.
O CENTAURACH / LES CENTAURES
.
O Centaurach
.
Scierają się rym o rym ostrzone wiersze ze szczękiem –
nie ufaj ścisłym rozmysłom, by żaden cię nie opętał,
– nie ufaj palcom jak ślepcy,
ni oczom jak sowy bezrękie –
oto głoszę namiętność i mądrość
ciasno w pasie zrośnięte
jak centaur. –
/
Wyznaję dostojną harmonię męskiego torsu i głowy
z rozrosłem ciałem ogiera i cienką pęciną nogi –
– do żeńskich chłodnych policzków
i kłębów okrągłych kobył
galopują wspaniałe centaury
w dzwonie podków z łąk mitologii.
.
Ich namiętność skupioną i mądrą
i ich mądrość płomienną jak rozkosz
odnalazłam w dostojnej harmonii
i stopiłam w pasie i sercu.
.
Popatrz:
namysł
o twarzy antycznej
zgrzanym koniom zawierzył swą boskość,
jak spętane rumaki po jaskrach
drżące zmysły pędzą po czerwcu.
.
Les Centaures
.
Ils résonnent rime contre rime en tintant, les vers affûtés –
ne te fie pas aux pures pensées afin qu’aucune ne t’envoûte, –
ne te fie pas aux doigts comme les aveugles,
ni aux yeux comme les chouettes privées de mains –
je clame la passion et la sagesse
par la taille étroitement unies
comme un centaure. –
/
Je crois à la noble harmonie du torse masculin et de la tête
avec le corps d’étalon bien découplé et la jambe fine –
– vers les joues fraîches des femmes
et les croupes rondes des juments
ils galopent les fabuleux centaures
dans un fracas de fers venus des prés de la mythologie.
.
Leur passion attentive et sage
et leur sagesse flambant comme la jouissance
je les ai retrouvées dans la noble harmonie
et fondues dans la taille et le cœur.
.
Regarde donc :
la pensée
à l’antique visage
a confié aux chevaux excités son caractère divin
comme des étalons entravés dans un champ de boutons d’or
les sens tout frémissants galopent à travers le mois de juin.
première publication in Skamander, 1936
.
L’autrice
.
Zuzanna Ginczanka, de son nom de plume Zuzanna Polina Ginzburg ( 9 mars1917 – mai 1944), est une poète polonaise de l’entre-deux- guerres, juive, née dans une famille russophone à Kiev. Elle choisira d’écrire son oeuvre poétique en polonais. Arrivée à Varsovie en septembre 1935, Ginczanka, alors âgée de 18 ans, devient rapidement une « figure légendaire » du monde littéraire et artistique, sous la protection de Julian Tuwim, le doyen des poètes polonais de l’époque. Elle publie ses poèmes, comme il est d’usage à l’époque, dans des journaux et périodiques littéraires, elle n’aura pas le temps de les rassembler en recueils, mais ils correspondent à des cycles. Un seul recueil de ses poèmes paraît de son vivant, O centaurach (Les Centaures, 1936), véritable événement qui suscite des réactions passionnées dans les cercles littéraires de Pologne. A partir de l’invasion de la Pologne par l’occupant nazi, la vie de Z.G n’est que fuite incessante. Dénoncée plusieurs fois, elle est finalement arrêtée par la Gestapo, internée, torturée puis exécutée le 5 mai 1944, à Płaszów (Cracovie).
L’illustration est un tableau de Wisna Lipszyc, représentant Zuzanna Ginczanka dans sa prison, passant son dernier poème, poème testamentaire de 1942, par les barreaux de sa prison. (Tout est expliqué dans la postface d’Isabelle Macor au livre publié aux éditions La Barque)
Les Centaures et autres poèmes, traduction d’Isabelle Macor, bilingue français-polonais, est publié aux éditions La Barque,
2024, 388 p.
https://labarque.fr/librairie/livres/auteurs/zuzanna-ginczanka/les-centaures-autres
poemes/ – Choix des poèmes, traduction, notes contextuelles, postface, apport des
illustrations et des documents d’archives, Isabelle Macor, « Mots pour Les
Centaures », Olivier Gallon.
L’ouvrage a également été sélectionné sur la liste du Prix Mémorable 2025.
https://actualitte.com/article/119923/prix-litteraires/8-titres-en-competition-pour-le-prix-memorable-2025