie par les mauvaises herbes
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Je n’ai pas le droit de mourir tant que ma mère est en vie
Sinon le soleil de sa grande âme s’éteindra complètement
Les plantes enracinées fleurissent une fois l’an
Les mères se réjouissent lorsque leurs enfants sont en vie
Je n’ai pas le droit de mourir tant que ma mère est en vie
La mort éteindra le soleil de sa grande âme.
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Les monts bleus se reflétaient dans les mirages au loin
Et mon cœur était emporté par la passion amoureuse
Hélas, les oiseaux d’amour ne se croisaient pas
Et mon regard te suivait de tout près
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En demeurant au cœur de la grande steppe
Je comblais cet univers diapré d’amour
Cet automne aux rêves éphémères me paraissait sans fin
Et se levait un vent doux et léger du sud-est
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La migration inattendue des grues au-dessus de mon cœur
M’offrait des moments joyeux pour penser à toi
Et en espérant recevoir de tes nouvelles d’un voisin
Je chevauchais à travers la steppe piétinant les herbes
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Toutefois, nous nous étions perdus l’un l’autre,
Dans ta crainte, tu as préféré quelqu’un d’autre
Hélas, les oiseaux d’amour ne se croisaient pas
Et mon regard ne te quittait pas.
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Altantsetseg Tulgaa,
traductrice, est née à Ulaanbaatar, en Mongolie. Diplômée en traduction de langue française à l’Université des Sciences humaines d’Ulaanbaatar, elle est devenue professeure de français.
En parallèle de ses responsabilités universitaires, elle fait des traductions littéraires. Elle a traduit en mongol Siddhartha d’Herman Hesse (éditions Битпресс, 2010), La princesse de Babylone de Voltaire (éditions Мөнхийн үсэг, 2021), ainsi qu’en français l’Anthologie de la littérature mongole contemporaine (Les éditions Kapaz, 2024).
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